Il fait défiler, sur son portable, les photos de vingt-six visages ridés et souriants. Il présente, avec une fierté non dissimulée, "ses résidents" chantant et cuisinant ensemble, à proximité de champs. À Beit Afram, une maison de retraite chrétienne située dans le village de Taybeh, à une vingtaine de kilomètres de Jérusalem, la vie quotidienne a souvent des allures de fête. Ici, on aime et on cultive la joie. "Quand tu fais un pas dans cette maison, il y a une énergie extraordinaire qui touche ton âme", affirme Marco Bassir, son directeur. Pourtant, depuis le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas le 7 octobre, la vie quotidienne de ses résidents a peu à peu changé.
Il y a un an, Marco Bassir s’est vu proposer la direction de cet établissement unique en son genre dans la région, créé en 2005 par le curé du village. Le lieu est aujourd’hui l’une des rares maisons de retraite palestiniennes dédiées aux personnes âgées dépendantes. Gérée financièrement et administrativement par le Patriarcat Latin de Jérusalem, elle rassemble seize bénévoles pour vingt-six résidents sans famille ou sans revenu. "Notre mission, c’est de faciliter leur fin de vie, de les aimer et leur donner toute la dignité qu’ils méritent dans une perspective chrétienne", explique Marco.
Maintenir un climat de paix et de joie
Depuis l’attaque terroriste du Hamas début octobre, la prise en charge des habitants de Beit Afram s’est complexifiée. Les routes reliant le village aux principaux axes de Cisjordanie sont bloquées chaque jour par des barrages de l’armée israélienne. "Nous ne pouvons plus circuler librement, et ce n’est pas simple. Mais nous prenons quand même le risque de nous déplacer car nos résidents ont des besoins importants, être nourris et être soignés notamment", raconte Marco. Le village est également entouré de quatre colonies israéliennes, illégales au regard du droit international. La présence de plusieurs centaines de colons violents - problème récurrent dans la région ces dernières années -, s’est intensifiée en l’espace de quelques semaines. "Nos voitures ont été vandalisées, nous nous sommes même fait tirer dessus. Nous avons très peur pour notre sécurité et celle des résidents", avoue le père de famille d’une quarantaine d’années.
L’équipe soignante de Beit Afram tourne par ailleurs à effectifs réduits - les deux volontaires françaises de la maison ayant dû être rapatriées en octobre. Le personnel restant s’organise comme il peut pour maintenir une atmosphère de joie et de paix auprès des résidents. "Nous avons par exemple décidé d’interdire la diffusion de nouvelles en continue à la TV, pour protéger leur santé psychologique. Pour certains, entendre parler tous les jours du conflit était devenu trop anxiogène", explique Marco.
Ma joie, c’est de voir les résidents souriants et joyeux. Et nous allons poursuivre notre mission malgré la guerre !
Malgré le climat ambiant particulièrement compliqué, le directeur de Beit Afram souhaite se concentrer sur l’avenir de la maison. "Ma joie, c’est de voir les résidents souriants et joyeux. Et nous allons poursuivre notre mission malgré la guerre !", affirme-t-il. Son objectif ? Continuer d’importants travaux de rénovation initiés à son arrivée comme directeur. En 2022, la maison ne comptait aucun lit médicalisé pour les résidents les plus dépendants. Les dons de mécènes locaux et européens ont permis de financer ces équipements essentiels à leur bien-être. Demain, "nous voudrions faire installer un système de climatisation", espère Marco. Il espère "pouvoir continuer à faciliter la fin de vie de chacune de ces personnes, dans l’amour et la douceur. Elles le méritent, et je continuerai de me battre pour cela !" Il conclut : "Nous avons besoin de votre prière, de votre soutien et de votre solidarité. Priez pour les chrétiens de Terre sainte, priez pour la paix !"