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Sephora kids, des enfants privés des jeux de l’enfance

Sephora Kids
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Jeanne Larghero - publié le 15/03/24
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On les appelle les "Sephora kids". Le phénomène des toutes jeunes filles qui dévalisent les enseignes de parfumerie est alarmant. On peut incriminer la société de consommation, mais plus certainement, assure la philosophe Jeanne Larghero, c’est la privation d’enfance qui devrait inquiéter.

Tremblez, tremblez, les "Sephora kids" déferlent dans les beaux quartiers… Depuis quelques mois l’enseigne bien connue s’affole : des hordes de préadolescentes envahissent les boutiques de maquillage et cosmétiques de marque, fondent sur rayons de parfums, crèmes, fonds de teint et sérums en tout genre, telles des volées d’étourneaux sur les champs de blé, un ravage. Les étourneaux en question ont 9 ans, 10 ans, pas de parents apparemment, mais à la place une carte bleue dont elles découvrent au passage le mode d’emploi. Les vendeuses sont estomaquées de leur sans-gêne, des nuisances, des dégâts dans les rayons.

Le marché se frotte les mains

Il serait trop facile d’accuser ces pauvres moineaux d’être sans cervelle ! D’une part c’est bien de leur âge, et d’autre part on ne peut espérer d’une génération biberonnée à TikTok ou Instagram qu’elle se précipite en foule et avec autant d’avidité au musée du Louvre, qui pourtant ne leur coûtera rien. Mais alors que les dermatologues s’inquiètent de voir ces petites filles, à l’instar de leurs influenceuses, s’appliquer sur la peau des produits susceptibles d’attaquer leur peau d’enfant, vous pouvez être sûrs que le marché, une fois l’indignation passée se frotte déjà les mains : il y a, chez les moins de 10 ans, de la demande de fond de teint, d’auto-bronzant, d’anticernes et autres produits dont vous seriez vous même étonnés de découvrir l’existence. Il serait trop facile de s’en tenir à fustiger une société de consommation qui dévore ceux qu’elle engraisse, comme la sorcière qui tient captifs Hansel et Gretel. Trop facile aussi de se contenter de pointer du doigt la désolante vision de la femme véhiculée par les réseaux sociaux, et dont les petites filles s’emparent, futures esclaves du désir de plaire.

Des enfants privés des jeux de l’enfance

Plus profondément, cela nous renvoie encore et toujours aux adultes que nous sommes : prenons-nous vraiment soin de nos enfants ? Il est normal que des petites filles soient attirées par le monde des adultes, normal qu’elles jouent à être grandes : qui n’a jamais croisé l’une ou l’autre juchée sur les talons de sa mère, en expédition dans la trousse à maquillage de sa cousine, ou tout simplement jouant à la dînette comme si elle recevait le roi d’Angleterre ? Mais les petites filles perdues dans l’imitation des routines beauté des influenceuses sont des enfants privés d’enfance, privés des jeux de l’enfance. En donnant des smartphones, nous croyons donner de la distraction, du ludique ; en réalité nous les privons de jeux. 

Pour jouer, il faut bien que les adultes sécurisants soient présents, et jouent avec eux

Or le jeu est justement l’activité libre, gratuite, imaginaire grâce à laquelle on essaie de nombreux futurs possibles, sans quitter les cadres sécurisants de l’enfance. C’est un besoin fondamental de l’enfance. On se déguise, on s’invente toutes sortes d’histoires dont on est le héros, on joue toutes les femmes qu’on pourrait être un jour. Mais pour jouer, il faut bien que les adultes sécurisants soient présents, et jouent avec eux. Sinon ils iront jouer ailleurs, au seul jeu qu’ils connaissent : dépenser de l’argent. Écoutons saint Jean Bosco : "Occupez-vous de vos jeunes, sinon ce sont eux qui s’occuperont de vous." Les vendeuses de Sephora vous le confirmeront.

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