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[HOMÉLIE] L’art de prendre des risques

JESUS-APOSTLES-TISSOT

Recommandation aux apôtres, par James Tissot, Brooklyn Museum.

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Martin Charcosset - publié le 29/07/23
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Le père Martin Charcosset commente les lectures du 17e dimanche ordinaire (R, 5.7-12 ; Rm, 28-30 ; Mt 13, 44-52). Si Jésus nous apprend qu’il n’y a pas de vie sans risque, que la vie la plus belle est une aventure, et que l’aventure impose des choix, donc des renoncements, donc du discernement.

Vous souvenez-vous de ces quelques moments de votre existence où vous vous êtes dit : « C’est la chance de ma vie ! » Ces instants, parfois très fugaces, où ce dont vous rêviez depuis si longtemps passe enfin à votre portée : l’offre d’emploi idéale, la pièce qui manquait à votre collection, le chevreuil le plus beau de votre tableau de chasse, l’affaire du siècle, ou tout simplement l’homme ou la femme de votre vie. À cet instant-là, vous avez su qu’il ne fallait pas vous rater, et qu’avec calme, précision et rapidité, vous deviez saisir cette occasion qui passait. Pour ce faire, vous deviez poser un choix. Vais-je aborder cette personne ? Vais-je répondre favorablement à cette proposition ? Vais-je me précipiter pour obtenir cet objet tant convoité ? Bref, quel risque suis-je prêt à prendre quand il le faut ?

Des choix exclusifs

Ces moments-là sont à la fois excitants et angoissants. Excitants, parce que nous les attendions depuis si longtemps, et qu’ils nous procurent de la joie. Et angoissants, parce qu’ils imposent d’être prêt au bon moment, car, sans doute n’y aura-t-il pas de seconde chance. D’où une poussée de l’adrénaline et du rythme cardiaque ! Ce n’est pas forcément de tout repos. Peut-être alors se prend-on à rêver d’être comme Aladin, et de trouver par hasard une lampe magique dont le génie exaucera trois souhaits, et l’on aura tout ce que l’on veut sans aucun effort, sans aucun stress. C’est presque ce qui arrive à Salomon dans la première lecture (R, 5.7-12). Le voici tout jeune, devenu roi après son père David, et c’est tellement compliqué ! Mais Dieu lui propose de lui faire une demande. Salomon, heureusement, n’a pas réuni ses ministres pour leur demander leur avis ! Ceux-ci auraient demandé l’arme nucléaire, ou un milliard de lingots d’or, ou que sais-je encore… Non, Salomon fait une demande beaucoup plus originale : il demande à Dieu le discernement, un cœur attentif et capable de distinguer le bien du mal. 

La raison de la demande a priori curieuse que Salomon fait à Dieu, nous la trouvons dans les paraboles de l’évangile. Comme Salomon, les personnages dont Jésus raconte l’histoire sont face à la chance de leur vie : l’un, en creusant dans un champ, tombe sur un trésor — comment doit-il réagir ? Un autre, spécialiste en perles rares, tombe sur la plus belle de toutes, et elle est à vendre — que doit-il décider ? Et Jésus corse la question en soulignant que ce champ et cette perle valent très cher, et que, pour les posséder, ces deux hommes devront se priver de tout le reste : « Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ » (Mt 13, 44) ; « Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle » (v. 46). Nous sommes face à trois situations dans lesquelles le choix est exclusif : Salomon choisit le discernement, et il renonce à tout le reste, puisque Dieu ne lui avait accordé qu’une demande ; le découvreur du trésor abandonne tout ce qu’il a à cause de ce champ si précieux ; le négociant en perles se défait de tous ses biens pour une perle unique.

Le discernement qui change tout

Il y a donc deux façons de raconter ces paraboles. Soit on soulignera la perte : une fois qu’ils ont vendu tout ce qu’ils possédaient, les deux hommes ont certes un beau trésor et une belle perle, mais leurs portefeuilles sont vides. Soit on soulignera le gain : certes, leurs portefeuilles sont vides, mais ils ont acquis l’unique trésor et l’unique perle. Ce n’est pas seulement une question de point de vue, de pessimisme ou d’optimisme, de verre à moitié vide ou à moitié plein. Ce qui change tout, c’est le discernement. Le discernement, c’est-à-dire la capacité à analyser ses sentiments — le premier homme ressent de la joie, nous dit l’Évangile, en découvrant le trésor — à estimer les éléments en jeu et leurs conséquences, à mesurer ce qui est vrai, juste, opportun. On pourrait dire que le discernement et la prudence sont la même réalité, dans la mesure où la prudence, contrairement à ce que l’on croit parfois, ce n’est pas la capacité à se protéger de la vie et à éviter de choisir, c’est au contraire l’art de prendre des risques. 

Si Jésus nous propose de telles paraboles du Royaume de Dieu, c’est pour nous dire qu’il n’y a pas de vie sans risque, que la vie la plus belle est une aventure, et que l’aventure impose des choix, donc des renoncements, donc du discernement. Au IVe siècle avant Jésus-Christ, quand le général Agathocle de Syracuse, venu de Sicile, débarqua en Afrique du Nord, il décida de faire brûler ses bateaux afin que son armée ne soit pas tentée de repartir, et n’ait d’autre choix que de conquérir ce territoire hostile ; après lui, Guillaume le Conquérant en Angleterre, au XIe siècle, puis Cortez en Amérique, au XVIe, firent de même. Brûler ses vaisseaux, c’est faire le choix radical de tout donner, de se lancer dans l’aventure. C’est faire un sacrifice au nom d’un plus grand bien, d’une aventure plus parfaite. D’aucuns ont des aventures ; le Christ est la plus belle de toutes les aventures.

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