Gary Chapman ne les avait pas évoqués, et pour cause, ces petits pictogrammes ou ces courtes vidéos qui font désormais partie du quotidien de milliards de couples un tant soit peu actifs sur les réseaux n’existaient pas. Le livre du célèbre pasteur baptiste américain Les 5 langages de l’amour est paru en 1992 tandis que le mot "mème" a fait son entrée dans le Robert en 2013 et que les réels Instagram ont été dévoilés en août 2020. Les emojis sont certes beaucoup plus anciens – le premier, en forme de cœur et disponible sur les "Tatoo" de l’opérateur japonais NTT Docomo, remonte à 1995 – mais ils n’ont envahi la téléphonie mobile qu’avec l’arrivée des smartphones dans les années 2000.
Depuis, leur utilisation est exponentielle. Les mèmes sont les contenus les plus appréciés par les utilisateurs d’Instagram. Un million de posts quotidiens mentionnent le terme "mème" dans leur légende de publication, selon Instagram. Et d’après Emojipedia, la référence en termes de statistiques emojis, 5 milliards d'emojis sont envoyés quotidiennement sur Messenger. Si le visage avec des larmes de joie est le smiley le plus populaire sur Facebook, c’est le cœur rouge qui remporte la palme sur Messenger, réseau considéré comme plus intime et confidentiel.
Une aide pour 88% des Français
Les raisons d’un tel succès ? Les emojis, mèmes ou réels ont ce pouvoir d’exprimer une émotion sans avoir besoin de l’écrire avec des mots. En ce sens, 88% des Français estiment que les emojis les aident à s'exprimer, selon une étude publiée à l’occasion du World Emoji Day 2021. Si leur utilisation au sein des couples n’est pas documentée, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’une nouvelle manière d’exprimer son amour à son conjoint, à travers des smileys qui envoient des cœurs, des mèmes plein d’affection ou encore des réels équivalents à des déclarations d’amour publiques.
Selon le Dr Mary Kempnich, psychologue à l’Université d’Oxford, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des mèmes. "Cela revient à dire "Hé, je pense à toi et je sais que tu apprécieras ça" et qui n’aime pas qu'on pense à lui ?", souligne-t-elle dans une vidéo Instagram. Une manière de faire savoir à l’autre que vous pensez à lui, sans attendre nécessairement de réponse, et que vous connaissez son sens de l’humour ou ses sujets de prédilection.
Un sixième langage de l’amour, oui mais non suffisant
Une pratique qui peut correspondre au langage d’amour de votre conjoint et répondre, en partie, à son besoin affectif. Un gros cœur rouge en dit peut-être tout autant qu’un "je t’aime" écrit noir sur blanc. À condition toutefois que votre conjoint parle la même langue que vous… C’est le postulat de départ de la théorie de Gary Chapman : "Si nous voulons communiquer efficacement avec des personnes d’autres cultures, nous devons apprendre leur langue. Il en va de même dans le domaine de l’amour. Le langage de votre amour sentimental et celui de votre conjoint peuvent être aussi différents que le chinois l’est du français." En d’autres termes, si votre conjoint n’est pas très geek, il est fort probable qu’un emoji, quand bien même en forme de cœur, ne lui fasse ni chaud ni froid.
La communication virtuelle ne peut pas faire l’impasse sur le dialogue "IRL".
Emojis, mèmes, réels… Ces nouveaux moyens d’expression peuvent-ils constituer un nouveau langage de l’amour, au même titre que les paroles valorisantes, les moments de qualité, les cadeaux, les services rendus et le contact physique identifiés par Gary Chapman ? Oui, notamment pour la génération Z pour qui les réseaux sont une seconde peau, mais ils ne sont pas suffisants. L’expression de l’amour ne peut pas se réduire à un cœur rouge, aussi gros soit-il, en fin de message. La communication virtuelle ne peut pas faire l’impasse sur le dialogue "IRL" (in real life), pilier fondamental de toute relation conjugale.
Cela suppose un, du temps et deux, une présence physique. Deux éléments que n'offre pas le contact virtuel. L’amour suppose en effet de prendre le temps d’écouter l’autre, de parler de soi, de ses désirs, de ses difficultés… Conseillère conjugale, Emmanuelle Bosvet confiait à Aleteia qu’il est en effet vital de "se dire", de prendre des moments pour s’ouvrir à l’autre, de dévoiler ses besoins, ses aspirations profondes, ses émotions. Cela dit quelque chose de soi, de vrai, et c’est un temps nécessaire à l’intimité conjugale : "À travers la parole, on se rapproche du mystère de l’autre", souligne-t-elle. La présence physique est essentielle aussi dans la mesure où elle traduit une entière disponibilité à l'autre.
Les bienfaits d'un vrai dialogue conjugal ? Aimer mieux. Se parler en vérité permet de mieux s’aimer. "Si on ne se parle pas, on ne connaît pas le cœur de l’autre", soulignait récemment Catherine Bernard, conseillère conjugale et responsable des Equipes Notre-Dame. "Et si on ne connaît pas le cœur de l’autre, alors on ne peut pas s’ajuster, et donc on ne peut pas aimer puisqu’aimer, c’est s’ajuster en permanence à son conjoint". En la matière, un mème ou un emoji semble un peu court !