La culture actuelle accorde une place importante aux anges. Il suffit de parcourir les rayons dédiés à la spiritualité (au sens large) dans les grandes librairies, ou de regarder les programmes proposés par les sites de VOD. Croire en Dieu peut être difficile, mais croire en l’existence des anges ne pose aucun problème pour de nombreux contemporains. Toutefois, il est opportun d’exercer un discernement.
Les anges qui envahissent nos écrans, fréquentent les sites Internet et les séries de Netflix, n’ont pas grand-chose à voir avec les anges de la tradition judéo-chrétienne. Quelle trace nos amis célestes ont-ils laissée dans la littérature, la peinture, la sculpture, et même la science, ainsi que sur les présupposés théologiques de ces représentations ?
Les anges de la superstition
L’ange contemporain n’est pas un être personnel créé par Dieu par amour pour participer à son action. Il est souvent présenté comme une énergie vibratoire, un rayonnement de la divinité elle-même entendue comme une énergie. De nombreux noms sont attribués à ces êtres, dont la principale raison d’être n’est pas la glorification de Dieu et le service de sa création, mais la satisfaction des besoins immédiats de notre humanité : besoin de protection, de guérison, de pouvoir et de consolation. Plus que leur nature, c’est la manière de recourir à leur aide qui sera recherchée.
Dans cette perspective, il sera important de connaître leur nom, mais aussi l’astre ou le signe du zodiaque auquel les rattacher. Les auteurs, très prolixes, recourront ainsi à la kabbale pour identifier l’ange chargé des affaires juridiques, ou des problèmes de cœur, de travail, etc. C’est ainsi qu’on déterminera une heure pour les invoquer et la modalité de cette invocation. Tout est précisé pour que cela fonctionne. Nous ne sommes pas dans une communion d’amour, mais dans une démarche magique et superstitieuse où l’accomplissement d’un rituel précis est censé soumettre une puissance céleste pour obtenir un bienfait.
Une source d’équilibre nécessaire au salut
Bien différente est la figure angélique rencontrée dans les foi juives et chrétiennes. Elle contraste nettement avec la figure moderne évoquée ci-dessus. Il est nécessaire de rappeler que la croyance dans le monde angélique a traversé les siècles, y compris en philosophie, trouvant des racines dans le monde grec avec la figure d’Hermès, et mésopotamien, même si à l’époque, ils n’avaient pas encore nécessairement gagné leurs ailes, une réalité apparue après le VIe siècle av. J.-C.
Le monde créé n’a jamais été limité au monde visible, mais a toujours inclus un monde invisible dont l’interaction avec la réalité visible a toujours été reconnue.
Le monde créé n’a jamais été limité au monde visible, mais a toujours inclus un monde invisible dont l’interaction avec la réalité visible a toujours été reconnue. Certes, cette action a pu être perçue à travers des causalités aujourd’hui perçues comme naturelles. Le mouvement des astres n’est plus considéré comme le fruit de l’action angélique. Néanmoins, leur action, au milieu des causes naturelles, est apparue comme source d’équilibre afin de permettre la réalisation du plan du salut, malgré l’action maléfique des anges déchus et du péché de l’homme.
Cette présence invisible est apparue comme un véritable soutien à l’humanité. Leur activité, à travers l’auscultation de l’Évangile de Luc, de la liturgie de saint Jean Chrysostome, de textes de sainte Hildegarde, de saint François de Sales, de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus ou dans l’étude d’auteurs de la grande littérature (Saint-Amant, Péguy, Claudel, etc.), apparaît indissociable de l’histoire des hommes. Cette présence semble nécessaire pour manifester la gloire divine et guider l’humanité sur le chemin étroit de la vie parfaite. Les nombreux témoignages dans la peinture et la sculpture témoignent de cette mission de pédagogues de la vie céleste dont ils ne cessent de s’acquitter, que ce soit sur les tympans de nos cathédrales, dans les mandorles des représentations picturales de la gloire divine ou chez un peintre comme Chagall.
Conforme à la raison
Les philosophes, y compris Kant, ne s’y sont pas trompés. La perfection du monde créé demande de reconnaître que des créatures spirituelles existent, mais pour être raisonnable, la foi en ces créatures demande qu’elles soient conçues dans une étroite dépendance avec un Créateur transcendant et au service de son projet d’amour. Si croire en l’existence et l’action angéliques relèvera toujours de l’objet de la foi, il n’en reste pas moins que cette présence est éminemment conforme à la raison humaine, et la place qu’elle occupe dans l’art témoigne non contre elle, mais au contraire, atteste de sa profonde cohérence avec le cœur de l’homme qui sait, lui, voir l’invisible.
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