Il s’agit de l’une des plus importantes collections de joaillerie impériale et royale jamais mise aux enchères. Les 6 et 7 novembre, la maison de vente aux enchères Sotheby’s met sur le marché une collection de plus de 200 bijoux, appartenant à un seul propriétaire, découverts il y a quelques mois dans le coffre d’une banque dans lequel ils étaient cachés depuis 75 ans. Des pièces d’exception ayant appartenu aux maisons de Habsbourg, de Bourbon-Parme, de Bourbon-Deux-Siciles, de Wurtemberg et de Saxe-Cobourg-Gotha.
Outre des diadèmes, des colliers, des broches et des accessoires merveilleusement sertis de perles et de pierres précieuses, la vente Vienne 1900 : la collection impériale et royale présente aussi quelques bijoux empreints de foi chrétienne. Les histoires liées à ces bijoux sont touchantes, édifiantes voire rocambolesques.
Rocambolesque, c’est le mot pour le sort réservé aux bijoux de la princesse Eudoxie, fille du tsar Ferdinand Ier de Bulgarie. Dans la dernière année de la Seconde guerre mondiale, le régime pro-soviétique se durcit en Bulgarie. La princesse Eudoxie, assignée à résidence, prend soin d’enterrer ses précieux bijoux dans le jardin. Le 15 septembre 1946, un référendum ratifie l'abolition de la monarchie au profit de la République populaire de Bulgarie et la famille royale doit s’exiler. La princesse a peu de temps pour quitter le pays. Elle parvient à dissimuler des sacs remplis de bijoux dans une brouette, sous des livres, et à les porter à la reine Giovanna qui elle, est autorisée à quitter le pays avec ses affaires personnelles. C’est sans doute grâce à ce sauvetage miraculeux que nous est parvenue une partie des bijoux du tsar Ferdinand Ier et de la princesse Eudoxie, présentés lors de la vente genevoise.
Des cadeaux de baptême
Parmi les majestueux bijoux de la dynastie bulgare figurent des pendentifs en forme de croix, ornés de diamants et autres pierres précieuses. Il s'agit de cadeaux de baptême, offerts par Ferdinand Ier à ses petits-enfants, et par la princesse Eudoxie à ses neveux. De somptueux témoins de la grâce du baptême et de l'importance que ce sacrement revêtait pour la famille royale de Bulgarie pendant l'entre-deux-guerres.
Plus impressionnante, cette croix pectorale ayant appartenu au tsar Ferdinand Ier. Dans son testament, ce dernier l'avait léguée à Mgr Michael Buzalka, évêque auxiliaire de Bratislava et Trnava. Mais à la mort de Ferdinand Ier en 1948, l'évêque fut emprisonné par le régime communiste de Tchécoslovaquie. Le legs n’a donc pas pu être réalisé. C’est la princesse Eudoxie qui hérita de la croix pectorale. Pendant des années, elle a tenté de rétablir le contact avec l'évêque emprisonné et a conclu qu'il était décédé en 1963 ou en 1964, son nom n'étant plus mentionné dans l'Annunzio Pontifico à partir de cette époque.
Croix de l’abbesse du couvent thérésien des Dames nobles
Parmi les titres honorifiques portés par les archiduchesses austro-hongroises avant leur mariage figurait celui d’abbesse du couvent thérésien des Dames nobles de Prague. Un ordre semi-monastique laïc fondé par l'impératrice Marie-Thérèse d’Autriche au Palais Rosenberg, dans l'enceinte du château de Prague, en 1755, dont l’objectif était de soutenir les femmes nobles pauvres. La princesse-abbesse qui dirigeait la Fondation thérésienne pour les dames nobles était toujours une archiduchesse célibataire nommée par l'Empereur.
L'installation de la princesse-abbesse était célébrée par une somptueuse cérémonie religieuse au cours de laquelle la nouvelle abbesse portait une robe noire ornée de l'Ordre de la Croix Étoilée, une couronne fermée ainsi qu’un grand bâton doré.
Le pendentif en forme de croix latine, serti d'émeraudes et réhaussé de diamants, attribué au joaillier des Habsbourg Köchert, et présenté lors de la vente aux enchères, provient de la collection de l'archiduchesse Marguerite-Sophie d'Autriche, duchesse de Wurtemberg. Il fut légué par son mari Albrecht, duc et prince héritier de Wurtemberg à leur fille Marguerite-Marie, duchesse de Wurtemberg en 1913. L’histoire ne dit pas explicitement s’il s’agit du pendentif représenté sur la photo de l'archiduchesse mais il y a fort à parier qu'il s'agisse de la même croix.