Jina aimait voyager. Pourtant, cette ancienne guide touristique passionnée par l’étranger a décidé de tout abandonner à 30 ans pour sa terre, la Syrie. Une terre de souffrance, qui semble toujours un peu plus proche de l’effondrement. À Alep, Jina Achji a voulu offrir un peu d’espérance à la jeunesse syrienne dévastée par la guerre. Elle laisse de côté sa carrière en 2012 pour fonder le centre Espace du Ciel, sous le patronage de l’Église maronite en Syrie et avec le soutien de l’Œuvre d’Orient. "Quand j’ai vu le traumatisme créé par la guerre, j’ai compris qu’il fallait trouver une solution", confie-t-elle à Aleteia dans les locaux de l'Œuvre d’Orient.
"J'étais toujours en voyage, je bougeais beaucoup", sourit-elle avec une pointe de nostalgie. Jordanie, Turquie, Liban, Egypte… "Et même la France !", se souvient-elle. "Et puis il y a eu un choix à faire. J’ai choisi celui de l’amour. Pour moi, c’était l’amour de mon pays qui primait, et mon pays souffrait." Outre l’appauvrissement, la population syrienne subit de plein fouet les conséquences psychologiques de plusieurs années de guerre, durablement marquée par les stigmates de la violence.
Permettre une éducation et un suivi psychologique
Les enfants et étudiants sont les grands laissés pour compte. Leur scolarité est fortement chamboulée. "Il fallait leur permettre de continuer à étudier", affirme Jina. Le centre, qui compte aujourd'hui cinq établissements à Alep et un à Hama (nord-est de la Syrie), accueille sans distinction de religion, bien que la majorité des bénéficiaires sont musulmans, et les formateurs plutôt chrétiens. Les enfants suivent un parcours pédagogique et éducatif dès l'âge de 3 ans, suivant la méthode Montessori. Les adolescents y étudient jusqu'au baccalauréat, et pour les jeunes entrés en études supérieures, Espace du Ciel propose un suivi psychologique et un programme de bien-être qui comprend des séjours de quelques jours loin de la ville. L'objectif : changer d'air, se ressourcer. Une offre également faite aux femmes et mères : le temps d'une journée, celles-ci ont la possibilité de "prendre l'air", explique Jina. "On travaille surtout sur l'aspect psychologique en discutant de leur rôle de mères de familles, mais aussi de leur vocation de femme". Rien que cela constitue une petite révolution : "Permettre aux mères de s'absenter et de voyager, même pas très loin d'Alep, c'est un véritable changement dans la mentalité aleppine", estime Jina.
En février 2023, Alep est ravagée par un séisme qui touche aussi brutalement la Turquie. C'est le coup de trop. Pourtant, Jina ne cesse de croire à la guérison de son peuple et s'acharne sans relâche à vouloir recoudre la plaie béante qu'est devenue sa ville natale. "Nous avons beaucoup souffert, c'est vrai. Mais les Syriens ont prouvé qu'ils pouvaient résister à tout cela. Ma foi est mon socle, c'est la grande espérance de ma vie." Lorsqu'on lui demande si une phrase des Évangiles l'aide à tenir, Jina répond presque immédiatement. "Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde." (Mt 28, 16-20)