« Il est 14h08 et j’ai peur. Mais je sais qu’Il est là, qu’Il veille et qu’Il veillera sur moi » - Abu Gosh, 9 octobre 2023. Hermance a écrit ces mots dans son carnet deux jours après le début de la guerre entre le Hamas et Israël. Originaire de Touraine, elle est partie en Terre sainte à la fin de ses études de commerce, pour faire une expérience de bénévolat chez les sœurs bénédictines d’Abu Gosh, près de Jérusalem. Partie au mois de septembre, elle devait y séjourner deux mois et poursuivre par un voyage en Israël, en Palestine et en Jordanie.
Alors que ses journées se passaient sereinement, rythmées par la prière, l’accueil des pèlerins et la fabrication de produits monastiques, le 7 octobre matin, tout s’est écroulé. Dès son réveil, Hermance entend des pèlerins parler d’un grave événement qui se serait produit près de la bande de Gaza. Elle ne réalise pas tout de suite l’ampleur de la situation, mais les premières alarmes qui résonnent avec force dans le village la ramènent à la triste réalité.
« Je devais partir à Bethléem pour la journée. Au début, on entendait des bruits sourds, assez lointains, mais au moment de monter dans la voiture, on a entendu la première alarme. C’était impressionnant », confie Hermance à Aleteia. « Puis on a commencé à entendre les détonations des roquettes qui tombaient à proximité. Le Hamas tirait n’importe où ».
Sans tarder, Hermance, les autres bénévoles, les pèlerins et les quatorze religieuses du monastère d’Abu Gosh se mettent à l’abri, au sous-sol, dans un endroit dépourvu de fenêtres, pour éviter que les éclats de verre provoqués par les détonations ne les blessent. « Nous avons entendu une dizaine d’alarmes les deux premiers jours », explique-t-elle. « La nuit, je dormais très peu. Il y avait tout le temps des avions, des hélicoptères, des drones qui passaient. Il y avait tout le temps du bruit et j’étais toujours dans la peur qu’il y ait une alerte. Dans ce cas, allais-je avoir le temps d’aller jusqu’à l’abri qui était plus loin ? »
L’acte d’abandon à Jésus
Au milieu de cette situation, Hermance reprend une prière que l’une des sœurs bénédictines lui avait donnée en arrivant à Abu Gosh pour confier son avenir professionnel. Une prière qu’Aleteia a publiée en 2016 et que la religieuse a imprimée pour Hermance : L’acte d’abandon à Jésus de Don Dolindo Ruotolo. Une longue et belle prière qui encourage à ne pas se troubler et à avoir une confiance totale dans le Seigneur : "Jésus, je m’abandonne à toi. À toi d’y penser pour moi".
Après le 7 octobre, l’acte d’abandon à Jésus prend encore plus de sens pour Hermance. « Ne pouvant pas être rapatriée, j’ai commencé à vivre au jour le jour. Je me disais “peut-être que demain on ne sera plus là, on n’en sait rien”. J’ai remis toute ma confiance dans le Seigneur. Je lui ai dit : “S’il y a quelque chose qui est prévu pour moi, si c’est maintenant la fin, c’est à toi d’y penser pour moi. Tu as ma vie entre tes mains et maintenant fais ce que tu veux de moi, de toute façon, je n’ai plus rien à perdre”».
Quelques jours plus tard, après des négociations auprès des ambassades, du consulat et du Quay d’Orsay, Hermance apprend qu’elle va finalement rentrer en France. Elle salue les sœurs, émues, qui n’allaient plus accueillir de pèlerins avant un petit moment, puis Hermance et trois autres bénévoles partent à travers les routes désertes de l’État hébreu vers l’aéroport de Tel-Aviv. Elle atterrit à Paris le 15 octobre à 23h30.
Un tour de France
Rentrée chez elle avec un sentiment d’inachevé, Hermance prend la décision de repartir en faisant un tour de France. Sa mission ? Vendre des chouchous qu’elle avait fabriqués, et collecter ainsi des fonds pour trois communautés monothéistes présentes en Israël et en Palestine : une chrétienne, une juive et une musulmane. « Je suis catholique pratiquante, mais je pense qu’on fait un premier pas vers la paix justement, en faisant un premier pas vers l’autre ».
Ce voyage est aussi pour Hermance une étape de thérapie et de reconstruction personnelle, et une manière de poursuivre la mission qu’elle avait commencée en Terre Sainte. Après être partie de Nantes en train, elle fait un tour de France en s’arrêtant chez des amis et chez des personnes qu’elle avait pu rencontrer en Israël. Parfois, elle est aussi hébergée par des personnes qu’elle ne connaissait pas. « Je cousais un peu partout. Dans le train, puis je me posais dans des cafés et je demandais si je pouvais sortir ma machine à coudre. Forcément les personnes étaient étonnées, donc ça créait de belles discussions », raconte-t-elle.
« Si l’acte d’abandon à Jésus m’a beaucoup aidée en Terre Sainte, il m’a beaucoup aidée aussi lors de mon tour de France. Quand certains soirs je ne savais pas où j’allais dormir, je remettais ma confiance dans le Seigneur et je lui disais “Je m’abandonne à toi, il y a certainement quelque chose qui est prévu pour ce soir et ce sera certainement une belle rencontre”, et effectivement j’ai fait beaucoup de belles rencontres », se souvient-elle.
Pendant son Tour de France qui a duré environ 100 jours, Hermance a fait connaître son projet à des centaines de personnes, faisant des rencontres extraordinaires et partageant son expérience en Terre Sainte. Maintenant que son périple est terminé, Hermance réfléchit à ses projets pour l’avenir : trouver un travail, être un témoignage de foi et d’espérance, et un jour bien-sûr retourner en Israël. En tout cas, elle sait désormais que tout ce qui lui reste à faire, c’est de s’abandonner au Seigneur.