Voilà un thème pictural plutôt inhabituel. C’est d’ailleurs probablement l’unique tableau connu de ce sujet dans la peinture : L’adoration du nom divin par quatre saints. Peint par Simon Vouet en 1647, ce chef d'œuvre unique en son genre est toujours conservé dans l’église pour laquelle il a été peint, Saint Merri, au cœur de Paris. Saint Médéric, qui s’écrit aussi Merry ou encore Merri, était un moine bénédictin du VIe siècle. Un sanctuaire lui est consacré, à la place de l’actuelle église, dès l’époque mérovingienne, à l’endroit même où il serait mort. Ce qui fait de Saint Merri une des plus anciennes paroisses de Paris.
Reconstruite au XVIe autour de la sépulture de saint Merri, l’église est de style gothique flamboyant. Elle reçoit régulièrement, et jusqu’au XIXe siècle, des statues, tableaux et peintures murales. Parmi les commandes passées pour cette église, donc, un tableau est demandé au peintre Simon Vouet en 1647. Il était à l’origine destiné à parer l’autel principal. Deux scènes sont ici représentées en une image. Tout d’abord, un épisode de la vie de Saint Merri, ce qui vaut au tableau l’autre titre sous lequel il est connu, Saint Merri délivrant les prisonniers. Passant par Bonneuil, et ayant appris que le juge du lieu retenait en prison deux voleurs, le saint abbé demanda dans la prière et obtint qu’ils soient libérés.
Quatre anges pour désigner le nom divin
Mais si l’on s’attarde vraiment, le tableau est d’abord l’adoration du nom de Dieu : quatre saints regardent des anges désigner le nom divin, ou tétragramme, inscrit dans le ciel et tenu par les anges, dans la nuée. Tous les regards se tournent vers cette apparition du nom de Dieu. Ces quatre saints, qui sont-ils ? Pierre tenant les clés du royaume des cieux, saint Médéric, reconnaissable à sa grande robe noire de bénédictin, saint Léonard de Noblat, patron des prisonniers qu’ils invoquent pour leur délivrance. Il tient d’ailleurs les chaînes des deux voleurs. Ceux-ci évoquent les deux larrons, l’un regardant vers le ciel, l’autre, tourné vers son malheur. Le dernier est saint Frodulphe, fidèle compagnon de saint Merri que le peuple appelait saint Frou.
L’adoration du nom divin par quatre saints est resté à Saint Merri jusqu'à la Révolution. L’église est alors transformée en fabrique de salpêtre puis des théophilantropes en font un "temple du Commerce". Le tableau de Vouet entre heureusement au dépôt des Petits Augustins en 1794, comme nombre d’œuvres d’art des églises parisiennes ; avant d’être transféré au dépôt de la rue de Beaune en 1797.
L’église Saint Merri étant rendue au culte catholique en 1803, le tableau finit par être remis plus tard à l'église pour laquelle il avait été réalisé. Il n’est plus accroché au-dessus de l’autel principal, mais y a trouvé une nouvelle place. L’adoration du nom divin par quatre saints est considéré par des spécialistes comme le chef-d’œuvre de Simon Vouet. Le meilleur de l’art est parfois bien plus accessible qu’on l’imagine. Une bonne raison de passer le porche de l’église, en plein cœur de Paris.