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Emmanuel Macron à la messe du Pape, un parasitage politique ?

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Louis Daufresne - publié le 22/09/23
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La présence du président de la République à la messe que présidera le pape François à Marseille, le 23 septembre, fait beaucoup de mécontents. Si cette crispation laïque étonne, pas sûr que les catholiques aient de bonnes raisons de se réjouir de cette présence, estime notre chroniqueur Louis Daufresne.

Emmanuel Macron doit-il assister à la messe du Pape samedi au stade Vélodrome ? Je ne parle même pas de "participer" puisque le chef de l’État s’abstiendra de tout geste religieux. Au demeurant, le choix de ces deux verbes, l’un passif et l’autre actif, a de quoi faire sourire. Comme si on pouvait y être sans y être, ce qui revient à jouer l’Arlésienne à Marseille. Et si c’est vraiment Dieu qui daigne descendre du haut du ciel, que penser de ce dilettantisme, de cette tricherie langagière infantile, aussi ridicule qu’offensante ? On est habitué à voir les puissants mentir et se mentir ; l’opinion aussi : elle jouera le jeu de cette hypocrisie tant que les mots serviront à empêcher les maux. Même un Benoît XVI se conforma à cette règle, quand à la Mosquée bleue d’Istanbul (2006) au côté du mufti Mustapha Cakrici, le pape allemand avait rappelé que "c'est une chose de prier ensemble et une autre d'être ensemble pour prier". Il n’était pourtant ni jésuite ni énarque…

Dans les vieux pots du XIXe siècle

Revenons à Emmanuel Macron. Certains sont choqués qu’il assiste à la messe papale marseillaise, comme Jean-Noël Jeanneney, qui fut dans un temps lointain secrétaire d’État à la communication et président de Radio France. Il s’en explique dans une tribune au Monde. L’historien y distingue les situations ayant amené la République à s’afficher dans les lieux de culte. Jeanneney préfère le Tigre au Tibre, l’inflexible doctrine laïque de Clemenceau aux courtisaneries des sacristies. De 1918 à nos jours, l’homme distribue absolution ou anathème, selon les entorses à sa sainte religion que la vue du bénitier et du goupillon suffit à épouvanter. 

C’est l’Église qui souffrira de ce parasitage politique.

On lit ainsi que Valéry Giscard d’Estaing "eut grand tort" d’assister à la messe de Jean Paul II et que Jacques Chirac "fut coupable (sic) de communier, devant les caméras de télévision (…) lors de la disparition de François Mitterrand". Oui, c’est dans les vieux pots du XIXe siècle qu’on fait encore les meilleures soupes anticléricales, à la manière d’un Jeanneney, si franchouillard, si étroitement nationaliste, une espèce que la République jacobine arrive encore à reproduire dans le laboratoire de ses loges. J’en souris en regardant les tableaux de mes ancêtres — dont l’un participa à la rédaction des lois constitutionnelles de 1875 — et je me dis que ces hommes barbus vêtus de noir n’étaient que des clones de curé. Je ne les en blâme pas. Au moins ils y croyaient, et le bon Dieu pourra créditer Jeanneney de ne pas se montrer parmi les tièdes à l’égard de son œuvre terrestre.

Parasitage politique ?

Du reste, au risque de vous surprendre, j’acquiesce à son propos : Emmanuel Macron ne doit pas assister à la messe du Pape. Dans l’intérêt même de l’Église dont l’image est déjà esquintée par la crise des abus. Pour Jeanneney, la présence d’Emmanuel Macron abîmera la République. Moi, je pense l’inverse : c’est l’Église qui souffrira de ce parasitage politique. Le Pape n’a rien à gagner — et Jeanneney se demande même s’il souhaite la présence du locataire de l’Élysée à ce qui sera une mascarade. Que vient chercher le monarque, si ce n’est une lumière qui ne vient pas de lui ? Les cathos seront-ils comme le corbeau de la fable ? Ils en seraient doublement honteux. Le fromage de leur vanité est déjà tombé une fois de leur bec lors du discours présidentiel écrit par Sylvain Fort aux Bernardins.

Le ciment catholique

On me répondra que la présence du chef de l’État rappelle devant les médias du monde entier, de manière symbolique et subliminale, la prééminence de la religion historique et qu’au train où vont les choses, on peut savoir gré à Emmanuel Macron de lui rendre l’hommage de sa visibilité, alors que son empâtement social et son influence morale reculent à la vitesse des glaciers alpins. Si la bonne mère est aussi sèche et ridée que la Mer de Glace, il y a une urgence écologique à la sauver. Aller à la messe, c’est encourager tous les amortisseurs sociaux de la voiture catholique, papamobile comprise. La République aux caisses vides et à bout de souffle sait que l’Église demeure — et pour combien de temps ? — le ciment de cette ville mosaïque et qu’il en va de son intérêt que celui-ci, déjà bien effrité, ne se délite pas. Marseille vaut bien une messe.

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