Aimer. Si le mot est parfois galvaudé, il reste au centre de la foi chrétienne. L’évangile du XXXe dimanche de temps ordinaire de l’année A le proclame solennellement. À des pharisiens venus le piéger, Jésus rappelle le sens de la Loi et des Prophètes (Mt 22, 37-39) : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même."
Puisque la Providence fait bien les choses, le pape François a dû commenter ce passage en homélie, ce dimanche 29 octobre, alors qu’il concluait la première partie romaine du Synode sur la synodalité. L’occasion pour lui de rappeler le sens profond de cette démarche qui a pu susciter chez les catholiques, et même les prêtres et les évêques, désintérêt voire inquiétude.
Adorer et servir
Reprenant l’expression du début des Exercices spirituels de saint Ignace, le Saint-Père médite sur le "principe et fondement" par lequel, dit-il, "tout commence et recommence : aimer". Et, pour expliciter les mots du Christ, de détailler grâce à deux actes humains qui manifestent ce même mouvement de charité, vers Dieu et vers les autres : adorer et servir. Il dessine ainsi les traits de toute vraie réforme de l’Église.
Le pape François médite ainsi sur l’adoration, acte gratuit de contemplation de Dieu, dont l’homme s’éloigne par amour déplacé de soi ou des biens :
Nous devons toujours lutter contre les idolâtries ; les idolâtries mondaines qui découlent souvent de la vanité personnelle, comme la soif de succès, l'affirmation de soi à tout prix, l'avidité pour l'argent […] l'attrait du carriérisme ; mais aussi les idolâtries déguisées en spiritualité : ma propre spiritualité, mes propres idées religieuses, mes prouesses pastorales... Soyons vigilants pour ne pas nous mettre au centre plutôt que Lui.
La charité, boussole de la démarche synodale
Adorer Dieu conduit, explique ensuite le Pape, à l’amour des autres, dans une continuité d’ailleurs réciproque. Et cette unique charité est la boussole de toute démarche synodale : "Nous pouvons en effet avoir beaucoup de belles idées pour réformer l'Église, mais rappelons-nous : adorer Dieu et aimer nos frères de son amour, voilà la grande et durable réforme. Être une Église adoratrice et une Église du service qui lave les pieds de l'humanité blessée."
Adorer et service, poursuit le successeur de Pierre, sont les principes de toute mission, laquelle était un des trois thèmes du Synode sur la synodalité. Les chrétiens doivent donner Dieu au monde par leur charité inventive : "Nous, disciples de Jésus, nous voulons apporter au monde un autre levain, celui de l'Évangile : Dieu à la première place, et avec Lui ceux qu'Il préfère, les pauvres et les faibles."
À la fin de cette homélie très attendue, celui qui a fait de la synodalité le cœur de sa vision de l’Épouse du Christ, le pape François donne à voir ce qu’il attend, à terme, d’une réforme qui paraît d’abord intérieure : "Telle est, frères et sœurs, l'Église dont nous sommes appelés à rêver : une Église au service de tous, au service des derniers. Une Église qui n'exige jamais un bulletin de “bonne conduite”, mais qui accueille, sert, aime, pardonne. Une Église aux portes ouvertes qui soit un port de miséricorde."