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Vous avez dit conseiller conjugal ou love coach ?

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Henri Quantin - publié le 03/05/23
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Le "coaching" ès relations amoureuses est-il plus efficace que le classique conseil conjugal ? Il est permis d’en douter, pense l’écrivain Henri Quantin, avec ceux qui pressentent que l’amour vrai se joue à une autre profondeur que dans la technique, la stratégie ou la performance.

Dans la précieuse nouvelle édition de Dire, ne pas dire. Du bon usage de la langue française (éd. Philippe Rey), l’Académie française remarque que "le terme coach ainsi que ses dérivés coaching et coacher, d’abord employés à propos du sport, tendent aujourd’hui à être appliqués à toutes sortes d’activités professionnelles ou privées". Ainsi des love coachs, qui ont fait leur apparition dans le marché florissant de la relation amoureuse, comme des nouveaux produits dérivés de la Saint-Valentin.

Le tarif du gourou

Depuis que l’expression "commerce amoureux" a pris un sens avant tout financier, l’aide à la relation affective est entrée dans l’ère des anglicismes vendeurs et des abréviations complices ("rejoins-moi sur Insta"). Le conseil amoureux est une jungle commerciale comme les autres, en somme, où certains semblent pratiquer la concurrence déloyale ou la publicité comparative approximative sans scrupule. Comme pour la pâte à tartiner, l’important devient de mettre en avant ce qui fera toujours la différence. Voyez, par exemple, le très médiatisé site décliné aussi en podcasts "L’espace du couple". Il vous invite, pardon, il t’invite au voyage — le tutoiement s’impose pour être jeune — en des termes supposés tentants : "Je vais te donner la main dans un voyage profond, passionnant et transformateur vers la construction de la vie amoureuse de tes rêves." Un gourou promettrait-il plus? Un bandeau annonce rapidement la couleur : "À nos amours. Offre de lancement : 500 euros de réduction sur l’immersion avant le 27 avril." 27 avril ! Zut, c’est trop tard.

Rien qu’on ne voie tous les jours, ceci dit, dans un monde où la communication a remplacé la parole. Le podcast n°73 de "L’espace du couple", toutefois, a provoqué quelques remous dans le monde du conseil conjugal. "La communication est-elle la clé de la relation ? Bullshit !" annonce le titre. Il s’agit de dénoncer, légitimement, l’idée naïve qu’une bonne discussion conjugale pourrait résoudre tous les problèmes. Rien de bien nouveau là-dedans, malgré ce que semble croire la "thérapeute". À l’aune du bon sens, cela signifie que le dialogue ne suffit pas à guérir le couple, quand l’un a été battu par son père alcoolique et que l’autre a été abusée par son maître-nageur. Personne ne dit le contraire, mais il faut bien trouver un moyen de rendre son espace plus attractif que les autres. 

"Apprendre à relationner"

Les néologismes, involontairement comiques, ont-ils eux aussi pour but de séduire l’auditeur ? "L’amour, dit le podcast, ça se compétence ; c’est aussi cela apprendre à relationner." Ce n’est pas ce jargon, toutefois, qui a fait tiquer certains conseillers conjugaux, mais deux attaques directes contre leur profession. La première se veut un constat : "La majorité des thérapies de couple, du conseil conjugal et de love coaching ne marchent pas, ils sont à la surface de ce qui se passe." La seconde, plus sarcastique, tente de s’assurer définitivement que le client n’ira pas acheter ailleurs : "C'est vraiment pour ça que la plupart des thérapies de couple et autres conseil conjugal ou même love coaching... question au passage : ça va être quoi la prochaine appellation de personnes peu formées qui s'autoproclament experts de la relation amoureuse ?" Reconnaissons qu’il nous manque un language coach, nous expliquant que la syntaxe, "ça se compétence", pour comprendre la construction de la phrase. On voit, en tout cas, qu’il s’agit de discréditer la concurrence sous toutes ses formes.

On peut recommander le conseiller conjugal à ceux qui pressentent que l’amour réel se joue à une profondeur qu’ignorent les compétitions sportives, les formules commerciales et les comptes Instagram.

Le coup de griffe peut sembler inoffensif. Il est bon, néanmoins, de rappeler que le Conseil conjugal est une profession trop peu reconnue, qu’on distinguera utilement de ses contrefaçons racoleuses. Précisons, pour nous en tenir à ce que nous connaissons un peu, que le diplôme de Conseil conjugal et familial (CCF) décerné par l’Université catholique de Lyon (UCLY) suppose au moins trois ans d’études, qu’il est composé de 400 heures d’enseignements théoriques, de 80 heures de formation pratique, de deux stages professionnels de 40 heures chacun, sans oublier la rédaction d’un mémoire assez comparable à ce qui est demandé pour un Master. Sans prétendre se prononcer sur le contenu de l’enseignement dispensé, on peut considérer que ceux qui obtiennent le diplôme ont reçu une formation qui n’a rien de l’auto-proclamation. Quant aux résultats, il va de soi que moins on est dans le domaine de la technique, moins ils sont statistiquement mesurables, dès lors que le conseiller ne s’aligne pas sur le modèle de l’entreprise et ne confond pas fécondité et productivité.

Un repoussoir utile

À propos de l’extension de coach, coacher et coaching, l’Académie française conclut : "Ces mots anglais ont des équivalents qu’il convient d’utiliser." Dans le cas du love coach, nous sommes tenté de ne pas suivre le conseil des académiciens, tant Conseiller conjugal et familial désigne une activité différente. Car celui qui ne craint pas de se désigner comme love coach suggère que la relation amoureuse peut se vivre en terme d’efficacité, de stratégie ou de performance. On peut donc garder l’appellation comme un repoussoir utile. Et on peut recommander le conseiller conjugal à ceux qui pressentent que l’amour réel — et non l’amour de nos rêves — se joue à une profondeur qu’ignorent les compétitions sportives, les formules commerciales et les comptes Instagram.

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