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[Homélie] Sur la montagne de l’Ascension, nous ne sommes pas des rêveurs

Jezus Chrystus
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Mickaël Le Nezet - publié le 08/05/24
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Curé de la paroisse de Rochefort, le père Mickaël Le Nézet commente les lectures de la solennité de l’Ascension. Sur la montagne de l’Ascension, le Christ envoie les disciples rejoindre le monde tel qu’il est pour être témoins de sa Bonne Nouvelle.

« Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? » On peut comprendre la réaction des disciples telle qu’elle nous est relatée dans ce passage du livre des Actes des Apôtres (Ac 1, 11). On peut en effet comprendre cette nostalgie qui monte de leur cœur au moment où le Christ les quitte du regard. Comment en effet accepter de passer d’une vie si intense avec lui, à se laisser porter, à se laisser guider et enseigner par lui, à une vie sans lui, sans cette présence charnelle si forte pour chacun de ceux qui l’avaient suivi ? D’une certaine manière, tant que le Christ était à leur côté, ils se savaient en confiance. À leur côté, le Christ savait les aider à relativiser ce qui devait l’être en leur redisant l’essentiel. À ses côtés, on se sentait en sécurité, presque sans peur, ni de l’avenir, ni des épreuves du quotidien puisque le Christ avait cette manière d’être, si personnelle pour consoler, apaiser, réconforter, soutenir, à l’image du berger proche de ses brebis. Regardant le ciel, les disciples sont plongés comme dans un rêve, comme s’ils voulaient y rester pour ne pas avoir à affronter à nouveau ce monde devenu hostile, peut-être même angoissant pour eux, en tout cas, indifférent, bien loin de ce qu’eux avaient pu vivre en choisissant de tout quitter pour le Christ.

Comment en effet accepter de passer d’une vie si intense avec lui,à une vie sans lui, sans cette présence charnelle si forte pour chacun de ceux qui l’avaient suivi ?

Faire de la religion un refuge ?

On ne peut pas s’empêcher de se redire, encore une fois en regardant les disciples que nous sommes finalement si proches d’eux. Devant les difficultés de la vie, devant les épreuves du quotidien parfois si lourd, devant, sinon l’hostilité du moins l’indifférence de notre monde aux choses de Dieu et aux vérités de la foi, ne risquons-nous pas nous aussi de rêver d’un autre monde plus sécurisant, plus rassurant, moins éprouvant ? Et n’y aurait-il pas alors un risque de faire de la religion une échappatoire en nous plongeant dans la nostalgie d’un monde plus beau dont il n’est pourtant même pas certain qu’il ait existé un jour ? Nous pouvons en effet, faire de la religion, comme les disciples tournés vers le ciel, un refuge en nous laissant porter par les odeurs de l’encens qui nous feraient oublier le réel moins enivrant. Et certains ne manqueront pas de nous le faire remarquer, présentant la religion comme l’opium des faibles et des fragiles. 

Mais voilà que la Parole de Dieu en ce jour de fête nous pousse à sortir de nos rêveries. Elle nous bouscule et nous interpelle. « Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? » Je ne peux pas ne pas citer une parole du théologien protestant Dietrich Bonhoeffer : « Est-ce que nous, chrétiens, avons la force de témoigner au monde que nous ne sommes pas des rêveurs, et que nous ne marchons pas sur des nuages ; que notre foi n’est pas l’opium qui nous laisse béats au cœur d’un monde d’injustice ? » Sur la montagne de l’Ascension, le Christ envoie les disciples rejoindre le monde pour être témoins de sa Bonne Nouvelle. La contemplation du ciel, c'est-à-dire de cette vie de Dieu manifestée aux hommes par le Christ, n’a de sens que si elle nous renvoie sur la terre pour offrir cette vie de Dieu à toute l’humanité. L’Église n’existe pas pour elle-même mais bien pour le monde et l’institution n’est pas une fin en soi mais au service de cette Bonne Nouvelle à répandre sur toute la terre.

La contemplation du ciel n’a de sens que si elle nous renvoie sur la terre pour offrir cette vie de Dieu à toute l’humanité.

Là où Dieu nous attend

Ce qui nous est redit en cette fête de l’Ascension, c’est la mission de tout disciple du Christ. Notre attente de la venue du Règne de Dieu ne peut être qu’une attente active. Et notre tâche est grande. Là où nous sommes, il s’agit de redire que Dieu n’abandonne pas ce monde, qu’il ne le rejette pas, qu’il ne le méprise ni ne le condamne mais qu’il lui offre l’espérance en un chemin de vie pour le conduire à la plénitude. Oui, notre responsabilité est grande puisqu’il s’agit, tel que nous sommes, avec ce que nous sommes, de répondre à la volonté de Dieu que la terre devienne ciel, pour reprendre une expression de Benoît XVI, c'est-à-dire que notre humanité avance vers toujours plus de justice et de paix, dans le respect de chaque être humain, dans le travail de réconciliation entre les hommes, dans la construction d’une humanité plus fraternelle, plus unie. C’est là que Dieu nous attend ; là et là d’abord. Encore une fois l’Église n’existe pas pour elle-même mais pour ce monde que Dieu a choisi de rejoindre en envoyant son Fils unique, Sauveur du monde.

« Vous allez recevoir une force »

Certes, nous pouvons nous sentir petit devant une telle mission. Petit et sans doute bien pauvre pour y répondre généreusement. Croyez-vous que les choses allaient de soi pour les disciples, eux qui se savaient surveillés par les autorités romaines ? Eux aussi avaient peur, eux aussi se sentaient démunis devant l’ampleur de la tâche. Mais ils avaient entendu la promesse faite par le Christ sur la montagne de l’Ascension : « Vous allez recevoir une force, quand le Saint Esprit viendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Cette promesse est aussi pour nous. Dieu saura nous donner ce qu’il faut pour accomplir notre mission. Dans ces jours avant la Pentecôte demandons avec insistance, dans notre prière, cette force de l’Esprit Saint pour proclamer partout l’Évangile comme il nous demande de le faire.

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