Jean Baptiste prêchait dans le désert et Jésus choisit de s’installer en Galilée, appelé aussi carrefour des païens à l’image de Ninive, la grande ville païenne que rejoint Jonas dans la première lecture. Et si l’on considérait les habitants de la Galilée comme de seconde zone, peu civilisés, barbares, dépourvus de sainteté, s’ils étaient désignés comme le peuple qui marchait dans les ténèbres, le peuple qui habitait le pays de l’ombre et de la mort (Is 9, 1-2) — ce qui n’est pas rien — c’est là pourtant que Jésus choisit de se retirer. C’est justement ce lieu, loin du trône, loin du Temple, loin donc du pouvoir politique et religieux que Jésus choisit de rejoindre s’installant sur cette terre païenne, qui devient alors terre de mission, sanctifiée par la présence même de Jésus.
Sortir de l’eau
Dans le prolongement des premiers dimanches du temps ordinaire, après nous être replongés dans les bains du baptême pour être confirmés dans l’amour du Père, après avoir entendu l’appel à témoigner à la suite de Jean-Baptiste, du Christ, l’Agneau de Dieu, nous approfondissons encore cette mission que le Seigneur nous confie aujourd’hui. Chaque lieu, chaque terre, chaque quartier où nous vivons devient le lieu de la mission. C’est bien dans ce quotidien qui est le nôtre que Jésus nous appelle, à la suite de Simon, André, Jacques et Jean : "Venez à ma suite, je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes" (Mc 1, 17). L’expression peut nous paraître surprenante. Que veut nous dire le Christ à travers cette affirmation, qu’attend-t-il de nous ? Que veut dire "pêcheurs d’hommes" ? Je vous propose deux images comme deux gestes qui éclairent cette parole de Jésus.
Dans le geste du pêcheur, il y a déjà ce geste de sortir le poisson de l’eau, de le remonter à la surface de l’eau, de le ramener à l’air libre.
Dans le geste du pêcheur, il y a déjà ce geste de sortir le poisson de l’eau, de le remonter à la surface de l’eau, de le ramener à l’air libre. En invitant les disciples à être des pêcheurs d’hommes, le Christ appelle ses disciples à rejoindre les hommes et les femmes de leur temps pour les faire sortir de tous les enfermements qui sont les leurs, pour les aider à refaire surface, pour leur permettre de reprendre souffle, pour les mener vers la liberté véritable. Être pêcheur d’hommes, c’est travailler inlassablement à redonner vie, à redonner espérance à tous ceux qui sont comme plongés dans les obscurités de la vie. Le pêcheur d’hommes aide à vivre ce mystère de la résurrection qui fait passer de la mort à la vie. Et nous savons que cette mission se traduira par une manière d’être attentifs aux autres, présents, aimants, à l’écoute, disponible, bienveillant... Pêcheurs d’hommes, nous ne pouvons rester indifférents à celles et ceux qui nous entourent. C’est vraiment notre responsabilité qui est ici appelée à s’exercer, témoin d’une espérance née de notre foi.
Rassembler dans l’unité
S’il y a ce premier geste, de sortir de l’eau, il y a cet autre geste du pêcheur ramenant son filet. C’est l’image du rassemblement, de l’unité. Il s’agit, pêcheur d’hommes, de rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés. Et, en cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous entendons à nouveau le projet de Dieu depuis toujours. Il s’agit, pêcheur d’hommes, de travailler inlassablement à l’unité du genre humain et cela commence déjà par travailler à l’unité de l’Église appelée à être justement signe de cette unité du peuple de Dieu. Il s’agit de travailler à la réalisation du désir de Dieu exprimé par le Christ : "Qu’ils soient un comme nous sommes uns, pour que le monde croit" (Jn 17, 21). L’unité est toujours à construire, au sein déjà de notre propre communauté, au sein de nos églises. Mais elle doit aussi s’élargir à tous nos frères humains.
Or, "on dit qu’il y a des disputes entre vous", écrira saint Paul à la communauté de Corinthe. L’unité n’est jamais acquise, elle n’est jamais définitive. Le mal est là tentant à disperser, à exclure, à condamner, à diviser. Pêcheurs d’hommes, nous devons essayer de vivre en communion les uns avec les autres dans le respect de nos différences, dans le respect de nos sensibilités car seule la communion est missionnaire. C’est sans doute la tâche la plus difficile, la plus exigeante, la plus éprouvante. Pourtant, nous le savons, seule l’unité portera des fruits autour de nous.
Ce qu’il nous faut laisser
"Venez à ma suite, je vous ferai devenir des pêcheurs d’hommes." Oui, soyons toujours plus engagés dans nos paroisses, serviteurs de la vie que Dieu veut pour tous, artisans de communion. Voilà la principale mission qui nous revient. Discernons ainsi ce qu’il nous faut laisser, comme les disciples laissant leurs barques et leurs filets, pour nous attacher à la mission que nous confie le Christ.
Pratique