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[HOMÉLIE] Pourquoi Dieu veut-il la première place ?

Woman praying in church with candels
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Simon d’Artigue - publié le 28/10/23
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Le père Simon d’Artigue, curé de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, commente dans son homélie l’évangile du 30e dimanche ordinaire (Mt 22, 35-40). Aimer, c’est puiser d’abord à la source inépuisable de tout amour qui est Dieu lui-même.

"Prends soin de toi", "Pense d’abord à toi", "Entretiens une relation positive avec toi-même", "Soigne ton harmonie intérieure" et encore, je n’ai pris que les premiers titres des podcasts Forme et Santé de mon application. Aujourd’hui tout le monde vous donne des montagnes de conseils pour prendre soin de soi, parce qu’il semble y avoir un risque, un risque moderne de ne pas suffisamment penser à soi, de se négliger, de s’oublier… On prend soin de soi, on essaie de s’aimer au risque d’oublier l’amour du prochain et l’amour de Dieu.

L’ordre de l’amour

Car il y a un ordre dans l’Évangile, il y a un ordre de l’amour, c’est celui que Jésus donne à ce docteur de la loi qui l’interroge. "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable :  tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Mt 22, 37). Il y a un ordre que nous semblons avoir oublié ou plutôt renversé, comme si nous, modernes, nous disions : "Tu t’aimeras toi-même, penses d’abord à toi, prends soin de toi, aime toi et s’il te reste du temps ou de l’énergie, aime ton prochain puis aime Dieu." Dieu comme dernière roue du carrosse, Dieu comme le relégué, l’oublié… et si notre monde fait la part belle à l’amour de soi, c’est un peu vrai qu’il a aussi chassé Dieu de son attention, de ses préoccupations. Il nous reste alors l’amour de soi comme premier, l’amour de soi comme fondement de la vie, semblent nous susurrer les maîtres en développement personnel.

Dieu nous commande de l’aimer pour ne pas nous laisser éblouir par toutes les idoles qui quémandent notre amour pour nous épuiser, pour épuiser notre amour.

Notre monde a renversé le double commandement de Dieu : l’amour de soi, l’amour du prochain et l’amour de Dieu ; ce faisant, en suivant cette logique, nous risquons d’épuiser toute notre capacité d’aimer au détriment de l’amour de l’autre et de l’amour de Dieu. Il n’y a d’ailleurs plus beaucoup d’amour de Dieu dans notre monde, et l’égoïsme ou l’individualisme semble aussi avoir tari l’amour de l’autre : chute du mariage et de la natalité, état des Ehpad, projet de loi sur l’euthanasie ou l’avortement, attitude face aux migrants… Aime-toi et s’il te reste du temps aime ton prochain et s’il te reste de l’énergie aime Dieu.

La source de tout amour

L’inversion de l’ordre divin est toujours inquiétant, il n’est jamais bon signe, car où se trouve la source de tout amour ? Elle n’est pas en nous, elle est en Dieu ! Sauf à croire comme nous le susurrait le serpent de la Genèse, le menteur des origines : "Vous serez comme des dieux." Mais il ment, nous ne sommes pas Dieu, nous ne sommes pas la source de l’amour et si nous le croyons, nous allons nous épuiser à nous aimer, nous allons nous replier sur nous-même, jusqu’à l’étouffement, fut-ce pour nous aimer.

Pour nous chrétien, pour nous qui recevons l’ordre de la création, pour nous qui accueillons la parole de Jésus, l’amour de soi n’est pas l’origine de tout amour, la source de l’amour est en Dieu, dans le cœur de Dieu. Et c’est pour cela que Jésus rappelle le grand commandement. C’est pour cela que Jésus remet les choses en ordre : "Tu aimeras Dieu et tu aimeras ton prochain comme toi-même." Tu aimeras Dieu en premier et il insiste : "… de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit" (v. 37). "Tu aimeras", car la première relation que nous devons avoir avec Dieu n’est pas une relation de soumission, de respect ou d’obéissance, mais une relation d’amour, l’aimer Lui avant toute autre personne, avant toute chose, l’aimer lui, car cet amour ordonne toute notre vie, cet amour aimante notre vie, cet amour donne un cap à notre vie. Et nous savons que Dieu n’a pas toujours la première place dans nos amours… Attention ! je ne dis pas qu’il n’a pas de place dans nos vies, si vous êtes à la messe ce dimanche, c’est justement la preuve qu’il a une place, mais Dieu ne veut pas seulement une place, une place parmi d’autres, il veut la première place, il veut même toute la place car "notre Dieu est un Dieu jaloux" (Dt 4,24). 

Dieu nous commande de l’aimer pour ne pas nous laisser éblouir par toutes les idoles qui quémandent notre amour pour nous épuiser, pour épuiser notre amour. Dieu lui nous commande de l’aimer parce qu’il sait que c’est cet amour, que c’est cette relation, que c’est en l’aimant qu’il va pouvoir déverser en nous son amour : "Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés" (1Jn 4,10). Ce n’est pas nous qui sommes la source de l’amour c’est Lui : en l’aimant, en ouvrant notre cœur, nous laissons le flot de son amour se déverser en nous.

Aimer soi-même et son prochain

Et cet amour nous donne la force d’aimer notre prochain comme Dieu l’aime, car il faut bien l’avouer, nous ne savons pas aimer notre prochain, nous nous en sentons si souvent incapable et je ne parle pas de notre prochain lointain, je parle de notre prochain le plus proche : notre épouse, vos enfants, nos parents. Nous avons besoin de cet amour de Dieu qui vient guérir notre capacité à aimer, notre désir d’aimer, en nous aimant, il nous apprend à aimer. Et cet amour nous donne la force de nous aimer, car si Dieu m’aime, c’est donc que je suis aimable. Quoi que j’en pense, quoi qu’on ait dit de moi, quelle que soient les paroles de malédictions que j’ai reçu dans ma vie, quelles que soient les blessures que l’on m’a infligées ou que je me suis infligées, Dieu m’aime, il m’aime d’un amour infini, il m’aime et il m’apprend à m’aimer de manière juste. 

C’est parce que Dieu m’aime que je l’aime en retour, et c’est cet amour qui me donne d’aimer mon prochain et de m’aimer, de m’aimer comme il m’aime, de m’aimer parce qu’il m’aime. 

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