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Crémation : le corps est-il toujours le temple de l’Esprit ?

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Colombarium du cimetière du Père Lachaise.

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Valdemar de Vaux - publié le 01/11/23
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Après avoir honoré les saints le 1er novembre, l’Église, désormais remplie d’espérance devant cette multitude qui intercède pour elle auprès du Père, lui confie les fidèles défunts le lendemain. Parce qu’elle croit en la résurrection de la chair, l’Église reste très attachée à l’ensevelissement, qui permet aux vivants de se recueillir auprès des corps de leurs proches disparus.

65% des Français ont déjà choisi leur mode de sépulture et parmi eux 45% ont fait le choix de la crémation, a révélé une récente enquête OpinionWay réalisée en octobre 2023 pour  le Service des Professionnels de l’Information (S.P.I) du diocèse de Paris. Une tendance qui interroge : quelle valeur donnons-nous à notre corps ? La manière de s’en occuper vivant en donne une idée, même inconsciente. De même, une fois que nous sommes morts. La philosophie n’a cessé de chercher à comprendre la personne humaine et l’articulation en elle de la matière et de l’esprit. Des épicuriens qui cherchent l’harmonie entre les désirs corporels et la vie de l’âme à Descartes qui établit un réel dualisme entre l’esprit et la matière en passant par Platon et le corps comme "tombeau de l’âme", aucune pensée n’est plus originale que le mystère de l’incarnation du monde chrétien. 

Dieu s’est fait chair, en la personne de Jésus, vrai homme en même temps que vrai Dieu. Cette vérité de foi renouvelle le sens du corps. Celui-ci, dès lors, revêt une dignité particulière : il est le lieu par lequel et dans lequel le Créateur se manifeste à sa créature, appelée en retour à se tourner vers Lui. Avec son corps. "Le corps participe aussi à l’alliance avec Dieu", résumait en 2022 le père Pierre Amar pour nos confrères de La Vie

Le mystère de l’incarnation

Accomplissant l’incarnation, la résurrection du Christ, cœur du Credo catholique, est la suprême démonstration de l’incroyable dignité du corps. Plusieurs fois, après Pâques, c’est bien avec son corps que Jésus se manifeste à ses disciples. Pour confirmer leur foi, certes. Sûrement aussi pour montrer que l’amour de Dieu est capable de racheter même la chair, souvent assimilée au péché. Le Fils du Père se laisse toucher par Thomas, se montre avec ses stigmates, mange du poisson sur les bords du lac de Tibériade…assurément, il est corps et âme ressuscité !

Ce que le Christ est venu révéler aux apôtres, nous en vivons dès aujourd’hui, comme le rappelle le document du Vatican sur la sépulture des défunts de 2016 : "Unis au Christ par le baptême, nous participons déjà réellement à la vie du Christ ressuscité" (Ad resurgendum cum Christo, §2). Saint Paul le proclame d’ailleurs solennellement dans une épître (1 Co 6, 19-20) :

Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit saint, lui qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car vous avez été achetés à grand prix. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps.

De cette conception du corps, associée à la foi en la vie éternelle, découle l’insistance sur son respect même après la mort (Ad resurgendum cum Christo, §3) :

Suivant la tradition chrétienne immémoriale, l’Église recommande avec insistance que les corps des défunts soient ensevelis dans un cimetière ou en un lieu sacré. […] En ensevelissant les corps des fidèles, l’Église confirme la foi en la résurrection de la chair et veut mettre l’accent sur la grande dignité du corps humain, en tant que partie intégrante de la personne, dont le corps partage l’histoire.

La sépulture convient en outre, selon ce document du Dicastère pour la doctrine de la foi à la piété, au respect des fidèles défunts, au souvenir, à l’accomplissement du deuil et à la préservation de la communion entre vivants et morts. Cependant, puisque "l’incinération du cadavre ne touche pas à l’âme et n’empêche pas la toute-puissance divine de ressusciter le corps ; elle ne contient donc pas, en soi, la négation objective de la doctrine chrétienne sur l’immortalité de l’âme et la résurrection des corps" (Idem, § 4), l’Église n’interdit pas l’incinération "à moins qu’elle n’ait été choisie pour des raisons contraires à la doctrine chrétienne" (Code de droit canonique, §1176.3). Auquel cas les autorités romaines demandent que les cendres soient conservées dans un lieu sacré, pour "réduire le risque de soustraire les défunts à la prière et au souvenir de leur famille et de la communauté chrétienne. De la sorte, on évite également d’éventuels oublis et manques de respect qui peuvent advenir surtout après la disparition de la première génération, ainsi que des pratiques inconvenantes ou superstitieuses." (Ad resurgendum cum Christo, § 5). 

La pratique de l’ensevelissement est même, étant donnée la foi qui la sous-tend, une œuvre de miséricorde corporelle (cf. Catéchisme de l’Église catholique, § 3000). Que pratiquait déjà, dans l’Ancienne alliance, Tobie, raillé pour cela par ses amis mais appuyé par l’archange Raphaël qui "présentait [sa] prière devant la gloire de Dieu, pour qu’il la garde en mémoire". Un ange gardien envoyé par le Père pour le guérir, lui l’homme juste qui n’a pas "hésité à [se] lever, à laisser [son] repas et à partir enterre un mort" (cf. Tb 2, 7-9 et 12, 11-15).

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