Pourquoi le mariage civil précède le mariage religieux ? La réponse peut paraître évidente : le mariage civil précède le mariage religieux parce que c’est l’État qui l’impose dans le Code pénal. Mais la question n’en reste pas moins entière : pourquoi l’État impose-t-il cette règle ? Comment l’Église voit-elle le mariage civil ? La raison avancée lors des nombreux débats parlementaires concernant cette obligation depuis plus de deux siècles est l’ordre public.
Un motif d’ordre public
Pourquoi cette mesure a-t-elle été promulguée ? Le motif d’ordre public n’est pourtant pas présent à l’instauration du mariage civil pour les catholiques en 1791-1792. En effet, même sous la Terreur on peut tout à fait se marier religieusement indépendamment du mariage civil : ce n’est pas contraire à l’ordre public.
L’obligation d’antériorité du mariage civil n’est imposée par l’État qu’en 1802, c’est-à-dire plusieurs mois après la signature du Concordat de 1801. Elle vise notamment à éviter que des personnes uniquement mariées à l’église aient des enfants considérés comme illégitimes par la loi civile. Le rapport du Conseil d’État de Portalis, chargé des Cultes à cette période, présente cette mesure comme réconciliant l’Église et l’État puisque l’Église "béni[rai]t par un sacrement" le mariage contracté à la mairie. Il fait ainsi fi du concile de Trente qui affirme par le décret Tametsi que la présence d’un prêtre est l’une des conditions indispensables pour contracter validement mariage, et qui souligne dans son catéchisme que le mariage a pour les catholiques un "double caractère" : c’est à la fois une union naturelle et un sacrement. À la séparation de l’Église et de l’État en 1905, l’obligation pourtant concordataire d’antériorité du mariage civil est conservée au motif de l’ordre public.
Que des personnes mariées religieusement ne croient pas qu’elles soient mariées au regard de la loi civile est l’argument avancé pour justifier de l’obligation du mariage civil avant le religieux.
Lors des travaux préparant ce qui sera le Code pénal de 1994, l’obligation du mariage civil préalable est réintégrée dans le projet initial du ministre Robert Badinter qui ne la contenait pas. Cette obligation est toutefois légèrement moins stricte qu’auparavant. Peu de personnes savent en effet qu’un "ministre d’un culte" n’est aujourd’hui condamnable qu’à partir de la seconde fois où il procède à un mariage religieux sans mariage civil préalable (article 433-21 du Code pénal). C’est une infraction d’habitude.
Une obligation critiquée
Pourquoi cette mesure est-elle conservée ? Le dernier débat parlementaire au sujet de cette obligation est assez proche de nous puisqu’il date de 2021. C’est en effet lors de la Loi séparatisme de 2021 que la mesure a été retouchée : la suppression de l’obligation a été proposée par un amendement qui fut rejeté. Finalement, la sanction menaçant le "ministre d’un culte" habituellement fautif a été alourdie par les députés. Les débats de la loi de 2021 permettent de mieux comprendre les raisons de cette obligation qui est considérée, même parmi les plus éminents des juristes, comme contraire à la liberté religieuse. De plus, notamment depuis le changement de définition du mariage civil en 2013 [ouvert désormais aux personnes de même sexe, Ndlr] ainsi qu’avec l’augmentation de la proportion non-mariée de la population, de nombreux catholiques français dont des évêques trouvent que cette obligation perd son sens.
De bonnes raisons de se marier
Cette obligation comporte deux aspects. Tout d’abord l’État souhaite s’assurer que deux personnes qui vont se marier, même à travers un mariage religieux, le font pour de bonnes raisons. Le Code civil prévoit notamment que l’officier d’état civil puisse s’entretenir avec les époux pour vérifier par exemple qu’il ne s’agit pas d’un mariage blanc, ni forcé, ni de polygamie. C’est ce que nous pourrions appeler l’autorisation administrative préalable, qui est couronnée par la validation du dossier et la confirmation de la date du mariage civil.
Pour que le mariage, et donc le sacrement, entre deux baptisés soit valide, l’échange des consentements devant le prêtre ou le diacre est l’une des conditions indispensables, sauf rares dérogations.
Par ailleurs, l’État souhaite éviter le développement de régimes maritaux privés qui puissent être déconnectés du cadre du mariage civil. Concrètement, cela ouvrirait la porte à certains cas de répudiation de femmes, ou bien à des situations très inégales de l’homme et de la femme vis-à-vis de la séparation. Ce sont principalement ces raisons qui poussent l’État français à coupler mariage civil et mariage religieux. Que des personnes mariées religieusement ne croient pas qu’elles soient mariées au regard de la loi civile est l’argument avancé pour justifier de l’obligation du mariage civil avant le religieux.
Le mariage sacramentel
L’Église reconnaît au pouvoir civil sa compétence pour les "effets purement civils" du mariage pour les catholiques, c’est-à-dire essentiellement les rapports matériels entre époux et les régimes matrimoniaux. Pour que le mariage, et donc le sacrement, entre deux baptisés soit valide, l’échange des consentements devant le prêtre ou le diacre est l’une des conditions indispensables, sauf rares dérogations. En effet, entre baptisés, il ne peut exister de contrat matrimonial valide qui ne soit, par le fait même, un sacrement. Pour les personnes non catholiques, l’Église reconnait le mariage civil en vertu de la réalité naturelle du mariage.