Il ne s’agit "que" de douze situations mais leur description est troublante, glaçante même. On aimerait croire que c’est anecdotique mais cela n’est pas si sûr. Depuis 2001, la France a acté la tenue de trois séances d’éducation à la vie sexuelle et affective entre le CP et la terminale. Des séances qui sont souvent prises en charge par des associations militantes, ou assurées par des personnes insuffisamment formées. "L’intrusion des associations militantes dans les séances d'éducation à la sexualité n’a cessé sa progression", souligne en introduction le rapport, qui dénonce les discours idéologiques tenus dans les salles de classe, parfois même en maternelle, bien souvent en l’absence de l’enseignant et sans que les parents aient été prévenus en amont.
Pour SOS Éducation, "de tels propos, quasi pornographiques, peuvent constituer un viol psychique, portant atteinte à la pudeur des enfants, compte tenu du jeune âge des destinataires, prépubères". C’est ce que l’association, mandatée par des parents d’enfants, a dénoncé dans un courrier adressé le 3 avril 2023 au ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Pap Ndiaye.
Le rapport publié fin janvier par SOS Éducation analyse sur près de 200 pages les risques d’une sexualisation précoce des enfants. Pour cela, il s’appuie sur des avis d’experts tels que le Dr Régis Brunod sur le développement de l’enfant, le Dr Nicole Athéa sur la construction de l’adolescent et le Dr Maurice Berger sur les mécanismes d’effraction et de traumatisme sur les enfants et les adolescents. "Nous avons évalué les risques et les bénéfices de l’éducation à la sexualité en milieu scolaire sous le prisme exclusif de l’intérêt supérieur des enfants et des adolescents. Nous avons abordé tous les sujets, sans esprit moralisateur, cherchant à comprendre, à décrire et à expliciter les meilleures manières de respecter l’enfance et d’accompagner l’adolescence", souligne Sophie Audugé, directrice de SOS Éducation. "Il était urgent de ramener un peu de science et de bon sens dans ce tsunami de sexualisation institutionnalisée."
Il était urgent de ramener un peu de science et de bon sens dans ce tsunami de sexualisation institutionnalisée.
Une sexualisation qui intervient tôt, bien trop tôt, dans les salles de classe, comme en témoigne une douzaine de cas observés dans des écoles françaises entre mai 2022 et juin 2023, rapportés par des parents d’élèves, notamment par l’intermédiaire de l’association Mamans Louves. Parmi les douze cas recensés, les parents sont unanimes : ils n’ont pas été prévenus, ni de la date de l’intervention dans la classe de leur enfant, ni du contenu de la séance. Autre élément, la plupart du temps, les enseignants ne sont pas présents pendant la séance, privant ainsi les enfants de leur présence réconfortante.
Des contenus choquants
En janvier 2023, dans un établissement public de la Loire, des élèves de CM2, en l’absence de leur professeur, ont eu un cours d’éducation sexuelle avec une infirmière extérieure à l’établissement. Ils ont été contraints d’entendre, à 10-11 ans, que "pour le plaisir une fille suce le pénis du garçon", qu’ "on peut faire le sexe dans les fesses", que "pour le plaisir la fille peut caresser délicatement les testicules du garçon", qu’il faut se faire "vacciner contre le papillon" et qu’ "on peut changer de sexe et prendre des médicaments pour bloquer la barbe et les poils". La direction a reconnu des propos "pas forcément appropriés", mais affirme que l’infirmière aurait répondu à des questions émanant de "plus de la moitié de la classe". La direction de l’établissement a prévu de poursuivre les interventions avec la même infirmière et a assuré aux parents que c’est "une femme d’expérience et compétente". L’infirmière a été soutenue officiellement par le syndicat Sud Éducation.
Et il ne s’agit pas d’un cas isolé. Le rapport fait état d’autres situations où les paroles des intervenants n’étaient absolument pas adaptées à l’âge des enfants. "Sucer, c’est comme sucer un bonbon Haribo, c’est du plaisir…", ont rapporté des enfants de CM2 scolarisés dans un établissement public des Alpes-Maritimes. "Les garçons peuvent faire l'amour tout seuls. Pour se faire plaisir ils pressent, pressent, pressent, et le sperme sort", ont retenu des élèves de CM2, dans l’Hérault, après l’intervention d’une infirmière.
Si les paroles choquent, les dessins et les vidéos aussi. En juin dernier, dans une école publique du Rhône, une infirmière a montré à des élèves de CM2 un dessin en gros plan du sexe d'une femme en train d'accoucher. Les enfants se sont caché les yeux. L'infirmière et la maîtresse les ont obligés à regarder et à écouter les commentaires. Et l’idéologie du genre n’est pas en reste. En avril 2023, dans le Morbihan, une association a présenté à des élèves de CE1 (7-8 ans) des dessins représentant une petite fille nue sous la douche avec un sexe de garçon et un petit garçon nu sous la douche avec un sexe de fille et a assuré "qu'une petite fille peut naître avec une zézette ou un zizi, et qu'un petit garçon peut naître avec un zizi ou une zézette" ou "avec les deux sexes". Enfin, en mai 2022, en Loire-Atlantique, une association a fait visionner à des élèves de CE1 une vidéo dans laquelle les enfants ont dit voir "un monsieur et une dame dans des positions, la dame sautait sur le monsieur, ils étaient tout nus, le monsieur avait le zizi levé".
Réactions des enfants
Parmi les situations évoquées, les réactions des enfants diffèrent. Certaines sont immédiates, d’autres plus longues à se manifester, elles sont aussi plus ou moins discrètes. Parmi les réactions immédiates, certains enfants se bouchent les oreilles, baissent la tête, pleurent… Sur le plus long terme, d’autres deviennent mutiques, atteints d’énurésie nocturne, ou refusent de retourner en classe…
"La symptomatologie des enfants ayant eu leurs cours d’éducation sexuelle relève de celle d’un "état de stress post-traumatique", qui est définie dans le manuel Diagnostique et Statistique des troubles Mentaux comme "une réaction spécifique qui peut se développer suite à l’exposition à des évènements traumatiques"", souligne Alexandra Rhodes, psychologue clinicienne, citée dans le rapport. Les signes cliniques de cet état psychique se traduisent par une reviviscence des cours, des stratégies d’évitement (ne pas vouloir retourner à l’école, ne pas entendre, ni voir, ni se souvenir, discuter avec d’autres élèves pour se distraire), des perturbations cognitives (altération de la pensée, telles que la sidération, la confusion) et une hyperactivité qui se manifeste par des malaises corporels, une hypervigilance, des difficultés d’endormissement, des cauchemars et des angoisses majeures, des bouleversements émotionnels, une forte insécurité affective.
Priver l’enfant de sa vie fantasmatique est une atteinte fondamentale à une ressource essentielle dans son développement.
Quelle en est la cause ? Le langage sexuel adulte utilisé alors que l’on s'adresse à des enfants. Cela contraint en effet les enfants et les jeunes adolescents à devenir adultes sans avoir les ressources pour cela. "La sexualité adulte est expliquée de manière détaillée, on la calque sur le pulsionnel de l’enfant, ce qui crée une abrasion de sa vie fantasmatique, c’est-à-dire de ce qu’il imagine et élabore sur la conception. Et la vie fantasmatique est nécessaire pour son développement psychoaffectif et constitue une précieuse protection contre l’angoisse. Sans elle, le désir ne peut exister. En priver l’enfant est une atteinte fondamentale à une ressource essentielle dans son développement", soulignent les auteurs du rapport.
En outre, enseigner la sexualité à des élèves de primaire revient à stimuler leurs pulsions, alors qu’au contraire, la phase de développement dans laquelle ils se trouvent est un moment d’apaisement de leur développement psychosexuel et une augmentation des intérêts intellectuels. "C’est la période pour l’enfant où son énergie pulsionnelle se déplace vers un but non sexuel. L'enfant canalise en investissant des objets ou des activités socialement valorisés qui lui apportent une satisfaction d’ordre intellectuel, artistique ou social mais non sexuel. Il s’agit donc d’un non-respect de son rythme évolutif qui est intrusif et éminemment traumatique à son âge."