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François de Paule, un saint calabrais à la cour du roi de France

FRANÇOIS DE PAULE

Louis XI, agenouillé devant saint François de Paule, Collection du Musée Anne de Beaujeu, Moulins.

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Anne Bernet - publié le 01/04/24
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François de Paule, franciscain Calabrais, fondateur de l’ordre des Minimes, débarqua un jour à la cour du roi Louis XI, sur ordre du pape. Auteur de nombreux miracles, on le sommait de sauver les mourants et de prédire l’avenir, mais mieux qu’un autre il savait que seul Dieu décide…

Les charismes de certains saints sont si éclatants qu’ils se transforment, à leur corps défendant, en phénomènes de cirque que l’on vient voir, non pour admirer l’action de la grâce divine en eux, mais les étrangetés qui les environnent, ou tenter d’en tirer profit. Tel fut le cas de François de Paule, désireux de vivre en paix sa vie érémitique et transformé, par obéissance, en conseiller des rois, voire en pieux diseur de bonne aventure. Il ne tomba point toujours juste.

Une authentique vocation

À Paola, en Calabre, vit, à l’aube du XVe siècle un couple de propriétaires fonciers riches, honnêtes, pieux mais accablé d’une stérilité d’autant plus sans remède que Giacomo et Vienna Martolilla avancent en âge. En désespoir de cause, ils font un vœu à saint François d’Assise, promettant de donner son prénom à l’enfant qu’ils espèrent. Le 27 mars 1416, Vienna met au monde un fils, qu’un autre garçon et une fille suivront, aussitôt baptisé François, comme promis. Hélas, Francesco marche à peine que le médecin diagnostique une ophtalmie qui menace de le rendre aveugle. Nouveau vœu à son saint patron : si l’enfant ne perd pas la vue, il passera une année comme oblat dans un couvent franciscain, promesse scrupuleusement tenue après sa guérison. 

Mais, à San Marco Argentano, Francesco se découvre une authentique vocation et décide d’entrer dans l’Ordre. Il y a longtemps que, les Spirituels n’ayant pas eu gain de cause, les fils du Poverello en ont rabattu des exigences de pauvreté de leur fondateur, détail qui n’échappe pas à l’adolescent. Et, lorsque, en 1430, au retour d’un pèlerinage à Assise, Lorette, Cassino et Rome, il croise dans la ville un cardinal en somptueux équipage, il lui jette que le Christ n’a jamais porté de soie pourpre ni habité un palais. Ce ne serait qu’insolence juvénile si Francesco n’avait en tête un programme de réforme dans la grande tradition de l’Assisiate. 

Un crasseux au suave parfum

De retour chez lui, il obtient de ses parents d’aller vivre en ermite dans la grotte de Patrimonio, coin reculé de leurs terres. C’est là qu’en 1535, il est dérangé par des chasseurs qui courrent un malheureux faon ; celui-ci tombe à bout de forces aux pieds de l’ermite qui, en un instant, le transforme en animal de compagnie, fait si étonnant que le groupe de veneurs se convertit et, renonçant aux plaisir du monde, supplie Francesco de les laisser partager sa sainte solitude. Ainsi naît une communauté baptisée Ermites de saint François, appellation à laquelle Francesco préfère celui de Minimes, autrement dit, Tout Petits. Le jeune fondateur n’a pas encore 19 ans mais, bientôt, devient une figure familière en Italie du Sud. Chacun connaît ce frère lai arpentant les chemins par tous les temps, pieds nus, vêtu d’une bure usée, la barbe longue, jeûnant à longueur de vie, se nourrissant de légumes et fruits. 

Or, loin de sentir la crasse, l’humble religieux répand, de l’avis unanime, un suave parfum d’ambre, encens et musc, à faire pâlir d’envie un élégant : celui de ses vertus. Cette odeur de sainteté ne suffit pas, un jour qu’il veut aller prêcher en Sicile, à convaincre un patron pêcheur peu généreux de le transporter gratis sur l’île. Imperturbable, Francesco retire son manteau troué, le pose sur l’eau, s’assied dessus et traverse sans encombre en cet équipage le détroit de Messine, exploit qui lui vaudra de devenir le patron des marins italiens. 

À la cour de France

Des miracles, il en fait sans cesse, guérissant tous ceux qui s’adressent à lui, ressuscitant au moins sept défunts, prophétisant l’avenir, annonçant la prise par les Turcs d’Otrante, qui adviendra en 1480, et sa délivrance par le roi de Naples. Approuvés par l’évêque de Consenza, les Minimes ne cessent de se développer et la reconnaissance canonique de l’Ordre par Sixte IV, en 1474, permet une floraison de fondations, tandis que se répand la réputation du frère François et de ses miracles ; elle atteint même la France. En cette année 1481, Louis XI est malade et, terrifié à l’idée de mourir, réclame au pape l’envoi du thaumaturge infaillible. Force est à François d’obéir… 

Débarqué en Provence après bien des difficultés, car la peste ravage la région, il commence par écarter le fléau de toutes les villes où il passe et c’est précédé de la rumeur de ces merveilles qu’il atteint Plessis-lez-Tours où réside le roi. Mais, pour faire des miracles, encore faut-il la permission divine et Dieu estime que l’heure de Louis XI est venue, réalité désagréable que Francesco doit faire accepter au royal mourant. Qu’il l’amène à une vraie résignation chrétienne est en soi un prodige. Le roi mort, l’échec du thaumaturge patent, Francesco pense regagner sa Calabre ; il n’en est rien. S’il n’a pas guéri le souverain, il a opéré maints autres prodiges, de sorte que Charles VIII se refuse à le laisser partir et fait de lui son conseiller politique.

Sommé de prédire l’avenir

Jusqu’à sa mort, le Vendredi saint 2 avril 1507, François ne quitte plus la Touraine et l’entourage des souverains successifs, obtenant d’eux d’implanter les Minimes à Tours et Amboise. Vivre parmi les Grands et les Puissants ne change rien aux mortifications de cet ermite qui ne veut pas être de salon. Habitué aux tentations des fastes royaux, Bossuet, évoquant saint François de Paule, écrira : « Il fut solitaire jusque dans la Cour et ne trouva rien qui soit digne de lui que le Ciel. » Ce ne sera pas faute d’être sollicité et sommé de prédire l’avenir.

Ainsi en est-il de la princesse Louise de Savoie, petitement mariée à un cadet de la famille royale, le comte d’Angoulême, cousin éloigné du roi et si loin du trône qu’il faudrait bien des hasards pour que ses rejetons puissent prétendre à la couronne. Pourtant, Louise y croit. Encore faudrait-il qu’elle ait un fils car, pour l’heure, elle n’a qu’une fille. Sera-t-elle mère d’un roi ? Telle est la question qu’elle pose lors de sa grossesse de 1494 à François de Paule. Celui-ci répond qu’elle aura un garçon, mais, étranger aux spéculations dynastiques de la jeune femme, prédit qu’elle mettra au monde un grand saint. Ce sera un fils, en effet, qui recevra le prénom du prophète calabrais mais ce sera, en l’affaire, le seul éclat de clairvoyance de l’ermite car cet enfant, devenu roi en 1515 sous le nom de François Ier ne risquera jamais l’auréole… 

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