Dans la parabole des noces du fils du roi, le Christ est l’époux, comme il se désigne lui-même dans l’évangile : "Les invités de la noce pourraient-ils jeûner pendant que l’Époux est avec eux ?" (Mc 2, 19) "Pourraient-ils être en deuil ?", dit saint Matthieu (Mt 9, 15). Notons la continuité de cette parabole avec celle du dimanche précédent, des vignerons homicides, (Mt 21, 33-43), et pas seulement dans la suite logique du travail et de la fête, du travail qui précède et donne sens à la fête. Ces deux paraboles des vignerons homicides et des invités à la noce sont frappées au même sceau de la violence et de la méchanceté avec ces hommes qui ne se contentent pas de renvoyer les envoyés du Maître : ils les tuent, les massacrent. Ils emploient le langage de la force si tant est que cette expression ait du sens : le propre du langage, la force du langage est au contraire de renoncer à la force pour écouter l’autre, apprendre de lui, s’ouvrir au dialogue, chercher un accord, construire la paix.
L’amour a besoin de la parole
Notre relation à Dieu passe par le langage parce que l’amour a besoin de la parole. Dieu nous parle, nous appelle, nous invite, à son initiative et sa souveraineté. Dieu est premier et Dieu parle en premier — et c’est pourquoi toutes nos célébrations commencent par une liturgie de la Parole. Dieu parle et attend notre réponse. "Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?" (Mt 22, 12) La scène finale de cette parabole en est la pointe, et pas une deuxième parabole. Elle en est le sommet, pas dans l’absence de tenue de l’invité (qui fait que le Roi l’interroge) mais dans son absence de réponse : "L’autre garda le silence" (v. 12). Le mot latin a donné en français mutisme, et le grec est encore plus expressif : il était sans voix. Pétrifié, interdit.
L’invitation à un mariage n’est pas l’invitation à un repas, à une "bouffe", mais à une fête de la joie et de la rencontre
L’invitation à un mariage n’est pas l’invitation à un repas, à une "bouffe", mais à une fête de la joie et de la rencontre : combien de couples se sont rencontrés lors d’un mariage ! La noce n’est pas faite pour "manger" — j’ai un vieux copain qui s’énerve chaque fois qu’il entend ce verbe "manger" au lieu de déjeuner ou dîner : "À quelle heure on mange ?" Seuls, les animaux mangent ! Les êtres humains déjeunent ou dînent ensemble pour se parler. L’époux parle d’amour à celle qu’il aime. Le mariage est le sacrement de la parole donnée entre un homme et une femme, pour que, par le langage du corps, ils puissent naturellement donner la vie.
Le sacrement de la parole
Il ne suffit pas d’écouter, de s’écouter et de se parler, encore faut-il que ce soit avec des mots justes, appropriés : comment voulez-vous vivre dans la vérité si le langage est erroné ? Le pape François a ainsi rappelé — en réponse à des cardinaux inquiets — que
Seule l’union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la procréation d'enfants peut être appelée "mariage". […] Ce n'est pas seulement une question de noms, mais la réalité que nous appelons mariage a une constitution essentielle unique qui requiert un nom exclusif, non applicable à d'autres réalités.
À quoi sert le langage ? À nommer et à respecter la réalité : comment voulez-vous respecter la Création si vous êtes incapable de la nommer ? D’appeler Dieu par son nom ? Le Christ est l’époux qui parle d’amour au cœur qui veut bien l’écouter. Il est le Verbe incarné, Parole éternelle d’amour et de vérité. Le mariage est le sacrement de la parole donnée, de l’engagement et de la fidélité. Mais avant tout le lieu de la parole d’amour et du plaisir de se parler. Comment sait-on qu’on aime une personne ? Au plaisir qu’on a à se parler, en vérité. Ce plaisir s’apprend, patiemment, humblement. Quelles que soient les difficultés. Le plaisir de se parler s’apprend en vérité.