Dans un message adressé jeudi à la campagne nationale contre la violence envers les femmes organisée par la radio publique italienne RAI Radio1, le pape François a exprimé en des termes très précis sa compassion pour les femmes "maltraitées, abusées, réduites en esclavage, victimes de l’arrogance de ceux qui pensent pouvoir disposer de leur corps et de leur vie, forcées de se rendre à la convoitise des hommes", victimes de "pressions indues", ou encore "mises au second plan, considérées inférieures, comme des objets". "De la façon dont nous traitons la femme, dans toutes ses dimensions, se révèle notre niveau d’humanité", a-t-il mis en garde. La veille, il avait dédié sa catéchèse du mercredi à une Française, Madeleine Delbrêl, figure de l’évangélisation du monde ouvrier au milieu du XXe siècle, qui avait eu le courage de témoigner du Christ tout en travaillant comme assistante sociale au sein d’une mairie communiste, à Ivry-sur-Seine, en région parisienne.
Une nouvelle preuve de l’attention particulière que François consacre aux femmes dans l’Église, moins d’un mois après avoir consacré une exhortation apostolique à sainte Thérèse de Lisieux, C’est la confiance, diffusée le 15 octobre dernier ? Oui, mais pas seulement. Depuis le début de son pontificat, François encourage une féminisation des effectifs du Vatican : 1.165 femmes étaient recensées en mars 2023 au sein du personnel, contre 846 une décennie auparavant. Il nomme aussi volontiers depuis 2013 des femmes, religieuses ou laïques, à des responsabilités exécutives : la figure la plus connue par le public français est sœur Nathalie Becquart, numéro deux du secrétariat général du Synode. D’ailleurs, au cours de l’une de ses rares prises de parole lors de la récente assemblée synodale, il a affirmé que les femmes occupaient une place décisive dans l’Église notamment parce qu’elles sont pionnières dans la transmission de la foi. Dans la même intervention, François dénonçait les attitudes "machistes et dictatoriales" des personnes qui outrepassent leur ministère, "maltraitent" le peuple de Dieu et "défigurent" l’Église.
Une nouveauté ?
Mais ce ‘féminisme papal’ est-il nouveau ? En réalité, c’est sous Paul VI que le Vatican s’est ouvert à une lente et progressive féminisation de ses effectifs. Élu pape en 1978 après une longue expérience auprès du monde des jeunes et des étudiants, Jean Paul II aimait profondément la compagnie des femmes, leur consacrant une Lettre apostolique remarquée en 1988, Mulieris Dignitatem. Décédée le 24 octobre dernier à près de 102 ans, la psychiatre polonaise Wanda Półtawska fut une conseillère très écoutée par Jean Paul II sur les questions familiales, et une amie intime au point de figurer parmi les rares personnes l’ayant accompagné lors de son agonie, en avril 2005. Benoît XVI, pour sa part, marquait beaucoup les femmes qu’il rencontrait par son regard franc, profond et respectueux, sans commune mesure avec la gêne de nombreux ecclésiastiques.
En remontant plus loin dans l’histoire, le retour de la papauté à Rome, sous le pontificat de Grégoire XI, s’est fait sous l’impulsion de sainte Catherine de Sienne, reçue à plusieurs reprises par le pape à Avignon durant l’été 1376. Malgré les réticences de la Cour pontificale, le pontife écouta attentivement cette jeune religieuse dominicaine de 29 ans et suivit ses conseils. Ces papes se sont donc situés à la suite de Jésus, un homme qui regardait les femmes sans convoitise ni timidité, qui les prenait au sérieux et reconnaissait leur place dans la vie publique, à l’encontre des schémas culturels de son époque. Plus que d’un signe de ‘féminisme’ au sens moderne du terme, la promotion des femmes souhaitée par le pape François s’inscrit donc tout simplement dans la dynamique générale du christianisme, une religion qui considère que toute personne humaine doit pouvoir pleinement déployer ses talents pour répondre au plan de Dieu.