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Mixité sociale dans l’Enseignement catholique : une manœuvre de diversion ?

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Marc Bouchacourt - publié le 16/05/23
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Alors que le ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye présente des mesures visant à favoriser la mixité sociale à l’école, un protocole avec l'enseignement catholique est annoncé pour le 17 mai. Chef d’établissement catholique à Lyon, Marc Bouchacourt estime que l’école n’est pas chargée de résoudre un problème social dont elle n’est pas responsable. Si tous les établissements doivent prendre leur part, l’État doit aider plus justement les familles aux faibles revenus.

Les performances de l’école française se dégradent selon Pisa, en mathématiques en particulier. Les professeurs français sont parmi les plus mal payés d’Europe tout en travaillant, selon les dires des syndicats ces derniers jours, plus que la moyenne de leurs collègues européens (plus de 43 heures par semaine) ; les concours n’attirent plus suffisamment et le nombre de suppléants encore plus mal payés n’a jamais été aussi important ; 17 % des postes en secondaire et 17 % en primaire étaient non-pourvus à la rentrée 2022 ; le calendrier du nouveau baccalauréat provoque de deux à trois semaines de paralysie des lycées au mois de mars sans permettre de "reconquérir" le mois de juin du fait de la deuxième série d’épreuves ; les examens du brevet et du baccalauréat ne se déroulent plus sans accrocs : sujets dévoilés avant l’épreuve, corrigés in extremis, parfois après le début de l’épreuve comme en STMG à la dernière session de mars. 

Sur les 1,2 millions salariés du ministère de l’Éducation nationale, le pourcentage de personnels administratifs reste stable à 25% alors que la charge administrative est largement transférée aux établissements depuis une ou deux décennies… Il serait aisé de dérouler la liste des sujets graves qui démontrent le mauvais état du système scolaire en France. De quoi parle le ministre de l’Éducation nationale ? Des atteintes à la laïcité, de la mixité sociale et des indices de position sociale (IPS) de l’Enseignement catholique ! 

Public et privé dans le même bateau

Le président de la République promet, il faut le reconnaître, une revalorisation des salaires après quarante ans de paupérisation continue, mais n’emporte pas l’assentiment des maîtres en demandant une contrepartie ! Pap N’Diaye a certes remis, on peut l’en remercier, une demi-heure de français et de mathématiques en sixième alors qu’on rogne sur les fondamentaux depuis 1986 (6h de français par élève et 9h par professeur en 1975 ; 4h30 par élève et par professeur en 2022). Mais le ministère communique sur la mixité, alors que les moyens donnés pour ceux qui sont en situation de handicap, l’hétérogénéité des élèves et la multiplication des suivis individualisés fragilisent la scolarité de tous. Si les personnels quittent le navire ou ne veulent pas le rejoindre, ce n’est pas en rejouant la lutte séculaire entre Don Camillo et Peppone qu’on aguichera des jeunes vers un des plus vieux métiers du monde. 

L’école est-elle chargée de résoudre toutes les questions sociales ?

Une meilleure répartition des boursiers ou des familles défavorisées, effectivement déséquilibrée dans le public comme dans le privé, résoudrait-elle les problèmes systémiques évoqués plus haut (sachant que le public représentant plus de 80 % des élèves scolarisés, "l’essentiel des mesures" devra porter sur le public reconnaît le ministre lui-même) ? La solution de mélanger les populations supposerait d’imposer aux élèves, dans nombre de villes, des déplacements longs, coûteux et au mépris du bon sens écologique. L’expérimentation faite entre deux arrondissements parisiens socialement très contrastés, le 18e et le 19e pourtant voisins, n’a semble-t-il pas permis de changement significatif, à part une "fuite vers le privé". Ne s’agit-il pas plutôt de repenser les politiques urbaines pour que les populations soient naturellement plus mélangées, de rétablir la sécurité dans les établissements, de revenir sur les exigences scolaires, de mieux remplacer les enseignants… ce qui explique bien plus aujourd’hui le recours au privé. On charge l’école de résoudre un problème social à l’origine duquel elle n’est pas au détriment de sa mission première qui est d’enseigner.  

Pourquoi parler alors de mixité alors que l’essentiel n’est pas là et que tout le monde le sait ? Il y a un non-dit ! Le problème est moins dans les ghettos de privilégiés publics ou privés, où l’immense majorité des élus de gauche scolarisent leurs enfants, que dans quelques îlots où des musulmans ultras contestent la cohabitation garçons/filles, de nombreux aspects des programmes, l’enseignement du genre… Et comme les catholiques sont des boucs émissaires faciles chaque fois qu’il faut faire face à cette violence du séparatisme, le ministère ne s’en prive pas au lieu de nommer le vrai lieu d’archipélisation de la société française. L’immense majorité des musulmans, dont beaucoup scolarisent leurs enfants dans l’Enseignement catholique, fuient eux aussi ces zones de communautarisme où les extrémistes font la loi, tuent des professeurs.

Dans le même temps, les instances de l’Enseignement catholique sont plus enclines à suivre toutes les réformes imposées au public qu’à conserver le caractère propre de leurs établissements, et beaucoup de chefs d’établissements, sous prétexte que les familles ne viennent effectivement plus à eux pour des motifs religieux, craignent que l’affirmation d’une inspiration évangélique ne les prive de leur public. N’est-ce pas plutôt cette inspiration qui ouvrira leurs portes à une diversité d’élèves ? Les familles musulmanes savent apprécier comme toutes les autres la sécurité, le sérieux et le sens de Dieu qu’un établissement catholique peut garantir. 

Des efforts à faire

Mais n’esquivons pas la critique. L’Enseignement catholique n’agit-il pas en privilégié dans ce contexte d’une société géographiquement inégalitaire ? "L'État finance les trois-quarts du budget de ces établissements. Nous attendons donc de leur part un engagement pour aller vers davantage de mixité sociale et scolaire, particulièrement dans les grandes villes, où l'évitement scolaire est maximal", explique Pap Ndiaye dans son interview au Figaro du 13 avril. L’argument se renverse : les familles de l’Enseignement catholique financent donc un quart de la scolarité ; comment s’étonner que les plus pauvres ne puissent payer pour y entrer ? Est-il possible de sortir de la rengaine d’une partie de la gauche qui attise la haine des riches d’abord, mais du privé ensuite, en laissant imaginer qu’il y a de l’argent à prendre dans l’Enseignement catholique pour renflouer le public ? Quel chrétien un peu conséquent refusera le principe même de la mixité sociale ? 

Certains établissements catholiques ont encore des efforts à faire pour accueillir plus largement.

Or il faut le reconnaître, certains établissements catholiques ont encore des efforts à faire pour accueillir plus largement : il est possible d’établir une meilleure solidarité par un système de quotients familiaux, une attention à des publics encore marginalisés… Au niveau de l’institution, rue Saint-Jacques [siège du Secrétariat général de l’Enseignement catholique, Ndlr] ou dans les diocèses, le développement dans les zones où se trouvent les familles pourrait être privilégié, alors que ses implantations historiques sont majoritairement dans les centres villes à l’immobilier inaccessible ou dans les campagnes dépeuplées. Ainsi l’Enseignement catholique se rapprocherait des publics qui lui permettraient une plus grande mixité. 

Le coût de la cantine

Mais l’un des freins majeurs à la mixité sociale du privé reste le coût de la cantine. L’aide au repas, massive dans le public, est inexistante dans le privé, sauf dans quelques rares collectivités. Or, pour les familles aux revenus faibles, la facture de la cantine est beaucoup plus élevée que la redevance scolaire. Le tarif facturé aux familles est en moyenne de 3,50 euros dans les établissements scolaires publics, avec un coût de production supérieur à 8 euros, contre 5,60 euros dans le privé sous contrat, prix de production et de vente, avec des contrastes énormes selon les régions. On comprend que ce soit un critère d’évitement du privé !

Et pourtant, quel est le rapport entre la cantine et la scolarité ? Aucun ! Il arrive que, malgré les aides, des familles enlèvent leurs enfants de la cantine publique car elle est encore trop chère. De leur côté, les familles défavorisées du privé paient actuellement leurs impôts qui financent les subventions aux repas du public, mais n’en bénéficient pas ! Le droit de manger sans trop perdre de temps entre midi et deux, en gardant aussi le plaisir de jouer, de prendre du temps avec ses camarades, n’est ni de droite ni de gauche, ni pour les pauvres ou pour les riches. "Déscolarisons" la question et donnons les mêmes subventions pour la restauration à tous et cela favorisera la mixité dans le privé, si tel est vraiment l’objectif de notre ministre. 

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