Vous êtes de ceux pour qui les patronages évoquent les années 1950, l’école communale, les blouses maculées d’encre et les photos sépia ? Vous avez tout faux ! Car depuis l’entrée dans le nouveau millénaire, ces derniers renaissent de leurs cendres : il y en aurait environ 150 aujourd’hui en France contre 40 il y a 25 ans. La Communauté Saint-Martin n’est pas étrangère à ce renouveau. Elle en a fondé une quinzaine dans les paroisses où elle est implantée.
Vicaire de la paroisse de Sarcelles depuis 2019, don Alexis Germon avait expérimenté à Soissons au temps de son diaconat les bienfaits de ce modèle éducatif, en prêtant main-forte à l’équipe du patronage Jeanne d’Arc. Aussi une fois prêtre a-t-il entrepris de renouveler l’expérience dans cette banlieue nord de Paris, où il fait ses classes depuis quatre ans : « J’ai longtemps été scout, précise-t-il, et suis convaincu que l’apprentissage de la vie, du jeu, du don de soi incarné par les animateurs est une école d’épanouissement et de croissance humaine et spirituelle. »
Une proposition qui fait mouche
L’initiative est très vite couronnée de succès : lancée en septembre 2020, avec 20 enfants présents les mercredis et une soixantaine de participants aux six colonies annuelles, le patronage Lumière des Nations en accueille désormais 40 chaque semaine et 180 sur les temps de vacances scolaires. Le premier espace d’accueil à Sarcelles-Village n’y suffisant plus, un deuxième a été ouvert en 2022 dans ce qu’on appelle « le grand ensemble », ville moderne hérissée de tours datant de la fin des années 50. Puis un troisième espace a vu le jour, en avril dernier, cette fois à destination des collégiens : « Les propositions pour élèves du primaire sont légion, note don Alexis, mais se raréfient pour le secondaire. Nous avons donc lancé un patronage spécial collégien, qui compte lui aussi une quarantaine de jeunes. »
Au programme des mercredis : ateliers le matin (bricolage, cuisine et sport) et grand jeu l’après-midi. Même modèle lors des colonies d’une semaine avec en bonus une sortie culturelle ou récréative : parc Astérix ou parc Saint-Paul (Beauvais), Cité de la science, Futuroscope de Poitiers, aquarium de Boulogne-sur-Mer, Zoo de Pairi Daiza (Belgique)… Les Sarcellois ont vu du pays ! « Ils sortent peu de leur quartier, regrette don Alexis. C’est important qu’ils s’ouvrent à l’extérieur, découvrent leur patrimoine, des régions, des lieux emblématiques. Nous avons programmé des sorties au parc France Miniature, au Mont-Saint-Michel, à Chambord… » Le prêtre en soutane et col romain ne manque ni d’idées ni d’ambitions : n’a-t-il pas tout récemment entraîné ses collégiens à une rencontre avec le gouverneur des Invalides, suivie d’une visite du Musée de l’Armée ?
Un lieu familial et convivial
Au démarrage, ce sont des enfants des familles fréquentant la paroisse qui ont fourni le gros des effectifs : des assyro-chaldéens d’origine turque ou irakienne (les chrétiens de rite oriental très nombreux à Sarcelles, ndlr) et des catholiques romains. Puis le bouche-à-oreille a fonctionné à plein : enfants protestants, juifs, musulmans… « Le principe du patronage est d’être ouvert à tous, insiste don Alexis. Notre inspiration est chrétienne, mais nous aspirons à être un lieu de fraternité où les jeunes sont heureux de se retrouver. Les plus grands sont parfois soumis à la pression de bandes rivales, ils ont besoin d’expérimenter l’Evangile en actes : la paix, le pardon. » Les fruits de ce climat pacifiant sont palpables : il y a quelques jours encore, un jeune de 21 ans, Jordan, plus familier du bitume de son quartier que des bancs de la fac, a entamé une démarche de réconciliation avec sa famille qui l’avait mis à la porte.
Comme dans tout patronage, les plus grands mettent la main à la pâte et s’occupent des plus petits : l’équipe composée des prêtres et du séminariste de la Communauté, d’une directrice, de deux services civiques, des sœurs de la Congrégation de la Petite Fleur de Béthanie et de bénévoles les encourage à prendre des responsabilités et à s’épanouir en se donnant. En partenariat avec le centre Esprit de patronage, Lumière des Nations a offert 40 formations BAFA à des lycéens et étudiants. Une soixantaine, venus de tous horizons, anime bénévolement les colonies.
Une école du don de soi
« Leur montrer qu’on a confiance en eux et en leurs possibilités est fondamental, poursuit don Alexis. Ils peuvent alors se déployer en se mettant au service des autres. ». Baptiste, employé en restauration de 19 ans, Sarcellois depuis sa petite enfance, approuve : « Franchement, c’est une superbe expérience d’être animateur à Lumière des Nations. L’été dernier, au camp des collégiens, j’avais la responsabilité des jeunes, avec trois autres animateurs. Il y avait un groupe très turbulent pas facile à gérer. Mais à la fin du séjour, ils m’ont remercié d’être ce que j’étais, de leur avoir accordé de l’attention. Ça m’a vraiment touché. » Au point qu’il se demande s’il ne s’orientera pas à l’avenir dans un métier ayant trait à l’éducation « J’ai découvert beaucoup de choses sur moi, poursuit-il. Que je pouvais être d’une extrême patience avec les enfants, que j’étais persévérant, que je savais créer une bonne ambiance. J’en ai été le premier étonné : j’aime être à l’écoute des enfants. »