"Le Patriarcat arménien de Jérusalem est probablement confronté à la plus grande menace existentielle de son histoire vieille de 16 siècles", s’est alarmé le Patriarcat arménien de Jérusalem le 16 novembre. La veille, un convoi israélien est entré dans le quartier arménien de Jérusalem-Est afin de prendre le contrôle de terrains au cœur d’une bataille judiciaire. En cause, un contrat litigieux signé en 2021 entre le Patriarcat arménien et la société Xana Capital. Ce bail emphytéotique (d’une durée de 99 ans, ndlr) prévoyait la location de terrains appartenant à l’Église arménienne sur lesquels la société veut construire une résidence de luxe.
Lancement des travaux
Le 1er novembre 2023, le patriarcat arménien a toutefois annoncé avoir signalé au promoteur son retrait de l’accord le 26 octobre dernier et lancé une demande d’annulation auprès des instances israéliennes. L’accord n’aurait jamais été soumis au vote du Saint-Synode, qui comporte huit membres du clergé arménien, ni à celui du Patriarcat arménien dans son ensemble. Un vice de procédure qui le rendrait donc illégal. Malgré les démarches judiciaires entamées, le promoteur immobilier a lancé dès le début du mois de novembre la phase de travaux visant à construire la résidence.
Bien que signé en 2021, le contenu du contrat n’a été porté à la connaissance de la communauté arménienne de la Vieille Ville qu’en avril 2023, date à laquelle la société immobilière a publiquement affiché ses intentions de travaux. Il a aussitôt suscité l’indignation et la révolte des Arméniens qui y ont vu une trahison de leur clergé. La durée du bail ainsi que les projets de construction de la société amputeraient irrémédiablement la communauté de 25% de son quartier - où elle maintient une présence depuis le IVe siècle -, en faveur de la communauté juive israélienne. La société Xana est en effet soutenue par Ateret Cohanim, une organisation qui se donne pour objectif de changer la composition démographique de la Vieille Ville de Jérusalem-Est afin de la “judaïser”. Face à la polémique, l’actuel patriarche, Nourhan Manougian, a pris la décision rare de destituer le prêtre signataire de l’accord, Baret Yeretzian, désormais laïc. Le Royaume hachémite de Jordanie et l’Autorité Palestinienne ont quant à eux annoncé ne plus reconnaître Nourhan Manougian comme Patriarche de l’Église arménienne orthodoxe de Jérusalem et du reste de la Terre sainte.
Une présence chrétienne menacée
Ce litige relatif à des biens immobiliers entre une communauté chrétienne et les colons israéliens n’est pas un cas isolé. En juin 2022, la Cour suprême avait tranché en faveur de l'organisation Ateret Cohanim, devenue officiellement propriétaire de trois bâtiments appartenant à l’Église gréco-orthodoxe, après plus de 18 ans de bataille judiciaire. Une décision que les autorités ecclésiastiques avaient qualifié d’injuste et sans base légale, fustigeant une "organisation radicale et ses partisans" qui "ont poursuivi des méthodes malhonnêtes et illégales pour acquérir des biens chrétiens dans l’un des endroits les plus importants pour la présence arabe musulmane et chrétienne à Jérusalem".