L’événement n’est pas mentionné dans la presse asiatique, preuve qu’il ne semble guère intéressant pour les médias. Néanmoins, l’ordination, le 25 janvier dernier, d’un évêque pour le diocèse de Zhengzhou, marque un pas important dans l’amélioration des relations entre la Chine et le Saint-Siège. La date de l’ordination est hautement symbolique : le 25 janvier est non seulement la fête de la conversion de saint Paul, mais aussi le dernier jour de prière pour l’unité des chrétiens. Une unité qui concerne certes les protestants et les catholiques, mais aussi les chrétiens chinois, divisés entre une Église souterraine et une Église officielle, entre lesquelles naviguent les fidèles. Cette ordination, effectuée avec l’accord du Saint-Siège, est donc une illustration de l’unité vécue et établie. Et la preuve que la prière pour cette unité peut aboutir.
Un diocèse hautement symbolique
Zhengzhou est une ville de près de 11 millions d’habitants, capitale de la région du Henan, située à l’intérieur du pays, au nord. C’est l’une des grandes villes historiques de la Chine, fondée il y a plus de 3.000 ans. Une ville riche en histoire et en importance pour l’Empire chinois, qui conduisit les missionnaires européens à s’y installer dès la fin du XIXe siècle. Les missionnaires italiens disciples de saint François-Xavier se sont ainsi installés dans la région, lui donnant le dernier évêque de Zhengzhou, Mgr Faustino Tissot, nommé par Pie XII en 1946. Ce dernier avait été contraint de quitter la Chine en 1953, à la suite de la prise du pouvoir par les communistes. Depuis lors, le diocèse était resté sans évêque. L’ordination de ce mois de janvier 2024 est donc hautement importante, car elle remet un pasteur sur le siège de Zhengzhou, vide depuis 70 ans. Les Chinois connaissent eux aussi la portée des symboles et savent qu’en autorisant l’ordination d’un évêque pour ce diocèse, ils contribuent à renouer le fil d’une histoire qui fut coupée par les tragédies du XXe siècle. Mgr Tissot est décédé en 1991, à l’âge de 90 ans, sans avoir pu retourner en Chine. Le diocèse était dirigé jusqu’en 2012 par un administrateur apostolique, année où le dernier administrateur est parti sans être remplacé.
Le Vatican estime qu’il vaut mieux un évêque négocié avec la Chine que pas d’évêque du tout.
On touche ici l’une des raisons d’être de l’accord signé entre le Saint-Siège et Pékin : permettre un retour à la normale dans les diocèses sans évêque, assurer une continuité pastorale pour les fidèles laissés sans pasteur. Le Vatican estime qu’il vaut mieux un évêque négocié avec la Chine que pas d’évêque du tout, comme c’est le cas dans ce diocèse, avec un siège vacant depuis si longtemps que bien peu de Chinois catholiques peuvent dire avoir connu le dernier évêque.
Un évêque symbole des deux parties de l’Église
Le nouvel évêque, Mgr Wang Yuesheng, né en 1966, illustre à lui-même la complexité de l’Église en Chine. Président de l’Association patriotique du Hunan, il est donc la tête de l’Église officielle, celle qui est reconnue et permise par le régime. Il doit son poste à une nomination du Parti communiste et donc à une proximité intellectuelle avec le régime mais il a été validé par le Saint-Siège, ce qui est une première depuis le renouvellement de l’accord en 2022 : jusqu’à présent, Pékin avait joué le rapport de force en investissant des évêques sans l’accord du Saint-Siège, qui les avait validés a posteriori.
Pour les fidèles du diocèse de Henan, il y a beaucoup d’attente quant à la pratique de la liberté religieuse. Dans ce diocèse, contrairement à d’autres, plus libéraux, les jeunes de moins de 18 ans ne peuvent pas entrer dans les églises pour assister à une messe et la pratique du catéchisme est surveillée, avec de nombreuses délations des familles. Lors de l’épisode Covid, les églises du Henan sont longtemps restées fermées, officiellement pour limiter la propagation du virus, alors que les lieux de travail et de loisirs, comme les cinémas et les restaurants, étaient ouverts.
Weifang : nouveau diocèse et nouvel évêque
L’autre événement est la création du nouveau diocèse de Weifang et de l’ordination d’un nouvel évêque, le 29 janvier, en la personne de Mgr Sun Venjun. L’annonce a été rendue publique par le Saint-Siège le jour de l’ordination. Enfin, on apprenait le 31 janvier la consécration d’un troisième évêque avec la nomination de Mgr Peter Wu Yishun pour le diocèse de Shaowu (Minbei). L’accord sur ces ordinations avait été conclu avec la Chine en avril 2023. C’est là aussi un pas important dans les améliorations des relations avec Pékin.
Ces trois ordinations, réalisées à quelques jours d’intervalle, sont une indéniable satisfaction pour la diplomatie pontificale, qui a mis beaucoup d’espoir dans l’accord avec la Chine, sans obtenir de réelles avancées depuis 2018. Si rien n’est encore complètement réglé et si le dialogue entre les deux pays demeure compliqué et divergent, c’est néanmoins un premier pas positif pour l’Église en Chine. Et cela permet de résoudre certaines situations de plus en plus intenables, héritières d’une histoire complexe et parfois violente entre le christianisme et la Chine.