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“Cette année je passe le bac !” Quand les parents s’investissent (trop?)

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Caroline Moulinet - publié le 11/06/23 - mis à jour le 13/06/24
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C’est la saison des examens et il est courant d’entendre des parents s’exclamer : "cette année je passe le bac !" pour exprimer que leur enfant passe cet examen. Aleteia a rencontré parents et psychologue, et donne quelques pistes pour mieux comprendre l’enjeu de cette phrase.

L’année du baccalauréat est une année intense pour les élèves mais aussi pour leurs parents. Ces derniers donnent le meilleur d’eux-mêmes pour accompagner, soutenir, encourager leur enfant. Certains vont même jusqu’à rédiger des lettres de motivation pour faire gagner du temps à leur enfant qui voit la date limite se profiler dangereusement, ou en espérant qu’ainsi le jeune aura plus de chance d’obtenir la formation espérée. "Franchement, mon fils de 17 ans n’a aucune idée de quoi mettre sur ses lettres de motivation pour Parcoursup. Une trame a circulé entre les parents de la classe et chacun adapte à son enfant. Il faut bien les aider, ils sont si jeunes ! Et mon garçon n’est pas très mature pour cela", témoigne Carine*.

‌Claude Berthon, psychologue clinicienne à Courbevoie, explique : "Les parents dont un enfant passe le bac revivent ce qu’ils ont eux-mêmes vécu et ils souhaitent parfois améliorer ou changer certaines choses. Bien sûr ils ne vont pas laisser le jeune foncer dans le mur si son dossier Parcoursup n’est pas fini la veille de la date limite. En revanche, le bac est une étape charnière pendant laquelle les parents ont à apprendre à se retirer sur la pointe des pieds. C’est une étape qui clôt la période de l’enfance."

Une étape qui clôt la période de l’enfance

‌"Certains parents peuvent éprouver de la difficulté à prendre de la distance avec leur enfant. Par exemple, un parent qui aura souffert d’un sentiment d’abandon, va inconsciemment penser qu’être un bon parent, c’est ne jamais lâcher, c’est accompagner jusqu’au bout, s’occuper de tout, de tout, et plus encore", poursuit la psychologue.

‌Lorsqu'un parent dit "Je passe le bac", il témoigne de son dévouement pour son enfant. Accompagnement dans le travail et les révisions du jeune, intendance et préparation des repas, soutien psychologique et encouragements pour que le lycéen ait confiance en lui, tendresse aussi pour permettre au jeune des moment de pauses réconfortantes.

"Le bac est un temps de bilan pour les parents", souligne Claude Berthon. "Le niveau académique du bac est questionné aujourd’hui. Le taux de réussite frôlant les 100% et le niveau académique des universitaires dégringolant, la valeur du bac semble diminuée, pourtant la tâche éducative des parents et des enseignants n’a jamais été si grande. Aujourd’hui les jeunes baignent dans une culture de facilité, de rapidité, beaucoup ont des addictions aux écrans. Les parents ne retrouvent plus la culture de l’effort et l’apprentissage de la liberté qu’ils ont connus. Il y a un vrai paradoxe : le bac n’est plus une validation académique, mais l’aboutissement d’un chemin semé d’embûches."

‌Ainsi les parents qui semblent vivre le bac presque à la place du jeune montrent le poids qu’ils portaient, plus ou moins consciemment, d’emmener leur enfant à bon port. Si le bac s’est bien passé, c’est que le jeune a été bien éduqué, que ses parents ont réussi à l’emmener de l’adolescence à l’âge adulte. Ils ont réussi son éducation en tant que personne.

‌"Je suis heureuse que mon fils ait de bons résultats et qu’il ait déjà des propositions qui lui plaisent sur Parcoursup, témoigne Agathe*. Et surtout il est un jeune homme bien dans ses baskets, c’est ce qui compte le plus pour moi."

‌Un juste positionnement

Apprendre à se positionner avec justesse demande de l’attention de la part des parents pour laisser le jeune aux commandes de ce qu’il vit. Ainsi le parent saura se rendre présent et offrir sa compassion en cas d’échec, il saura aussi laisser au jeune la joie de sa réussite, sans se l’approprier pour lui-même.

Le succès reste le fruit du bachelier.

"On a eu 20 en philo !", s’exclame Bertrand*, heureux grand-père. Sa joie est belle, pourtant Claude Berthon invite régulièrement les parents qu’elle reçoit à se tourner davantage vers l’émotion de gratitude. "Il est naturel que les parents soient heureux et se félicitent, mais le succès reste le fruit du bachelier. Pour les parents, il s’agit davantage d’un temps en couple pour vivre une gratitude réciproque devant tout le chemin parcouru. Depuis la naissance de leur enfant, les réveils nocturnes, en passant par la multitude de conduites à l’école ou aux activités sportives, les parents ont tant donné ! Le bac est un temps pour se réjouir en couple de voir son enfant devenir un beau jeune homme ou une belle jeune fille. Un temps aussi pour s’émerveiller de la grâce du travail de co-création réalisé avec le Seigneur."

‌La psychologue rappelle finalement un fonctionnement psychologique classique : "Le bac est souvent le premier remboursement de la ‘dette de vie’ que l’enfant restitue. Les parents peuvent inconsciemment attendre que leur enfant soit reconnaissant envers tout ce qu’ils ont fait pour lui. J’aime rappeler que si l’enfant veut se détacher du foyer familial, c’est bon : cela prouve qu’il a reçu un grand et bel attachement, un amour solide qui lui permet de partir. L’enfant a son bac, il s’envole, ce n’est pas qu’il n’aime plus ses parents, au contraire ! C’est parce que le lien d’amour est fort qu’il a la force de s’envoler."

Les parents peuvent donc se féliciter, non pas d’avoir passé le bac cette année, mais que leur enfant soit prêt maintenant. Fort de l’amour de ses parents, le jeune se sent capable de quitter le nid, de croire en lui.

*Les prénoms ont été changés

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