Identité, don de soi, complémentarité avec l’homme, vocation de la femme… Dans un essai percutant paru récemment aux éditions du Cerf, Céline Guillaume explore toutes les facettes de la féminité. Loin des injonctions féministes ou du culte de l’ego, elle souligne l’urgence de "chercher la femme". Une invitation à se connecter à son âme, et à travers elle à Celui qui habite chacune d’entre nous, afin de puiser son élan vital et d’accomplir sa vocation. Du don de soi au salut de l’humanité, la vocation de la femme telle que Céline Guillaume la définit est exigeante et ambitieuse. Mais elle est la promesse d’un monde de paix. Mariée et mère de famille, laïque dominicaine, Céline Guillaume est libraire et présidente du groupe La Procure.
Aleteia : Vous invitez les femmes à s’interroger sur leurs priorités, sur ce qui doit guider ou orienter leurs grands choix de vie. Mais comment discerner ses priorités ? Quelles questions se poser au moment de faire des choix de vie ?
Céline Guillaume : Je pense que la première chose est de se connaître un minimum soi-même. Dans une société où il est de plus en plus question de transhumanisme, où on incite les jeunes à choisir leur genre (ou les deux, ou ni l’un ni l’autre), ils ne savent plus qui ils sont ! Il est donc primordial de se connaître soi, mais aussi ses talents, ses points forts et ses points faibles, pour essayer d’aller dans des directions accessibles et qui correspondent à ce que l’on est. On touche au bonheur lorsqu’on est fidèle à ce que l’on est. Je pense souvent à cet exemple : je ne suis pas du tout danseuse. Si à 20 ans j’avais décidé de devenir danseuse étoile, malgré tous les efforts du monde, je n’aurais jamais réussi ! Et j’aurais été déçue, frustrée. Enfin il est bon de se demander : qu’est-ce qui oriente ma vie ? Qu’est-ce qui m’anime ? Qu’est-ce qui a du sens pour moi ? Quelles sont mes valeurs ? Si j’ai la foi, est-elle un repère ? Personnellement, ce qui me guide, c’est d’essayer, tous les jours, de suivre le Christ. Quand on est croyant, n’est-ce pas la plus belle chose que l’on puisse essayer de faire ?
Si bien sûr ! Et vous allez même assez loin en invitant, à l’image du Christ qui a donné sa vie sur la croix, à se donner soi-même. Vous appelez les femmes au don d’elles-mêmes, en affirmant que le bonheur réside dans le don de sa vie. Un avis à contre-courant de la philosophie actuelle ! Pourquoi donner sa vie conduirait-il au bonheur ?
Parce qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Je pense que toutes les personnes qui ont fait l’expérience du don de soi peuvent en témoigner. Même s’il s’agit de donner une heure de son temps pour écouter un ami qui ne va pas bien, on est heureux après d’avoir été là pour lui. C’est très vaste, le don de soi ! Certains donnent leur vie, comme Mère Teresa, mais le don de soi se réalise aussi dans des petites choses. Aider une dame âgée à traverser la rue par exemple. Oui, il y a une vraie joie à aider son prochain.
Il faut voir le don comme quelque chose de beau.
Il faut voir le don comme quelque chose de beau. On ne donne pas par corvée, on ne donne pas par devoir, on donne par amour. J’ai eu un déclic, heureusement assez tôt, dans ma vie d’épouse et de mère. J’ai réalisé que si je considérais la préparation des repas, tous les jours, pour toute la famille, comme un devoir, cela deviendrait très vite une corvée, ce n’était pas possible ! Je n’avais pas envie d’être à la corvée tous les jours ! En revanche, si je change de regard sur ce que je fais et que je cuisine par amour pour mon mari et mes enfants, parce que j’ai envie de leur faire plaisir, cela change tout.
Pourquoi le don de soi serait-il propre à la femme ? Les hommes ne sont-ils pas appelés eux aussi à se donner ?
Je pense que le don de soi est lié à la nature profonde de la femme. Les hommes donnent leur vie, oui, au sens physique du terme, c’est une autre forme de don. Le don au féminin est lié aux entrailles de la femme. En son sein, la femme est faite pour accueillir une présence autre qu’elle-même. Et être habitée par quelqu’un d’autre, accueillir une présence – charnelle ou spirituelle (car Dieu peut venir habiter la femme) - cela porte au don, car la femme est appelée à donner quelque chose d’elle-même. Voilà pourquoi la femme, plus que l’homme, a cette capacité à se donner dans les petites choses du quotidien, dans des petits gestes tout simples. Et ce n’est pas réservé aux mères de famille. Il y a plusieurs manières de donner sa vie. Reste à choisir les causes qui en valent la peine.
Vous évoquez aussi l’importance de se connecter à son âme. Mais comment s’y prend-on ? Et pourquoi est-ce si nécessaire ?
L’âme est un trésor que nous avons perdu de vue. Il est bon de prendre conscience que nous avons une âme. Beaucoup de femmes l’ont oubliée. Nous avons tendance à dissocier l’âme et le corps. Aujourd’hui on s’occupe beaucoup de son corps, mais nous ne pouvons pas vivre qu’en tant que corps. Nous avons une âme, nous sommes cette âme. Ne vivre qu’en tant que corps, rester à la surface de soi, cela ne satisfait pas. Ce n’est pas cela qui rend heureux.
C’est dans ce jardin secret que je trouve une présence.
Mon âme m’apporte la connexion à une vie intérieure, à cette vie en moi, à mon jardin secret. Et c’est dans ce jardin secret, si je cherche bien, que je trouve une présence. Mon livre essaie de faire découvrir aux femmes qu’il y a cette dimension en elles, cet espace fait pour être habitée d’une présence. Et il faut la chercher parce que quand on la trouve, la vie prend une couleur toute autre, on gagne en souffle, en force intérieure, en élan vers la vie, en dynamisme, en force d’âme, c’est extraordinaire, c’est une ressource inépuisable.
Et cette présence, c’est Dieu ?
Oui tout à fait. On ne peut pas être habité par autre chose que Dieu. J’ai témoigné dans mon premier livre Dieu est passé par là d’une expérience spirituelle incroyable pendant une confession. J’ai compris que Dieu était là et qu’il ne me quitterait jamais. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de désert spirituel, mais même si je traverse une période de doute, même si je ne ressens plus sa présence, je sais que Dieu est là. C’est ma raison qui me le dit.
Vous parlez aussi de la capacité de la femme à surmonter les épreuves, de son courage. Comment expliquez-vous cette capacité de la femme à supporter la souffrance ?
La femme est faite pour accueillir une présence autre qu’elle-même, et lorsqu’elle découvre cette présence de Dieu en elle, cela la rend forte. Car Dieu est une force. Les psaumes le disent à de nombreuses reprises. Cela ne veut pas dire que le corps est exempt de blessures, de souffrance, d’agressions mais à l’intérieur, Dieu est là et me protège.
Vous comparez la femme à l'arche d’alliance dont les hommes ont besoin pour vivre en paix. En quoi la femme est-elle nécessaire à l’homme ?
La femme est première en chemin. En tout, la femme précède l’homme. C’est un ami prêtre théologien qui m’a poussé à approfondir cette idée. Déjà par rapport à l’amour ! Un homme ne sait pas ce qu’est l’amour s’il n’a pas été aimé par une femme. Un homme qui n’a pas vécu la tendresse d’une mère sera bien en peine pour découvrir ce qu’est l’amour. Imaginez un monde sans les femmes. Les hommes passeraient leur temps à faire la guerre !
Les femmes sont les premières dépositaires de la foi.
Et si l’homme arrive chronologiquement premier dans l’histoire de l’humanité, la femme le précède spirituellement. Elle lui montre le chemin du Ciel. Le centre de l’Église, c’est le Christ. Et le trésor de l’Église, c’est la foi. Or à qui Dieu confie-t-il la foi en premier ? Aux femmes. Les femmes sont les premières dépositaires de la foi. Nous n’avons rien à envier aux hommes ! Le Christ est né d’une femme. Dieu passe par une femme pour mettre au monde son fils. Puis, il passe à nouveau par une femme, Marie-Madeleine, pour annoncer la joie de la Résurrection. C’est par les femmes que la foi passe. Et dans les familles, la transmission de la foi passe très souvent par les femmes - une mère ou grand-mère.
Mais nombreux sont les hommes qui croient aussi !
Bien sûr. Cela ne signifie pas que les hommes ne croient pas, loin de là ! Mais je pense que la femme a cette vocation particulière à amener les hommes à la foi et donc au Christ. Parce que la femme, étant faite pour être habitée par une présence autre qu’elle, découvre mieux que l’homme ce mystère de la présence divine. Elle est appelée à établir entre l’homme et Dieu ce pont entre Ciel et terre. Quelle destinée incroyable ! Quel rôle enviable que celui des femmes dans notre monde déboussolé ! Elles ouvrent le cœur des hommes au ciel de leur existence, les engageant à suivre la trajectoire lumineuse de leur âme.
Pratique