Les valeurs chrétiennes étaient ancrées dans la vie familiale de Laurence de Charette. L’attention à l’autre, le partage. Pourtant la source de ces valeurs n’était pas nommée. Une culture chrétienne dans une absence de Dieu. La journaliste garde en mémoire le souvenir lointain des messes passées dans son enfance, en compagnie de sa grand-mère, les dimanches d’été, en Belgique, "mais, dit-elle, petite, je n’étais pas loin de penser que la pratique assidue de l’Église était une sorte de survivance régionale belge". Question d’époque peut-être. Laurence de Charette raconte : "J’ai été à l’école publique post-soixante huitarde, la foi avait mauvaise presse, nous n’étions pas préparés à l’intimité avec Dieu."
A la mort soudaine d’un ami très proche, l’une de ces rares amitiés de l’ordre de la communion d’âmes, la journaliste, assise sur la tombe de son ami, lui demande : "Que veux-tu que l’on fasse vivre de toi ?" L’amie reçoit une réponse : "Il ne faut pas juste croire que derrière toute chose, il y a quelque chose de plus grand. Il faut simplement Croire." Pour Laurence de Charette, un monde nouveau vient de se dévoiler. "Ce n’était pas clair mentalement mais c’était clair quelque part, dans mon âme. C’est venu tout de suite et très progressivement à la fois. J’ai compris que je croyais. On m’aurait demandé “Croire quoi ?”, je n’aurais pas su répondre. Mais je croyais."
Commence alors une recherche, au gré de nombreuses lectures et rencontres, pour lever un peu plus le voile de cette présence, cette réalité de Dieu dans un monde qui fait tout pour l’ignorer. "Je vivais dans l’absence de Dieu, je n’avais jamais ouvert la Bible, qui me semblait un livre d’un autre âge. J’ai eu du mal à franchir ce pas d’estimer raisonnable et primordial quelque chose qui parait fou aux yeux du monde. En écrivant A la grâce de Dieu, j’ai essayé, comme le ferait un peintre, de montrer l’invisible, de partager la part universelle de la présence de Dieu dans le monde. J’essaie de raconter cette dimension supplémentaire qui existe mais dont on ne parle pas assez, dont on ne vit pas assez, cette dimension qu’on ignore."
Vivre la présence de Dieu
Laurence de Charette poursuit : "J’ai du faire un grand effort pour me dire ‘Non, tu n’es pas folle’, tant je ne pouvais nommer ce que je ressentais. Je rejoignais une quête contemporaine : vivre l'invisible dans un monde qui le refuse. Vivre la présence de Dieu. Une relation."
Tout change quand une personne réalise qu’elle n’est pas seule au monde, abandonnée dans le monde de la matière mais qu’elle est dans une relation d’amour. "Petite, je pensais que le dieu dont on me parlait était extérieur, moral, quelqu’un qui allait me dire ‘Tiens-toi bien’ ou ‘Ne sois pas méchante avec ta voisine’, mais ce n’est pas ça ! Dieu est intérieur. Qu’on le veuille ou non, Il est là. Il faut l’écouter, aller y puiser, ouvrir son cœur, donner de l' espace à cette dimension intérieure."
La journaliste voit la souffrance et les errances du monde, les questionnements qui laissent l’homme vide, assoiffé de plénitude : "Il faut rendre aux hommes l’accès à leur intériorité, dire aux gens qu’à l'intérieur d’eux-mêmes, se trouve une présence qui va réveiller leur propre puissance d'amour."
J’ai eu la joie du débutant qui tombe sur un trésor inestimable.
Cette dimension d’amour est la dimension principale dans le cheminement de Laurence de Charette, comme une carte qui permet enfin de lire le chemin, de comprendre le monde environnant. "Si on ne met pas de mots sur les choses, on les met de côté et on finit par les abandonner : le mental les vole au cœur", explique-t-elle. Elle poursuit : "J’ai eu la joie du débutant qui tombe sur un trésor inestimable. Quand on peut tout redécouvrir, la profondeur des écrits bibliques ou de la vie des saints, cela donne une tout autre dimension au monde. Tout s’ouvre, comme lorsque l’on dévoile un tableau. C’est cet émerveillement que j’ai essayé de partager." Et quand elle se décourage, elle pense aux prochains émerveillements qui viendront.
Chacun a une soif d’infini
Pour la journaliste, cette profondeur permet aussi de voir les blessures faites à l’amour, et ainsi de rejoindre l’autre dans son histoire. "Chacun a une soif d’infini, immense, insatiable, mais qui ne peut jamais être comblée grâce à l’autre. Il m’a fallu accepter la finitude de nos relations. Même les merveilleuses amitiés sont sources de mille déceptions, mais quand on voit Dieu derrière, cet amour qui coule dans tout, cela change tout. Le royaume est là, inébranlable, au milieu de nous. Le christianisme, c’est la circulation d’amour".
Pour l’auteur, il manque une dimension essentielle à notre époque qui la fait vivre dans le manque. La psychologie ou la recherche du bien-être peuvent être utiles, mais ne remplaceront pas la part spirituelle de l’homme qui cherche Dieu. "Il faut apprendre à décoder les mouvements de l'âme qui cherche la source. C’est vital ! Et pour cela, il faut faire vivre l’imaginaire chrétien."
Pratique