Une histoire d’amitié et de fraternité entre deux résistants, dans l’horreur des camps, c’est ce à quoi Alice Marignane, de son nom d’artiste Aliço, a décidé de consacrer sa dernière chanson. La jeune femme parle volontiers de "déclic" pour décrire ce qui l’a poussée à composer ce nouveau titre. Il y a un an, elle lit sur une plaque commémorative le nom de Martial Montagne. Aussitôt, lui revient cette parole que Martial murmurait à son grand-père : "Tu leur diras". Une inspiration vient : "J’ai pensé : ‘c’est un titre de chanson’". Elle se met au travail.
Martial était pianiste, c’est donc le piano qui vient naturellement à Aliço pour composer. Voix, piano et le violoncelle qui fait ressortir les émotions : ce sont les ingrédients d’une chanson écrite à quatre mains, avec sa grand-mère, l’épouse de Joseph Pierre, âgée aujourd’hui de 99 ans. Aliço veut réaliser sa chanson comme un hommage à ceux qui sont revenus, et aussi à ceux qui sont restés. Car si Pierre Joseph Rey a survécu et a pu fonder une famille, Martial Montagne n’est jamais rentré.
La vie dans les camps est évoquée avec sobriété dans le clip. Les coups, la faim, le voisinage des cadavres des compagnons d’infortune viennent à bout des plus robustes. Martial et Joseph Pierre se serrent les coudes. Tous les deux catholiques et originaires du Vaucluse, ils puisent dans leur foi l’énergie pour rester debout. Affectés au travail sur de l’armement, ils tentent tant bien que mal de saboter l’ouvrage réalisé. Ils promettent aussi de se rendre à Lourdes ensemble s’ils survivent.
Mais la maladie finit par avoir raison de Martial qui est transporté à l’hôpital du camp. Un jour, Joseph Pierre lui rend visite et entend cette phrase "Tu leur diras", puis il part travailler. Il ne reverra plus son ami sur cette terre. Martial aurait été transféré au camp de Lublin, en Pologne, dont il ne reviendra jamais. Son corps n’a jamais été retrouvé. Une plaque évoque sa mémoire dans le Vaucluse.
"Pardonner, mais ne pas oublier"
C’est en avril qu’a eu lieu la libération des 60.000 prisonniers du camp de Bergen-Belsen en 1945. Fidèle à son engagement, Joseph Pierre se rend à Lourdes et prend soin de visiter la famille de Martial. Mais comment vivre après cela ? Pour le grand-père d’Aliço, comme pour d’autres, il est évident que s’il a survécu c’est pour témoigner. Au début, rapporte sa petite-fille, c’était difficile de parler. Dire l’indicible, dépasser la peur de ne pas être cru, cela a pris du temps. Mais au fil des années Joseph Pierre commence à raconter, et il témoignera ensuite toute sa vie dans les établissements scolaires de ce qu’il a vécu. Aujourd’hui, c’est une nouvelle génération qui prend le relais, avec talent, pour ce grand-père qui voulait "pardonner, mais ne pas oublier".