Le drame affreux des "homeless", ces sans-abri nord-américains dans un état d’abandon et de dénuement extrême, n’a cessé de s’amplifier ces dernières années dans la ville de Seattle, au nord-ouest des États-Unis. Des hommes et des femmes à la condition physique très dégradée vivent dans les rues de plusieurs quartiers, souvent assis ou couchés sur les trottoirs, à quelques mètres de la circulation automobile ou des passants, dans des conditions sanitaires délétères. Certains trouvent dans diverses drogues une redoutable évasion qui tourne à l’autodestruction. On déplore la mort de l’un d’entre eux presque tous les jours.
Un fléau contre lequel des chrétiens ne cessent de se battre, s’efforçant de porter assistance aux victimes dans les rues de cette métropole industrielle et portuaire. Depuis une quinzaine d’années, dans la paroisse de la cathédrale Saint-James, une femme bénévole, Susan Williams, issue d’une famille d’horticulteurs, cultive un jardin potager et fruitier qui permet d’offrir tous les jours de la semaine des repas à 200 personnes démunies, « homeless » ou citoyens en situation de très grande pauvreté.
Une équipe de bénévoles dirigée par un sexagénaire, professionnel expérimenté du secteur médico-social, Peter Burns, apporte ainsi une alimentation quotidienne toutes les semaines du lundi au vendredi. Ces repas ont lieu dans une cantine aménagée dans cette paroisse, située à deux pas d’un hôpital fondé au début du siècle dernier par des Franciscains. Le dimanche, après la messe, on sert du café sur des nappes blanches, pour redonner aux égarés un repère humain et spirituel dans le temps.
L’an passé, de juillet 2022 au mois de juin dernier, l’activité de ce jardin où s’active une dizaine de bénévoles a permis de produire 400 kilos de légumes et de fruits, tomates, choux, haricots, concombres, courgettes, aubergines, betteraves, carottes, laitues, légumes verts, radis, pêches et fruits rouges. On cultive aussi des pommiers, des figuiers et des pruniers. À cela s’ajoutent des plantes aromatiques.
C’est en 2008 que ce jardin caritatif a été aménagé sur l’emplacement d’un ancien parking d’une clinique désaffectée : Susan Williams y a d’abord apporté des premières plantes potagères dans des pots et des baquets en bois. Ensuite, on a déblayé le terrain en y recréant des surfaces cultivables, en utilisant d’abord des gravillons pour faire pousser les premières tomates, des légumes verts et des poivrons. Elle tient un registre des diverses plantes, en cultivant alternativement légumes d’été et légumes d’hiver, et elle organise un assolement régulier pour préserver la fertilité du terrain.
« Une oasis du cœur »
En outre, dans ce jardin qu’on appelle ici "une oasis du cœur", on cultive des fleurs qui, jusqu’à une date avancée de l’automne, dit-elle, "sont une caresse pour l’âme" des gens, dans ce jardin clos de simples grillages qui permettent à tous les passants d’en voir l’intérieur. Comme les "homeless" ne peuvent y être introduits sauf exception, ils en profitent eux aussi de cette façon.
Dans l’espace de ce jardin, sous une croix et une charpente de petite chapelle, on a placé une petite icône représentant la religieuse italo-américaine Françoise-Xavière Cabrini, morte en 1917 à Chicago à 67 ans après avoir fondé aux États-Unis des hôpitaux, des dispensaires, des écoles et des communautés religieuses, à l’instigation du pape Léon XIII qui lui avait demandé d'y aider les immigrants italiens. Canonisée en 1946 par le pape Pie XII, elle est devenue la première sainte des États-Unis.
Aujourd’hui, le travail patient de Susan Williams et de Peter Burns à Seattle bénéficie du soutien du curé de la paroisse épiscopale Saint-James qui y voit une belle réponse à l’appel du pape François à se rendre aux périphéries. Cette initiative correspond parfaitement à ce que souhaite le pape François, lui-même dispensateur de nourritures corporelles comme spirituelles quand il était en Argentine.