L'année 2024 sera-t-elle celle de la légalisation de l’euthanasie en France ? C’est ce que laisse entendre la "version provisoire" du projet de loi "sur le modèle français de la fin de vie" que le gouvernement doit présenter courant février. Voici les six choses à retenir de cette du texte.
Un document provisoire
Le document de 35 pages, consulté par Le Figaro, est une « version provisoire » du projet de loi « nouveau modèle français de la fin de vie » transmis à Emmanuel Macron. Il se décline en 21 articles répartis en trois parties : les soins d’accompagnement, les droits des patients et l’aide à mourir. Le texte peut encore être modifié en profondeur avec néanmoins une échéance : février 2024.
La légalisation du suicide assisté
L’aide à mourir, c’est-à-dire "l’administration d’une substance létale", serait "par principe" effectuée "par la personne elle-même", précise Le Figaro. Il s’agirait donc de suicide assisté. Mais «"un médecin, un infirmier" pourrait jouer ce rôle dans le cas où le malade "n’est pas en mesure physiquement d’y procéder". Rôle qui pourrait aussi être joué par un proche. Par exemple, reprend le texte, en "apportant le verre et faire boire à la personne la substance létale...".
L'exception d’euthanasie
"Le texte introduit une exception d’euthanasie sans la nommer", peut-on lire dans l’explication de l’article. Un flou qui ne permet pas en l’état de comprendre où l’une des deux pratiques s’arrête et où la deuxième commence. Et qui pose la question des conditions qui doivent être réunies pour que l’euthanasie soit appliquée. Cette volonté de brouiller les termes peut s’expliquer aussi par la ferme opposition des cultes et des soignants à une quelconque légalisation de l’euthanasie. En février 2023, une pétition a réuni quelque 800.000 soignants fermement opposés à l’aide active à mourir. Le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) et le collectif de treize organisations représentant 800.000 soignants ont ainsi fait de la participation des médecins à l'euthanasie une ligne rouge à ne pas franchir.
Qui pourrait y avoir accès ?
L'aide à mourir serait réservée aux Français majeurs, atteints d'une "affection grave et incurable qui engage son pronostic vital à court ou moyen terme" c’est-à-dire de "6 à 12 mois" selon ce document, ou présentant une "souffrance physique réfractaire ou insupportable" liée à leur maladie. Ces critères excluent les souffrances "exclusivement liées à des troubles psychiques ou psychologiques".
Quelle procédure est prévue ?
D’après le texte, les soignants seraient présents à toutes les étapes de l’aide à mourir. Le médecin serait ainsi d’abord chargé de réaliser une évaluation médicale des demandes de "mort choisie" et de vérifier que le patient correspond aux critères d'accès. Avant de donner suite à la demande du patient le médecin sera prié de demander l’avis d’un autre médecin qu’il ne connait pas ainsi que d’un spécialiste de la pathologie du patient en question afin de statuer sur "l’engagement du pronostic vital". D’autres membres du corps médical peuvent être sollicités. "Il ne s'agit donc pas d'une décision collégiale, mais bien d'une décision prise par le médecin", précise pour le moment le document.
Le médecin aura quinze jours pour trancher. Avant de procéder au suicide assisté et/ou à l’euthanasie, un délai de deux jours de réflexion a minima devrait être imposé au patient. Ce dernier devra ensuite réitéré sa demande et un médecin ou un infirmier devrait être présent le jour J pour "vérifier la volonté de la personne" et préparer le produit létal ou installer la perfusion si besoin. S’il n’est pas obligé de rester dans la même pièce lorsque la patient rendra son dernier souffle, il devra néanmoins dans les parages pour «intervenir en cas d'incident lors de l'administration». Une procédure qui confine à l’hypocrisie : sous couvert de ne pas obliger les membres du corps médical à donner la mort, ils ne s’en retrouvent pas moins les chevilles ouvrières de cette pratique.
La notion de "secourisme à l’envers"
Le document évoque un concept qui a de quoi surprendre : le "secourisme à l'envers". L’objectif ? "Hâter le décès en limitant les souffrances". Le document signé par quelque 800.000 soignants en février 2023 alertait justement sur "le glissement éthique majeur" que signifie une telle légalisation. "La mise en œuvre de garde-fous législatifs, manifestement provisoires en raison de la force du principe d’égalité ne parviendrait pas, à terme, à endiguer les menaces que l’injonction de mort ferait peser sur les personnes les plus vulnérables, ce que l’on observe aujourd’hui dans tous les pays ayant légalisé l’euthanasie", soulignaient-ils déjà il y a bientôt un an. Et de citer encore les publics vulnérables "trop largement absents des réflexions menées : enfants, personnes dépendantes, personnes atteintes de troubles cognitifs ou psychiatriques, personnes en situation de précarité, etc".