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[HOMÉLIE] Qu’est-ce qu’un prêtre ?

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Erwan de Kermenguy - publié le 04/11/23
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Curé de la paroisse Notre-Dame de Tout-Remède en Pays de Landerneau, le père Erwan de Kermenguy commente les lectures du 31e dimanche ordinaire (Ml 1, 14 à 2, 2.8-10 ; Ps 130 ; 1Th 2, 7-9.13 ; Mt 13, 1-12). Il ouvre son cœur de prêtre pour éclairer le message sur les bons et les mauvais guides dont parle l’Évangile.

Permettez-moi de commencer par une confidence que les prêtres font rarement. Je vous aime. Je vous aime, et j’aime le Bon Dieu. Je vous aime et le sens de ma vie c’est d’être au service de votre rencontre avec Dieu… Cette rencontre qu’on appelle la sainteté et qui nous concerne tous, comme la fête de Toussaint nous l’a rappelé cette semaine. Les prêtres se livrent rarement… nous avons notre pudeur. Mais au moins vous le saurez, même si je ne vous connais pas personnellement, je vous aime. Et le signe de cet amour c’est mon célibat. Si je suis célibataire, c’est pour vous.

Le quotidien d’un prêtre en service

Dans la cathédrale de Quimper, il y a près de dix ans, je me suis allongé sur le sol, donnant ma vie à Dieu pour vous. Et si je vous le dis aujourd’hui, c’est que je veux faire mien les mots de saint Paul aux Thessaloniciens : « J’ai pour vous une telle affection que je voudrais vous donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais jusqu’à ma propre vie » (1Th 2, 8). Or saint Paul précise que cet amour est comme celui d’une mère, à la fois plein de douceur et de peines… la douceur des soins que l’on procure à l’autre… les peines que nous coûtent ces mêmes soins, dans un travail du jour et de la nuit. Et de fait, ma charge du curé se vit le jour, à rencontrer mes paroissiens, à les écouter, à prier avec eux, à consoler, à enseigner… et la nuit, à envoyer des mails, écrire des homélies, répondre à des questions sur Facebook, écrire le journal paroissial, quand il ne s’agit pas de veiller à l’organisation concrète de la communauté paroissiale, aux soucis d’intendance, de chauffage, d’électricité, de sono, ou de choix des chants pour la messe. Ma charge de curé se vit dans la douceur et dans la peine.

Il y a de mauvais prêtres qui n’écoutent pas Dieu et qui n’ont pas à cœur de glorifier Dieu.

C’est tout cela qui fait le quotidien d’un prêtre. Qu’est-ce qu’un prêtre ? La manière d’être prêtre varie d’une époque à l’autre, d’un pays à l’autre. Certains font le catéchisme, la feuille paroissiale… il y avait en Bretagne des vicaires instituteurs et des vicaires organistes ! Mais quelle que soit la forme prise par son ministère, le prêtre c’est un homme consacré à Dieu pour le service d’une communauté, pour aider la communauté à rendre un culte à Dieu. Car il est bon, il est juste et bon comme nous le disons à la messe, que l’homme rende un culte à Dieu. Dit autrement, le prêtre est un outil pour vous, pour votre propre sainteté. Et comme tous les outils, il faut s’en servir. Et comme tous les outils, il y en a des bons et des mauvais.

Il y a de mauvais prêtres

Car il y a de mauvais prêtres, dit Dieu dans la lecture du livre de Malachie. Il y a de mauvais prêtres qui n’écoutent pas Dieu et qui n’ont pas à cœur de glorifier Dieu. Ils ne cherchent ni la gloire de Dieu ni la sainteté des hommes. Ils utilisent la Loi de Dieu à leur intérêt et non à l’intérêt de la communauté dont ils ont la charge. Ils détournent les règles de Dieu et de l’Église pour leur propre profit. L’on retrouve là, dans cette critique des mauvais prêtres, les deux grands commandements dont Jésus nous parlait dans l’évangile du dimanche précédent (Mt 22, 34-40) : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Les mauvais prêtres, pour Isaïe, ce sont ceux qui négligent Dieu et leurs frères. Les mauvais prêtres, j’en fais mon affaire, dit Dieu. Ils seront méprisés, humiliés, abaissés aux yeux de tous, écrit le prophète Isaïe. En un mot, ils ne l’emporteront pas au paradis !

La sainteté du prêtre, c’est de se dévouer à la croissance de sa communauté.

Mais qu’est-ce qu’un prêtre peut bien emporter au paradis ? La sainteté du prêtre ce n’est pas de cultiver son auréole personnelle ou de se mettre en avant devant la communauté, avec de beaux vêtements… C’est vrai de tous les baptisés d’ailleurs. Le Christ nous met en garde contre la tentation de jouer les « bons chrétiens ». « Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués par les gens » (Mt 23, 5). Le but du prêtre ce n’est pas d’être remarqué pour lui-même… mais de conduire au Christ. Vous allez me dire : oui mais toi, on t’appelle « mon père » et tu portes la soutane… alors ce n’est pas très cohérent avec ce que Jésus nous dit : Ne donnez à personne le titre de père (Mt 23, 9) ! et méfiez-vous de ceux qui se font remarquer par leur vêtement (Mt 23, 5) !

Un vêtement bizarre

La sainteté du prêtre, c’est de se dévouer à la croissance de sa communauté. Le concile Vatican II nous le redit fortement : c’est en prenant soin de leur communauté que les prêtres deviendront saints, non pas en s’occupant d’astiquer tous les matins leur auréole, en veillant aux boutons de leur soutane, ou au confort de leur presbytère (cf. Presbyterorum ordinis n. 13). Ce qu’un prêtre emporte au paradis, c’est vous… parce que le berger est là où est le troupeau… Et si le prêtre accompagne sa communauté dans sa marche vers le Bon Dieu, tout en s’occupant de sa paroisse, il se rapproche lui aussi du Bon Dieu.

Jésus voulait nous rappeler que toute paternité vient de Dieu. Quand vous m’appelez « père », vous me rappelez cette terrible et magnifique responsabilité que j’ai endossé le jour de mon ordination.

Quand je porte un vêtement bizarre, comme la soutane, je ne passe pas inaperçu dans la rue. Ce n’est pas pour le plaisir d’être un original… C’est pour être signe auprès de tous que Dieu veut se faire proche d’eux. Et cela marche. Je pense à cet homme qui me confiait dernièrement, à la terrasse d’un café : « Dieu je ne peux plus y croire… mais j’ai du respect pour toi, pour ce que tu es. » Or ce n’est pas moi pour qui il a cette estime… c’est pour le prêtre, homme de Dieu. Dieu invisible lui semble trop lointain, étranger, mais l’homme de Dieu est pour lui une forme d’incarnation. Et le Maître qu’il n’arrive pas à aimer, il l’aime déjà à travers la figure bien imparfaite de son serviteur. Des hommes comme lui, j’en croise tous les mois, c’est-à-dire au moins une dizaine par an.

Père et frère

Quand vous m’appelez « père », vous n’enfreignez certainement pas la parole de Jésus… car Jésus ne parlait évidemment pas des prêtres catholiques qui n’existaient pas à son époque ! Jésus parlait des papas. Jésus voulait nous rappeler que toute paternité vient de Dieu. Quand vous m’appelez « père », vous me rappelez cette terrible et magnifique responsabilité que j’ai endossé le jour de mon ordination, la charge d’accompagner votre croissance spirituelle. Saint Paul dit dans le même sens « je suis une mère pour vous »… Mais quand vous m’appelez « père », je n’oublie pas que je suis votre frère. Les enseignements que je donne, y compris dans cette homélie, je les reçois moi aussi. L’invitation à la conversion, invitation sans cesse renouvelée, je l’entends pour moi aussi… et bien souvent je la reçois de vous tant il est vrai qu’on devient mère par ses enfants et qu’un prêtre devient père par sa communauté.

Je tiens mon âme égale et silencieuse, priant pour vous et vous aimant devant Dieu.

Mon désir, mon plus grand désir, c’est que vous soyez saints ! Que nous soyons tous saints… c’est notre vocation. Suis-je fou d’avoir ce désir ? Est-ce un rêve trop ambitieux ? Le psaume de ce jour, le psaume 130, est un de mes psaumes préférés. Il dit « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier, ni le regard ambitieux, je ne poursuis ni merveille, ni grand dessein qui me dépasse, mais je tiens mon âme égale et silencieuse » (Ps 130, 1-2). Mon désir de sainteté pour vous est comme le désir d’une mère pour ses enfants, le désir de vous voir entrer pleinement dans la vie. Quels parents n’ont pas le désir de voir leurs enfants grandir, marcher, trouver un métier, réussir leur vie. Eh bien ce désir je l’ai pour vous, frères et sœurs… dans la vie véritable, qui est la vie de Dieu. Eh bien souvent les parents gardent ce désir dans le secret de leur cœur, dans le secret de leur amour. Et moi, c’est dans le secret de ma prière que je porte ce désir. Je tiens mon âme égale et silencieuse, priant pour vous et vous aimant devant Dieu.

Si je vous ouvre mon cœur de prêtre, c’est que bien souvent les chrétiens ignorent ce qu’est un prêtre. On le voit à la messe, on le voit à tel ou tel moment dans sa fonction… mais le prêtre n’est pas une fonction. Je vous ai dit cela pour vous aider à comprendre ce qu’est un prêtre. N’adulez pas vos prêtres. Ils ne sont pas Dieu. Mais aimez-les comme des frères, car ils sont des frères à qui Dieu confie une belle et lourde charge : vous-mêmes. Aimez-les. Et priez pour eux.

Priez chaque jour de cette semaine pour vos prêtres, pour que nous correspondions davantage à ce que Dieu attend de nous.

Deux pistes pour aider vos prêtres

Je vous propose donc deux pistes pour cette semaine. D’abord, demandez-vous ce que les prêtres vous ont apporté. Seul ou en famille ou avec des amis, prenez le temps de voir les moments où Dieu a mis sur votre chemin un frère prêtre qui vous a aidé à avancer, qui vous a fait grandir dans la vie spirituelle. C’est peut-être par un sacrement (votre baptême, votre mariage, une confession). C’est peut-être dans des activités, équipe de chrétien, cours de caté ou formation biblique. C’est peut-être simplement dans une vie paroissiale, comme pivot de la vie chrétienne. Demandez-le vous, partagez-le entre vous. Et n’hésitez pas à nous le dire. Pas forcément de nous-mêmes, mais des autres prêtres. Cela nous aide aussi à nous recentrer sur l’essentiel de notre ministère que de savoir à quel moment nous vous aidons vraiment… car je ne suis pas sûr que ce soit lorsque nous réparons la chaudière de l’église, même si c’est bien utile.

Deuxième piste : priez chaque jour de cette semaine pour vos prêtres, pour que nous correspondions davantage à ce que Dieu attend de nous. Comme le dit Malachie, que nous soyons davantage au service de la gloire de Dieu et du bien des hommes. Frères et sœurs, je vous aime.

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