Les premiers noms des membres du gouvernement "resserré" de Gabriel Attal ont été annoncé jeudi 11 janvier. Si certains ministres sont maintenus à leur poste, d’autres signent leur retour dans un gouvernement quand d’autres encore y font leur toute première entrée. Plus ou moins connus du grand public, plus ou moins marqués politiquement, les membres de ce nouveau gouvernement devraient rapidement se dévoiler dans les prochaines semaines à travers leurs actions. Mais qu’en est-il de leurs convictions personnelles… et spirituelles ? Sont-ils « catho-friendly » ? Tour d’horizon.
Gabriel Attal
Premier ministre
À 34 ans, Gabriel Attal est le plus jeune Premier ministre de la Ve République. Né d’une mère orthodoxe, issue d’une lignée noble de Russes blancs, et d’un père juif non pratiquant, Gabriel Attal a été baptisé à l’église orthodoxe russe de la rue Daru dans le 8e arrondissement de Paris. Ayant vécu dans les 13e et 14e arrondissements de Paris, il a longtemps fréquenté la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky pendant son enfance. Décédé d’un cancer foudroyant en 2015, son père, Yves Attal, avait marqué son fils en lui déclarant peu avant sa mort : « Tu as beau ne pas être juif (la religion juive se transmet par la mère), tu te sentiras toute ta vie solidaire des Juifs car tu subiras comme eux l’antisémitisme du fait de ton nom, avait ainsi confié en 2021 Gabriel Attal au magazine Gala. Porte-parole du gouvernement de Jean Castex, plusieurs fois secrétaire d’État et ministre avant d’arriver à Matignon, Gabriel Attal a été scolarisé à l’École alsacienne, une école privée du 6e arrondissement de Paris qui a vu passer dans ses rangs bon nombre d’enfants de responsables politiques, d’intellectuels et d’artistes connus.
En avril 2019, alors qu’il est secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, Libération lui consacre un portrait. On y lit notamment que ce dernier « laisse entendre qu’il ne serait pas contre une GPA “éthique”, pour avoir un enfant, si c’était légal en France ». Sans plus de précision sur ce qu’il met derrière le mot "éthique". Quelques mois plus tard sur RTL il déclaré néanmoins que la GPA "est une espèce de fantasme qui est agité depuis des années par ceux qui sont opposants à l’égalité des droits".
Catherine Vautrin
Ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités
Issue de ce qu’on appelle la droite "libérale et sociale" et ancien soutien de Nicolas Sarkozy, Catherine Vautrin, 63 ans, a occupé plusieurs postes dans des gouvernements sous la présidence de Jacques Chirac : secrétaire d'Etat à l'Intégration (2004), aux Personnes âgées (2004-2005), puis ministre déléguée à la Cohésion sociale (2005-2007). En 2012 et 2013, elle prend part aux manifestations contre le mariage des personnes de même sexe et a combattu la loi Taubira à l'Assemblée. Loi contre laquelle elle a d’ailleurs voté.
Parmi les nombreux dossiers dont hérite Catherine Vautrin se trouve celui de la fin de vie. Si cette dernière ne s’est jamais explicitement prononcée pour la légalisation du suicide assisté ou l’euthanasie, elle ne s’est pas davantage exprimée contre. "Je ne me réjouis pas de sa nomination", a déclaré Jonathan Denis, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. J’espère que nous aurons un ou une ministre délégué chargé de la santé bien plus engagé sur l’aide à mourir."
"Je n’oublie pas ce grand sujet de la fin de vie", a sobrement déclaré la nouvelle ministre lors de son discours de passation vendredi 12 janvier. Elle a par ailleurs été plus prolixe sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution. "En entrant ici, je veux immédiatement rendre hommage à l’une de mes prédécesseures (…), Simone Veil », au moment « où son texte fondateur doit être gravé dans le marbre de notre Constitution", a-t-elle ainsi déclaré.
Bruno Le Maire
Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique
Reconduit à Bercy, Bruno Le Maire ne fait pas mystère de sa foi. Passé par le lycée parisien Saint-Louis-de-Gonzague, tenu par les jésuites, le ministre de l'Économie a également fait partie des Petits Chanteurs de Chaillot et s’est à ce titre produit devant le pape Jean Paul II au parc des Princes en juin 1980 apprend-t-on dans le livre d’Olivier Biscaye, Bruno Le Maire, l’insoumis, paru en 2015. Mais s’il est catholique pratiquant, il n’en a pas pour autant contesté, en 2012, le mariage pour les couples de même sexe.
"Quand on me dit qu’à Science Po, on fait un Hijab Day, je suis totalement opposé à cela, expliquait-il à La Vie à quelques mois de la présidentielle de 2017 alors qu’il était candidat à la primaires des Républicains. Mais de la même façon, quand dans les manifestations contre le Mariage pour Tous, je vois revenir un catholicisme politique et que l’on me dit que l’Église peut prendre des positions politiques, moi le catholique, dont toute la famille est catholique, je dis non. Je sais bien que cela crée de l’incompréhension, mais je tiens à cette ligne-là. Si cela aboutit à me faire traiter de laïcard, tant pis. […] Mais dès que la religion tombe dans la politique, quelle que soit la religion, cela me pose une vraie difficulté."
Plus récemment Bruno Le Maire a participé comme invité au premier "Dîner des bâtisseurs" organisé fin novembre qui a rassemblé 400 "décideurs catholiques". Leur objectif ? Se connaître pour valoriser et inspirer l’engagement "au service du bien qui ne fait pas de bruit".
Aurore Bergé
Ancienne ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé a été nommée ministre déléguée chargée de l'égalité entre les Hommes et les Femmes et de la lutte contre les discriminations. Alors qu'elle était chef de file des députés Renaissance, Aurore Bergé avait ardemment défendu l'importance de constitutionnaliser le droit à l'Interruption volontaire de grosses (IVG) en France. "Ma conviction de femme, de citoyenne et de parlementaire, c'est qu'avant la fin du mandat, la Constitution aura été modifiée et intégrera le droit à l'IVG", assurait-elle ainsi en février 2023 sur France Info. Elle sera donc attendue sur le projet de loi prévoyant la constitutionnalisation du droit à l’IVG, qui doit être discuté le 24 janvier à l’Assemblée nationale.
Gérald Darmanin
Ministre de l'Intérieur, des Cultes et des Outre-mer
Gérald Darmanin, qui a dirigé la délégation française à Rome pour la canonisation de Charles de Foucauld en mai 2022, il était ministre des Cultes, a lui aussi été renouvelé place Beauvau. Au début de l’année 2022, Alors que plusieurs églises ont été profanées et vandalisées, il s’était rendu sur place n’hésitant pas à qualifier ces actes d' "inacceptables" et annonçant une enveloppe de 4 millions d’euros pour permettre aux cultes de s’équiper. Catholique, il avait déclaré en 2020 lors de son discours de passation : "En République, la liberté de conscience et de croyance doivent être ardemment défendues, mais jamais la foi ne doit être au-dessus de la loi". C'est le même Gérald Darmanin qui, invité de l'émission "C à vous" sur France 5 en février 2023, a été interrogé sur son projet de régulariser des clandestins travaillant dans les métiers en tension. Au fil de l’échange, le ministre a brutalement sorti : "Pardon de cette provocation, mais je l’ai dit à la représentante du Front national (sic) : si je devais virer tous les étrangers qui travaillent en France, il n’y aurait pas beaucoup ou en tout cas moins de curés dans les paroisses en France." En associant les prêtres africains desservant des paroisses françaises à une main d’œuvre exploitée à bas coût, le ministre de l'Intérieur et des Cultes a pratiqué un amalgame fort douteux qui est loin d'être passé inaperçu auprès des fidèles.
Durant sa carrière politique, il n’a néanmoins pas hésité à financer, avec sa réserve parlementaire, la restauration d’un retable, s’est fermement opposé au « mariage pour tous » ainsi qu’aux fameux « ABCD de l’égalité » qui proposaient d’enseigner la théorie du genre à l’école. Mais ses prises de parole lors des débats autour du projet de loi sur les séparatismes en a échaudé plus d’un. « Nous ne pouvons plus discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu », avait-il assuré au micro de France Inter au premier jour des débats, le 1er février 2021.
Amélie Oudéa-Castéra
Ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques
Ancienne espoir du tennis français, Amélie Oudéa-Castéra était ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques depuis mai 2022. Elle est désormais, en plus, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Un portefeuille qui inquiète déjà le corps enseignant, craignant d’avoir une ministre à mi-temps en raison de la préparation des Jeux olympiques. Côté famille, Amélie Oudéa-Castéra est mère de trois enfants, tous scolarisés à Stanislas, un établissement catholique parisien très prisé.
Interrogée en février 2023 par Le Figaro, elle assurait "trouver de la quiétude auprès de son mari et de leurs trois garçons (âgés de 12 à 17 ans)". "Je viens de passer deux soirées successives avec mon deuxième fils sur le travail d’EMC à rendre sur la liberté religieuse et la laïcité, puis sur la lettre de motivation pour son orientation post-bac pour l’année prochaine", expliquait-elle. "Mes enfants savent que je ne les laisserai jamais tomber, malgré la tâche qui m’incombe aujourd’hui. Ils sont, je pense, fiers de leur maman au sens de l’investissement et du fait que je me bats pour des causes justes. Pour eux, ce qui est important, c’est que ce ne soit pas la honte à l’école et, pour l’instant, ça se passe plutôt pas mal. Et j’ai un mari qui est hyper en soutien."
Marc Fesneau
Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Nommé à ce poste en 2022 par Élisabeth Borne, Marc Fesneaun marié et père de trois enfants, assurait auprès de La Croix en 2017 avoir un attachement particulier « aux racines rurales et à la culture démocrate chrétienne ». Ardent défenseur de la chasse, il a signé en 2018 une tribune de soutien à la chasse à courre. Il s’est opposé en 2022 à l’interdiction de la corrida.
Rachida Dati
Ministre de la Culture
Rachida Dati, maire du 7e arrondissement de Paris et jusqu’alors présidente du conseil national du parti Les Républicains, est donc la nouvelle ministre de la Culture. Née en 1965 et scolarisée dans une école et un collège privé catholique sur le chantier duquel son père avait travaillé, elle a toujours été relativement discrète sur sa foi. On apprend dans la presse qu’elle se rend régulièrement à la messe dominicale. En décembre 2013, elle avait été reçue en audience privée par le Pape. Un an plus tard elle manifestait pour les Chrétiens d'Orient et lors de la campagne des Municipales à Paris en 2020 elle promettait bruyamment un grand plan de restauration et de préservation des églises de la capitale.
Interrogée peu après sur BFMTV à propos d'une éventuelle conversion au catholicisme, elle ne répond pas à la question tout en assurant : "La foi fait partie de ma vie». "Imprégnée par les racines chrétiennes de notre pays, je suis très sensible à la liturgie, aux homélies, aux chants religieux", confiait-elle au magazine Valeurs actuelles fin 2013. "Les carmélites ont contribué à ma réussite scolaire, et cette réussite a été accompagnée par les récits bibliques. Au-delà des manifestations de la foi, il y a la place que je donne à Dieu, et donc au Fils de Dieu. Je pense même que Dieu est une nécessité pour l’homme, c’est le rappel constant que nous ne sommes pas tout-puissants, c’est le rappel d’un impératif moral d’aimer son prochain, de l’accueillir, de lui venir en secours."
Éric Dupond-Moretti
Ministre de la Justice
Ténor du barreau de Paris, Éric Dupont-Moretti a également été reconduit au poste de ministre de la Justice. La position qu’il a défendu sur la PMA pour toutes et la filiation lors des débats sur la loi de bioéthique ainsi que sa décision de faciliter le changement de nom de famille ont fait de nombreux sceptiques. Mais c’est le même homme qui s’est discrètement rendu à la basilique de Lisieux Quelle spiritualité se cache derrière l’orateur ? Fils d’émigré italien, Éric Dupond-Moretti a été élevé dans la religion catholique. De sa scolarité au lycée catholique Notre-Dame de Valenciennes (Nord), il en garde un souvenir détestable. Au point de rejeter totalement la religion. « Un bon ami m’a… comment dire… un peu ramené dans le troupeau », confiait-il néanmoins à La Croix en 2017. Et de reconnaître être ému par certains passages de la Bible. « Que deux criminels aient côtoyé le Christ ou qu’une prostituée lui ait lavé les pieds, ça a de la gueule ! Enfin, moi, ça me touche. » Séduit par la personnalité du pape François, il explique se définir aujourd’hui « comme catholique non pratiquant ».