Priscille est Akela. Priscille et Aquila. Le rapprochement était tentant, entre cette jeune femme désireuse d’accompagner ses louvettes sur le chemin de la foi et ce couple martyr du Ier siècle de notre ère, "compagnons de travail [de saint Paul] en Jésus Christ" (cf Rm 16, 3). Si les temps sont différents, il s’agit là de deux beaux témoignages d’évangélisation.
Désireux de proposer le scoutisme à tous types de familles, le mouvement des Guides et Scouts d’Europe a ouvert il y a quelques années un groupe à Villemomble, implanté aujourd’hui à Bondy, en Seine-Saint-Denis. Fermés depuis une dizaine d’années faute de chefs et de nouvelles recrues, la meute et la clairière ont rouvert en septembre 2022. Des ré-ouvertures récentes qui répondent à une vraie attente de la part des familles et qui contribuent à un éveil spirituel, notamment chez les louvettes (8-12 ans). Un éveil spirituel qui s’est traduit concrètement par deux demandes de baptême cette année.
Priscille, 21 ans, étudiante à Paris en Master 1 de Lettres, encadre onze louvettes au sein de la clairière. Après de nombreuses années de scoutisme dans les Yvelines (louvette, guide et équipière-pilote), Priscille a été pendant un an assistante à la compagnie de Bondy, auprès des guides. C’est là qu’elle a réalisé combien il était difficile de recruter chaque année de nouvelles guides. Des difficultés qui selon elle résultent non pas d’un désintérêt vis-à-vis du mouvement mais parce que les familles ne connaissent pas le scoutisme et que les fratries sont peu nombreuses. "Accueillir les plus jeunes en créant une meute et une clairière permet ainsi de renouveler la troupe et la compagnie de manière beaucoup plus fluide et naturelle", explique Priscille.
Cohésion avec la paroisse
Guide expérimentée, fine connaisseuse à la fois de la pédagogie scoute et de l’environnement propre à Bondy, Priscille a pris la tête de la nouvelle clairière en septembre dernier, assistée de deux autres cheftaines : sa sœur Louise, et Roxanne. Restait à trouver des louvettes.
La paroisse de Bondy, animée par des prêtres de la communauté de l’Emmanuel, s’est avérée être un allié de taille. "Les prêtres nous ont adressé beaucoup de familles", explique Laëtitia du Plessis, cheftaine du groupe. "Ils sont prêts à donner de leur temps et sont très investis auprès de nos jeunes." Une vraie cohésion existe entre la paroisse et le groupe scout. Les scouts rendent de nombreux services lors des événements paroissiaux, et les prêtres offrent un accompagnement spirituel de manière régulière.
"Le scoutisme fait partie intégrante des propositions de la paroisse", souligne le père Jocelyn Petitfils, conseiller religieux du groupe. "Il y a un grand besoin d’éducation en Seine-Saint-Denis et nous avons la chance d’avoir un groupe scout solide et des chefs de qualité qui portent et transmettent la pédagogie scoute : une structure morale, le goût de l’aventure, le lien avec la nature, la foi chrétienne…"
Au-delà de la paroisse, le forum des associations a également permis de nouvelles entrées dans la jeune clairière. "Nous ne pouvions pas nous contenter du bouche à oreille, nous voulions nous adresser à des familles éloignées de la paroisse. Le forum des associations de Villemomble nous a permis de toucher des familles que nous n’aurions pas connues autrement", confie Priscille. Et c’est justement des louvettes rencontrées au forum des associations qu’ont émané les demandes de baptême.
Des familles débutantes mais motivées et convaincues
À Bondy, la majorité des familles ne connaît pas ou mal le scoutisme. "Il n’y a plus de tradition scoute dans le 93", souligne Priscille. "En tant que cheftaine, je suis une des seules références du scoutisme auprès des familles. En début d’année, je passe énormément de temps à justifier la pédagogie scoute, à expliquer ce qu’est une veillée, la promesse, à souligner l’importance de la régularité et de la fidélité aux sorties… Cela demande beaucoup d’énergie !"
Mais si la plupart des parents ne connaissaient pas, ils ont adhéré pleinement au mouvement et aux valeurs transmises à leur enfant par le biais du scoutisme. "Les parents sont vraiment impliqués, ils posent des questions, proposent leur aide… Certains disent même à leur enfant : "Mais si j’avais pu vivre cela à ton âge !"", raconte Priscille. C’est justement parce qu’il n’y a pas de modèle ou de "tradition scoute" dans leur entourage que leur adhésion au scoutisme est le fruit d’un choix réfléchi et assumé. "Les parents soutiennent leur enfant et adhèrent à ce que le mouvement propose : la vie dans la nature, pas d’écrans, levers matinaux, éveil spirituel…"
Parmi les louvettes se trouvent un grand nombre de filles uniques, élevées par des parents seuls. Pour Priscille, la pédagogie scoute dite "du grand frère", qui consiste à ce que les plus âgés prennent soin des plus jeunes, a toute sa place. "C’est une vraie découverte pour elles, elles n’ont pas l’habitude, des liens se créent, c’est très enrichissant aussi bien pour les plus grandes que les plus petites", témoigne la cheftaine.
Des fruits exceptionnels
Si l’objectif de la création de la clairière était d’offrir un cadre pour faire vivre la grande aventure scoute à des fillettes de 8 à 12 ans, rien ne laissait présager que l’aventure scoute s’étendrait bien au-delà de la clairière. En effet, la cheftaine témoigne d’un véritable éveil spirituel chez certaines louvettes, voire aussi au sein de certaines familles.
Au niveau de la pratique religieuse, les profils des familles sont très différents. Sur les onze louvettes, deux vont à la messe le dimanche. Néanmoins, depuis leur entrée dans la clairière, deux louvettes ont demandé le baptême. La première a entamé une démarche de baptême auprès de la paroisse de Bondy en même temps que sa progression pour pouvoir prononcer sa promesse. Elle s’est fait baptisée lors de la Vigile pascale. Une autre louvette va bientôt recevoir le baptême et faire sa première communion. "Ce qui est très beau, c’est que la mère de la jeune fille, pour l’accompagner dans sa démarche de foi, a demandé de recevoir le sacrement de la confirmation", confie Priscille. "Nous voyons progressivement naître chez les unes ou chez les autres une vraie profondeur et un vrai désir de connaître Dieu. C’est incroyable comme Dieu peut mettre dans le cœur des louvettes le désir de le connaître !"
Un éveil spirituel qui n’est pas étranger à leur entrée dans la clairière. "Chez les Guides et Scouts d’Europe, il y a une exigence à avancer sur le chemin de la foi, dès lors qu’un jeune s’apprête à prononcer sa promesse", souligne le père Jocelyn Petitfils. Le scoutisme européen trouve son fondement dans l’Evangile. "La F.S.E. donne le primat à la vocation de tout chrétien à la sainteté", stipule le Directoire religieux adopté par l’Union Internationale des Guides et Scouts d’Europe dont fait partie le mouvement des Guides et Scouts d’Europe. "Un scout ou une guide doit vivre sa promesse, les principes et la loi selon les exigences du sermon sur la Montagne, véritable charte de toute vie chrétienne. En ce sens, la F.S.E. est appelée à être, toujours davantage, un moyen de sanctification dans l’Église, un moyen qui favorise et encourage une union plus intime entre la vie concrète de ses membres et leur foi".
Un défi de taille, que la clairière relève avec beaucoup de simplicité: "L’important n’est pas d’avoir un groupe énorme, mais de veiller à l’épanouissement de chacune des louvettes qui nous sont confiées", précise Priscille. Un bel élan qui n’est pas près de s’arrêter. Toutes les louvettes de la clairière ont répondu présentes pour camper cinq jours cet été, et de nouvelles inscriptions sont déjà prévues pour l’année prochaine.
En partenariat avec l'Association des Guides et Scouts d’Europe