Sophie Galitzine, 45 ans, est mariée et mère de deux enfants de 6 et 7 ans, et elle a aussi un beau-fils de 16 ans. Artiste et thérapeute, elle anime des ateliers pour accompagner les femmes vers une relation plus apaisée avec leur corps et nourrir leur âme, grâce à la danse. Elle est aussi auteur et interprète de plusieurs pièces de théâtre, dont la trilogie Je danserai pour toi, Le fruit de nos entrailles et Faire corps. Avec profondeur et authenticité, elle témoigne auprès d'Aleteia de sa vie et de sa foi.
Aleteia : Vos spectacles sont autobiographiques. Vous parlez de votre vie et aussi de votre foi chrétienne. D’où vient votre foi ?
Sophie Galitzine : Je n’ai pas été éduquée dans la foi chrétienne. Ma mère ne pratiquait pas et mon père, avec qui je ne vivais pas, était russe orthodoxe. Il avait une foi assez ardente. Je l’ai vu prier, je l’ai vu aller au monastère, mais je ne partageais pas cela avec lui. Après sa naissance au Ciel, à mes 28 ans, ça m’est tombé dessus, sans que je m’y attende. J’ai vécu une conversion sur le tard et assez radicale.
Pouvez-vous nous parler de cette conversion radicale ?
J’ai vécu une expérience mystique en Inde, mais il y a eu plusieurs étapes. Pendant des mois, j’ai suivi l’enseignement d’un maître hindouiste et j’ai appris l’oraison et le silence. J’ai vraiment pris conscience qu’il y avait autre chose que ce que je voyais, quelque chose de plus grand et de l’ordre de l’invisible. Puis j’ai rencontré un jeune chrétien, qui m’a parlé du Christ, juste quelques minutes, au pied d’une montagne. Il m’a dit qu’il voyageait avec une Bible et que le Christ était tout pour lui. Il ne le sait pas, mais il a changé ma vie, il m’a ramenée au Christ. J’ai fait l’expérience mystique d’une grande paix, de joie, de beaucoup d’amour à l’intérieur de moi, d’une plénitude et d’une abondance que je n’avais jamais vécue. Ce garçon a permis que ma vie soit totalement bouleversée. J’ai passé ensuite du temps dans un monastère orthodoxe dans le Var et j’ai été chrismée. J’avais reçu le baptême catholique petite fille, mais j’ai reçu la chrismation chez les orthodoxes. Après un long discernement sur un appel à la vie religieuse, j’ai finalement rencontré mon mari dans une église, au moment de la communion, et je me suis mariée.
Par votre chrismation vous êtes donc orthodoxe, mais votre mari est catholique. C’est sûrement enrichissant, mais peut-être pas toujours simple ?
C’est assez clivant en effet et riche aussi, parce que si je n’écoutais que moi, j’irai à l’office orthodoxe tous les dimanches, mais ça n’a aucun sens pour moi d'aller communier sans mon homme et sans mes enfants. Alors nous allons à l’office orthodoxe une fois par mois environ, et les autres dimanches à l’office catholique. Pour mon mari, l’orthodoxie est vraiment une terre étrangère : ce n’est pas sa sensibilité et ça ne le met pas dans une profonde prière. Tous ses sens sont distraits par l’encens, les chants, la psalmodie, le mouvement ou les génuflexions fréquentes, et donc il vient, mais je sens parfois que c’est un petit sacrifice pour lui. Et c’est beau d’ailleurs qu’il le fasse.
Je me sens beaucoup plus proche de l’orthodoxie, mais c’est la même foi évidemment.
Moi, je suis entre les deux. J’ai été baptisée chez les catholiques, nos enfants ont été baptisés chez les catholiques russes et mon mari et moi nous sommes rencontrés chez les Fraternités monastiques de Jérusalem. Avec mes spectacles je baigne quand même dans un milieu plutôt catholique, donc ce n’est pas du tout étranger pour moi. Cependant dans mon cœur profond, dans la mystique, dans la liturgie, je me sens beaucoup plus proche de l’orthodoxie, mais c’est la même foi évidemment.
Quelle place a votre mari à vos côtés ?
Je dirai que mon mari, c’est l’essentiel après ma relation au Christ. Si je devais le décrire comme un tableau ou une image, je le verrais comme un arbre, quelqu’un de très stable et de très enraciné. Il a une vie intérieure très profonde : il a étudié la théologie, la philosophie, le piano, donc il est très ancré dans le silence, dans la vie intérieure et dans le beau. C’est un artiste, il est céramiste potier, il travaille le rapport à la terre, il est attaché au réel. Cela m’ancre beaucoup et me fait redescendre. J’avais sans doute un côté beaucoup trop spirituel et toujours dans l’idéalisation et, grâce à lui, je suis plus dans le réel. Il m’apaise beaucoup.
Notre complémentarité se voit aussi dans les rapports féminin-masculin : là où je vais faire quinze phrases et me perdre dans mes émotions et mes sentiments, il va me répondre « oui » ou « non », et cela me clarifie tout de suite la pensée. Mon mari et moi, nous sommes très différents mais ce qui nous relie, c’est le Christ. C’est notre fondateur. Quand on s’entend bien et qu’on est bien stables tous les deux, on est comme deux arbres qui font alliance. Mais bien sûr, on n’est pas toujours arbres mais parfois dragons ou brutus.
Comment conciliez-vous votre vie d’épouse, de mère, et votre vie professionnelle ?
Je ne suis pas vraiment d’accord quand on dit que la société veut que les femmes réussissent sur tous les plans. Je pense que c’est aussi une histoire de soi avec soi : comment j’accepte de renoncer à telle ou telle exigence pour plus de paix, comment j’essaye d’être plus souple avec moi et les autres. J’essaye d’appréhender avec douceur toutes ces cases à remplir.
Notre quotidien est assez créatif, il y a pas mal d’ajustements mais ça se fait.
Ce qui m’aide, c’est que mon mari et moi, nous sommes tous les deux en libéral. Je choisis donc mes horaires, et je ne prends plus de patientes après 17h30 pour pouvoir aller chercher tous les jours mes enfants à l’école, donc c’est assez agréable. J’aime beaucoup cela et je passe mes soirées avec ma famille quand je ne suis pas au théâtre. Si je pars en stage ou en tournée, c’est mon mari qui prend le relais. Notre quotidien est assez créatif, il y a pas mal d’ajustements mais ça se fait. J’ai aussi du temps pour moi, pour prier, faire un peu de sport, cuisiner, voir des copines. Je trouve que c’est assez équilibré, entre autres parce que je suis en libéral, mais cela me demande une discipline et une organisation.
Vous avez deux jeunes enfants. Qu’aimez-vous le plus dans votre maternité ?
La tendresse. J’aime quand ma maternité me nourrit de tendresse et m’invite à l’être, tendre. Parfois, la maternité me rend aussi dure bien sûr, car elle me fatigue et m’oblige à renoncer à pas mal de rêves aussi. J’aime mes enfants, ils sont tout le temps heureux de vivre, tout le temps dans la joie, surtout mon fils. Ma fille est plus complexe, plus sensible. Ils m’épuisent aussi, parce qu’à six heures ils sont réveillés, ils jouent, ils se marrent, et en même temps je me dis que c’est tellement vivant. C’est la vie ! Enfant, j’ai beaucoup manqué de cadre et de règles, et le fait de ne pas avoir reçu cela petite, j’apprends adulte dans ma vie personnelle et avec mes enfants, et c’est un gros challenge.
Qu’est-ce que la créativité et l’art peuvent apporter à la vie d’une maman ?
Tout ! La créativité est partout et en tout quand on est présent au réel et au présent, et aide à rester vivante, même malgré la fatigue ! On peut être créative à la maison, dans les vêtements, dans la cuisine, changer le programme d'un week-end, d'un mercredi. Et l'art permet de se nourrir de beau. Les enfants aspirent naturellement au beau et le beau guérit et nourrit en profondeur. Je pense qu’il ne faut pas hésiter à dessiner, à aller au musée, à écouter de la musique. On peut aussi créer du beau à partir de ce qui nous blesse… et ça guérit !
Comment être une femme rayonnante et de bonne humeur ?
Mes ressources sont la prière, le fait de ralentir par moments, et puis le mouvement, qui m’aide à me sentir différente, que ce soit par la danse, le sport, ou même la rencontre. Quand je sens que c’est figé, que ça reste dans ma tête, que je ne bouge plus, que je m’inquiète, que je suis dans la plainte ou la victimisation, le fait de me remettre en mouvement me redonne de la vitalité.
Quelle est votre sainte préférée ?
J’en ai beaucoup, mais j’affectionne particulièrement Mère Marie Skobtsova (1891-1945), une sainte orthodoxe russe, auteur du livre Le sacrement du frère. Elle m’inspire parce qu’elle est contemporaine et qu’elle vivait vraiment dans le monde. C’était une théologienne, une artiste, qui ensuite est devenue moniale, et elle est morte dans un camp de concentration. Elle avait une vraie vie de prière et en même temps elle disait que les offices étaient trop longs et que chez les orthodoxes, il fallait aussi être plus sur le terrain, comme chez les catholiques. Elle passait beaucoup de temps dans les bars pour accueillir les réfugiés russes. Elle a créé une maison pour eux après la révolution, dans le XVe à Paris. Elle avait autant une vie mystique qu’une vie sociale. Elle était dans la charité, dans l’horizontalité, ce qui manque parfois aux orthodoxes qui sont quand même très mystiques et moins sur le terrain. Et en même temps elle avait des côtés un peu rock and roll, elle buvait des bières, fumait des clopes et elle était très simple.
Avez-vous une prière que vous aimez particulièrement ?
C’est la prière de saint Charles de Foucauld : « Mon Père, je m’abandonne à toi ». J’avais pris l’habitude de dire cette prière avant les répétitions d’un spectacle, pendant des mois. Peu de temps après, mon fils est né, mais il a failli mourir. Il avait une maladie qu’on avait détectée qu’à la troisième échographie et il a subi une grosse opération à la naissance. À l’hôpital, cette prière m’a beaucoup portée. Aujourd’hui il va bien.
Avez-vous de nouveaux projets pour l’avenir ?
Je vais continuer à développer Faire corps, qui est le spectacle que je joue en ce moment sur la vie religieuse et le corps dans la vie religieuse. J’aime beaucoup aussi animer mes stages avec mon ami et collègue Olivier Lantelme sur la guérison corps - cœur - esprit et c’est très beau de voir les gens plonger, bouger et “ressusciter” après trois jours, où ils se sont engagés émotionnellement, physiquement et spirituellement. Je ferai peut-être un prochain spectacle, mais pas tout de suite, sur Mère Marie Skobtsova. Il y a aussi un long métrage qui est en train de se faire, à partir de mon histoire et de Je danserai pour toi. C’est joué par d’autres comédiens, mais j’ai aidé à l’écriture et suis consultante sur le film.
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