Alors que le sanctuaire attend toujours la reconnaissance officielle par l’Église des apparitions mariales à Estelle Faguette, des milliers de visiteurs continuent de se presser chaque année dans la petite chapelle aux murs recouverts d’ex-voto. 1876 : le pays est encore meurtri par la guerre perdue contre la Prusse. Endeuillée par ses combats et humiliée par l’amputation de son territoire en Alsace et en Lorraine, sous une Troisième République encore balbutiante, la France est blessée.
Le concile Vatican I s’est clos précipitamment à la veille du conflit et l’Église romaine elle-même traverse un temps de troubles alors que les évêques se divisent entre partisans et adversaires de l’infaillibilité pontificale. En Europe, la chrétienté cherche de nouveaux repères. Face aux tourments du siècle, la Vierge invite ses enfants à garder "courage, calme et confiance", trois grâces qui deviennent comme les phares qui balisent le chemin qui mène à Dieu et qui résonnent particulièrement aujourd'hui.
Courage, calme et confiance
Estelle Faguette a 32 ans en 1876. Dans sa jeunesse, l’attrait pour la vie religieuse la mène au noviciat des sœurs Augustines, qu’elle quitte après quelques années alors qu’une blessure au genou l’empêche de répondre à l’exigence physique de la vie consacrée. Elle entre alors au service de la comtesse de La Rochefoucauld. Là, elle tombe malade. Condamnée par une infection qui ronge ses viscères, les médecins sont unanimes : elle va mourir.
Avec confiance et obstination, elle écrit à la sainte Vierge pour demander fermement son rétablissement : "Accordez-moi donc de votre divin Fils la santé de mon pauvre corps pour sa gloire". Elle obtient cette grâce de guérison, que l’Église reconnaît comme surnaturelle. S’ensuit alors une série de quinze apparitions, sur lesquelles se penche encore le Dicastère de la Doctrine de la Foi, chargé de trancher sur la reconnaissance de celles-ci, qui rendra possible le procès de béatification d'Estelle.
"Lorsque Marie interpelle ‘‘Courage !’’, Estelle est ramenée à son courage de chrétienne", explique Sylvie Bernay, historienne du sanctuaire et postulatrice de la cause de béatification d’Estelle. "Par les épreuves de sa vie, elle participe à l’histoire de la rédemption en étant unie à la passion du Christ. Le calme reflète quant à lui la pédagogie mariale par excellence : la Vierge taquine d’ailleurs Estelle sur ce point lorsqu’elle affirme ‘‘Tu as bien le caractère du Français. Il veut tout savoir avant d'apprendre, et tout comprendre avant d’avoir appris’’. Ce calme, Estelle l’acquiert lorsqu’elle comprend que la Vierge Marie sera toujours là. La confiance, enfin, vient lorsqu’Estelle saisit le fait que Marie a payé d’avance son salut, au pied de la Croix, lorsqu’elle assiste à la mort de son fils".
L’Immaculée Conception de Lourdes apparaît à Pellevoisin comme la "toute miséricordieuse", et confirme la prière de saint Louis-Marie Grignon de Montfort : "À Jésus par Marie". Lors de sa dernière apparition, Marie rassure Estelle, comme, avant elle, le Christ ses disciples en leur promettant : "Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde" (Mt 28, 20). "Ma fille, rappelle-toi mes paroles. Répète-les souvent ; qu’elles te fortifient et te consolent dans tes épreuves. Tu ne me reverras plus. Je serai invisiblement près de toi". Là, Marie complète les messages déjà délivrés en France. "C’est toute une pédagogie que Marie développe à Pellevoisin et c’est probablement ce qui distingue le sanctuaire des autres lieux d’apparitions mariales du XIXe siècle", conclut Sylvie Bernay. "Là, Marie se montre beaucoup plus maternelle, un peu comme si elle s’adressait à chacun de nous en nous disant : ‘‘Du calme, mon enfant, je suis là’’".