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Ces laïcs qui célèbrent des funérailles

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Agnès Pinard Legry - publié le 01/11/23
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De plus en plus de laïcs s’engagent dans l’accompagnement des familles en deuil et la célébration des funérailles en l’absence de prêtre. Un engagement essentiel qui répond à la vocation de chaque baptisé d’annoncer inlassablement l’espérance chrétienne. Témoignages.

En faisant mémoire le 2 novembre des défunts, l’Église encourage chacun à prier pour tous les morts, ceux de sa famille, ses proches, ceux que nous avons tant aimés. Ceux qui nous ont précédés et que nous rejoindrons un jour, quand l’heure de la mort sera venue. Cette mort qui fait souvent souffrir ceux qui restent mais qui est au cœur de l’espérance chrétienne, c’est la mission d’Église choisie par des milliers de laïcs en France qui s’engagent chaque année dans la pastorale des funérailles. Face à la difficulté à trouver des ministres ordonnés et en particulier des prêtres pour célébrer les funérailles, des équipes de fidèles laïcs, avec ou sans aumôniers, se sont mises en place partout en France en accord avec la Conférence des évêques de France pour accueillir les familles et célébrer les funérailles de leur défunt dans la foi de l’Église.

Charles, 65 ans, père et désormais grand-père, s’est engagé dans cette voie-là il y a cinq ans, en 2018. Alors tout jeune retraité, il s’est mis à la disposition du prêtre de sa paroisse de Guérande… qui lui a rapidement exposé la nécessité de trouver des laïcs volontaires et disponibles pour accompagner les familles en deuil et célébrer des funérailles. Ayant perdu ses parents assez jeune et ayant embrassé une carrière militaire, "la mort n’a jamais été un tabou pour [lui]", reconnaît-il simplement. Après six jours de formation au diocèse de Nantes, il devient d’abord accompagnant puis, rapidement, suit une formation de célébrant. "J’étais au début un peu réticent car pour moi, les funérailles, c’était l’affaire des prêtres et des diacres. Mais il m’a convaincu de la nécessité de cette mission un peu particulière !"

La célébration des funérailles n’est pas un sacrement, les laïcs peuvent le faire à condition d’être formés et accompagnés pour.

"L’Église est appelée à témoigner de l’espérance qui la fait vivre, il est donc impossible pour elle d’être indifférente aux familles éprouvées par la mort", confie volontiers ce prêtre installé dans la Creuse qui a monté une équipe dans sa paroisse afin de le suppléer dans l’accompagnement des familles et la célébration des funérailles lorsqu’il ne peut pas se rendre disponible. "Entre le sacrement des malades et le rituel des funérailles, le prêtre est indispensable pour le premier mais pas pour le second. La célébration des funérailles n’est pas un sacrement, les laïcs peuvent le faire à condition d’être formés et accompagnés pour", explique-t-il. "Si la famille du défunt demande l’eucharistie, là nous faisons tout pour qu’un prêtre puisse de déplacer."

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"Faire prier les gens est pour moi le plus important."

Écoute des familles en deuil, explication du sens de la célébration, choix des textes et des chants… Les accompagnants assurent une présence délicate auprès des proches endeuillés. "Lors de la première rencontre, on leur explique que notre rôle est de prier pour la personne défunte. Et pour cela nous avons besoin de savoir qui elle était", reprend Charles. Une fois les choix de la famille posés, Charles aime susciter une deuxième rencontre autour de la dépouille du défunt quand cela est possible. "Faire prier les gens est pour moi le plus important. Les personnes qui enterrent la génération précédente ont été baptisées, catéchisées mais elles ont décroché. Il y a un mal-être car elles demandent à l’Église des choses qu’elles sont censées connaître mais qu’elles ne savent pas. Cela nécessite de la délicatesse, de l’écoute mais surtout pas de jugement !". Pour lui, l’intérêt de cette prière devant la dépouille est de montrer qu’on prie spécifiquement pour le défunt, avec son histoire, sa vie. "Ils sont stupéfaits de la façon dont on s’adresse à Dieu en lui adressant ce qu’on a dans le cœur. Nous nous adressons à Jésus Sauveur simplement, comme un cri du cœur. Nous montrons qu’on peut s’adresser au Père comme à son papa, au Christ comme à son frère, à Marie comme à sa maman."

Un témoignage de foi, de vie

Philippe et Régine, 67 et 65 ans, ont pris quant à eux cet engagement en couple il y a sept ans au sein du groupement paroissial de Beaugency – Meung-sur-Loire, dans le diocèse d’Orléans. Ils sont désormais 22 laïcs pour onze paroisses. "Les premières fois nous avons eu la chance d’avoir un prêtre qui venait pour les obsèques. Nous recevions la famille, préparions les chants, les textes, et le prêtre venait ensuite pour assurer la cérémonie", expliquent-ils. Formés depuis par leur diocèse, ils assurent désormais aussi la célébration des funérailles. Comme Charles, ils y voient une formidable occasion d’évangéliser, de témoigner du Christ dans des vies bien souvent éloignées de l’Église. "Nous avons réalisé au fil du temps que nous pouvions toucher les familles des défunts par notre foi mais aussi par notre témoignage de foi en tant que couple, que famille", expliquent-ils.

Un témoignage qui se poursuit parfois après les funérailles, lorsque des liens se tissent. "Nous avons accompagné une femme qui venait de perdre son mari et que je connaissais pour avoir fait de la gym avec elle", se souvient Régine. "Elle m’avait confié avoir été meurtrie par l’Église mais avoir une grande dévotion pour la Vierge Marie."Une discussion en entraînant une autre, Régine et Philippe ont fini par lui parler de l'équipe du Rosaire dont ils font partie par ailleurs dans leur paroisse. "Cette personne vient désormais régulièrement dans notre groupe de prière, c’est incroyable !", racontent-ils.

Des rencontres surprenantes, réconfortantes ou étonnantes, tous en ont vécues. Charles se souvient de son côté de cette famille très éloignée de l’Église. Le 2 novembre, plusieurs mois après le décès du père de famille, la paroisse a invité les familles des défunts de l’année à déposer un lumignon devant l’autel. "Je ne m’y attendais pas du tout mais le fils, couvert de tatouages et qui venait tout juste de sortir de prison, est venu. À la fin de la messe, il est tombé dans mes bras en pleurant." "Mais nous sommes chargés de semer et pas de récolter", reprend-il. "On peut semer dans de la très bonne terre comme sur des cailloux. Cela peut germer ou pourrir, c’est Dieu ensuite qui fait son œuvre, pas nous."

Cette relation de proximité, de confiance, Jean-Claude, responsable funérailles au sein de la pastorale liturgique et sacramentelle du diocèse de Besançon, en témoigne aussi volontiers. Aujourd’hui âgé de 72 ans, ça lui est "tombé dessus" en 2015. "C’est une belle occasion de passer l’Espérance", résume-t-il. Il se souvient de ce jeune de 31 ans récemment décédé à la suite d’un accident de voiture. "Je suis toujours en contact avec les parents qui sont passés pas plus tard que ce matin", reprend-il. "Accompagner les gens dans les moments douloureux, leur montrer qu’ils ne sont pas seuls, que Jésus est toujours avec eux, c’est ça notre mission."

Les personnes se livrent avec une grande humilité, une profonde sincérité.

"Au départ ce n’était pas l’engagement qui nous faisait sauter de joie", rappellent volontiers Régine et Philippe. "On se voyait plutôt accompagner des préparations au mariage ou au baptême. Mais en fait, l’ayant pratiqué, on se dit que c’est un très beau service. Les personnes sont vraies, elles sont elles-mêmes, il n’y a pas de faux semblants. Les personnes se livrent avec une grande humilité, une profonde sincérité." Une sincérité qui a aussi bouleversé Dominique, 74 ans, qui accompagne et conduit des célébrations de funérailles dans la paroisse de Montaigu, en Vendée. Enseignante d’anglais à la retraite, elle le souligne volontiers : "Cette mission de compassion m’intéressait énormément. Il faut se débrouiller pour faire l’annonce de l’Évangile, d’une manière ou d’une autre !" "J’aime cette rencontre avec les familles, leur parler d’amour, de confiance et d’espérance", reprend-elle. Mais attention à ne pas "trop rêver non plus", reconnaît-elle. "Il faut aussi composer avec la souffrance, le déni et la colère ! Des sentiments humains et légitimes auxquels on répond en rappelant inlassablement la miséricorde de Dieu."

Dominique, Jean-Claude, Philippe, Régine, Charles… Témoins du Christ dans l’épreuve du deuil, de la mort, ils rappellent inlassablement auprès des familles éprouvées par le chagrin et la perte d’un proche que Dieu est là, qu’il "n’est pas venu supprimer la souffrance, ni même l’expliquer mais simplement l’habiter de sa présence", comme l’a écrit Paul Claudel. "S’il y a bien une chose que je retiens de cet engagement, c’est qu’on ne sera pas jugé sur la foi mais sur l’amour", conclut Charles. "L’Amour qu’on donne, qu’on reçoit, qu’on partage et sur lequel chacun peut s’appuyer malgré le poids des épreuves et du deuil." L’Amour qui trouve sa source en Dieu et qui permet de se relever, sans cesse.

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