La statue de plâtre trône encore sur la commande de la chambre de Thérèse aux Buissonnets, la maison de la famille Martin à Lisieux. Cette représentation de la Mère de Dieu est aujourd’hui connue comme la « Vierge du sourire ». Pourtant, elle n’est que la reproduction de la statue à laquelle la jeune lexovienne attribue sa guérison du 13 mai 1883. Malade depuis l’entrée de sa grande sœur Pauline au Carmel, déjà orpheline de sa mère, la petite Martin qui n’a que dix ans est dans son lit quand elle voit la statue à côté d’elle sourire, et son mal disparaître.
Désormais, la « vraie » statue du miracle est placée au-dessus de la châsse de Thérèse au Carmel de Lisieux. En plâtre également, donnée par une vieille dame d’Alençon à Louis Martin encore célibataire, elle a suivi la famille puis la carmélite jusqu’à l’infirmerie où elle agonise et meurt le 1er octobre 1897. Mais elle aussi est en fait une reproduction.
Il faut remonter plus d’un siècle plus tôt à Paris pour trouver le modèle original, aujourd’hui disparu, de la fameuse statue. Au milieu du XVIIème siècle, le curé de la paroisse Saint-Sulpice veut orner la chapelle axiale d’une belle représentation de la Mère de Dieu, digne de l’édifice encore inachevé mais monumental. Ayant fait appel au sculpteur Edme Bouchardon qui réalisera une bonne partie de la statuaire de l’église, il lui faut également trouver un matériau digne de la Vierge Marie.
Une Vierge faite de couverts en argent
Le pieux et persévérant curé voudrait que la statue fût en argent mais n’en a pas les moyens. Sans se décourager, le voilà qui fait appel à la générosité de ses paroissiens, mais avec malice : en collectionnant leurs couverts en argent ! Dès qu’il est reçu chez les plus aisées de ses ouailles, il ne part jamais sans cuillers et fourchettes. Les petits ruisseaux font les grandes rivières, et les petits ustensiles les belles statues. A force de matière, voilà la Vierge Marie installée au fond de Saint-Sulpice jusqu’à la Révolution, durant laquelle les couverts deviendront monnaie.
Mais la statue et la dévotion qui lui est attachée demeurent par ses avatars, et son nom devenu populaire : « Notre-Dame de Vieille vaisselle ». Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme… et la grâce ne cesse d’agir dans le vie des hommes, par des voies souvent impénétrables.