Dans le Missel romain, les textes du commun de la dédicace apparaissent en premier, avant même ceux des célébrations mariales. Cette primauté souligne la forte charge spirituelle et théologique de la consécration d’une église. La Mère de Dieu a bien accueilli le Sauveur en son sein, mais, avant même l’incarnation, le Seigneur a désiré habiter au milieu du peuple qu’il s’est choisi. Le Temple accueillait ainsi la "présence" de Dieu dans le Saint des saints. Dans le Christ, désormais ressuscité et qui a envoyé l’Esprit saint, la "présence" habite même dans le cœur et le donc dans le corps de tous les baptisés. (cf. 1 Co 6, 19, première lecture d’une messe de consécration d’église).
Pourtant, le Christ se rend aussi présent dans les sacrements et, éminemment, dans celui de l’eucharistie, en son corps et en son sang. Pour honorer et vénérer ce don du Seigneur, les chrétiens ont rapidement décidé de construire des bâtiments pour accueillir le culte, appelés par la suite "églises" en raison du sens grec de ce mot, "assemblée". Les églises tiennent donc leur origine, et leur valeur, de la célébration des sacrements qui s’y déroulent. Quant aux pierres assemblées pour édifier ces temples, elles ne sont que la figure des pierres vivantes que sont les fidèles et qui édifient l’Église, véritable demeure de l’Esprit saint.
La filiation et vocation divines du bâtiment
La liturgie de la dédicace souligne ce point. Lors d’une consécration d’église, effectivement, les trois sacrements de l’initiation chrétienne sont comme pratiqués pour le bâtiment. Ils sont pour l’homme le signe de sa filiation et vocation divines, l’édifice qui les verra célébrés y est aussi ordonné. Pour rappeler le baptême, l’évêque qui préside – seul lui peut le faire – asperge d’eau bénite à la fois le peuple et les murs.
Utilisé aussi bien pour le baptême que pour la confirmation, le Saint-Chrême est ensuite utilisé pour marquer les cinq croix de l’autel puis toute la table et, enfin, les douze piliers de l’église qui figurent les Apôtres, colonne de l’Église. L’assemblée des fidèles est encensée en même temps que les douze croix qui marquent l’onction des piliers, puis, on allume des cierges aux mêmes emplacements et sur l’autel comme on remet au nouveau baptisé un cierge pour signifier qu’il est "Lumière du Christ".
Si le néophyte est aussi "revêtu" du Christ quand on lui remet un vêtement blanc, l’autel de l’édifice consacré est habillé d’une nappe blanche, sur laquelle est finalement célébré le Sacrifice eucharistique, ultime moment de cette forme d’initiation chrétienne du lieu de culte. Désormais dédicacée, l’église permet aux fidèles de vivre tournés vers l’accomplissement de ce qui y est célébré : la vie éternelle. Une réalité traditionnellement figurée par la ville sainte, comme le chante l’hymne des laudes de la dédicace : "Jérusalem, cité heureuse, dont le nom signifie ‘vision de paix’ qui se construit dans les cieux avec des pierres vivantes."