"Dieu est l'invisible évident". Sans doute Lucas Tierny se reconnaîtrait-il dans cette affirmation de Victor Hugo, tirée de son œuvre William Shakespeare. Ce trentenaire, diplômé de l’EMLyon et consultant en stratégie à Paris, a déjà eu une vie bien remplie. Ou plutôt deux vies : la première avant Dieu, la seconde après Lui. "Même mes amis se réfèrent à l’ancien Lucas pour évoquer l’époque précédant ma conversion", reconnaît-il auprès d’Aleteia. Pourtant, le chemin fut long et parfois douloureux avant d’arriver au baptême : pas de conversion foudroyante pour ce jeune homme profondément athée et anticlérical revendiqué. "J’ai grandi dans l’opposition à l’Église en tant qu’institution : pour mes parents comme pour moi, c’étaient à la fois un carcan, une entité dépassée, et une influence néfaste. Mon projet initial était de “libérer” les catholiques que je trouvais sur mon chemin de ce que je considérais être une emprise."
Je me suis dit : qu’ai-je à perdre ? Pourquoi ne pas tenter ?
Lucas est très tôt éprouvé par la perte de sa mère, avec laquelle il a eu des relations chaotiques. En 2009, alors qu’il encadre une colonie de vacances à l’âge de 18 ans, le jeune homme apprend qu’elle s’est suicidée. Le choc est terrible. "J’ai eu une enfance qui m’a amené à devoir compter assez rapidement sur moi-même. Cela a contribué à m'enorgueillir, et l’orgueil est le plus gros obstacle que l’on puisse opposer à la foi", estime-t-il. "C’est pour cela que mon cheminement est avant tout intellectuel, la foi est venue tardivement. Je n’ai compris que difficilement que je pouvais faire confiance à Dieu et lui ouvrir véritablement ma porte." Il lui aura fallu six années pour laisser la grâce inonder son âme.
Au commencement, une prière
Lucas entre à l’EM Lyon en 2013, à l’âge de 22 ans. Progressivement, le vide s’installe, impossible à combler. Poursuite sans fin de la réussite, traditionnelles soirées étudiantes alcoolisées, déchaînement des passions et enchaînement des conquêtes, tout y est, mais rien ne nourrit véritablement le jeune homme qui tente de se satisfaire de la superficialité comme mode de vie. La Providence, pourtant, semble garder un œil attentif sur les affres du jeune homme. Elle jalonne son chemin de rencontres qui, avec une patience délicate, ébranlent ses convictions, brisent ses servitudes, désorganisent sa partition. Comme François, cet ami catholique convaincu et affirmé, qui ne cache rien de sa foi. Avec lui, Lucas se rend une fois à la messe. "Je me suis demandé ce que je faisais ici", se souvient-il. Pourtant, sans même savoir qu’il prie, Lucas s’adresse à Dieu et lui demande de lui faire connaître la paix véritable. "Je me suis dit : qu’ai-je à perdre ? Pourquoi ne pas tenter ? Personne ne le saurait. J’ai eu un éclair d’honnêteté vis-à-vis de moi-même et de Dieu. Je ne savais même pas comment m’adresser à Lui. Pourtant, quand je regarde en arrière, je me dis que j’ai bien fait", sourit-il.
Tout est plus simple, par rapport à une vie où il n’y a pas Dieu, parce que tout est renouvelé quand on sait qu’il y a un Créateur aimant
Quelques mois plus tard, Lucas entame son catéchuménat avec la paroisse Sainte-Blandine de Lyon. "J’ai rapidement été interpellé par les enseignements de l’Église. J’étais anticlérical, mais je n’étais pas bête, il m’était impossible de ne pas constater leur cohérence. L’esprit humain est forcément attiré par la vérité et l’Église parvenait à chaque fois à répondre à mes questions. Elle est experte en humanité, car elle connaît l’Homme parfaitement." Toujours un peu empreint d’hostilité, Lucas cherche à comprendre. Il fait une retraite avec la communauté Saint-Martin, bourré d’a priori qui s’évanouissent au bout de quelques heures. Le petit "panier à crabes" des catholiques bon-chic bon-genre s’avère bien plus accueillant qu’il n’y paraît. Le jeune homme poursuit son chemin, semé de doutes et de questionnements, de renoncements, l’interrompant même avant de le reprendre en 2018. Cette fois-ci sera la bonne.
La grâce du baptême
Après six ans de catéchuménat au total, Lucas est baptisé le 20 avril 2019 à 28 ans. "Ça a été un changement de paradigme total. Je me suis mis à travailler à accumuler des richesses qui ne pourrissent pas, en vue du Ciel", déclare-t-il. "Aujourd’hui, je sais que le Christ, entité à la fois supérieure et totalement humaine, est passé par tout ce que nous vivons aujourd’hui. C’est un merveilleux don d’espérance et de paix. Je ne conçois plus ma vie de la même manière. Tout est plus simple, par rapport à une vie où il n’y a pas Dieu, parce que tout est renouvelé quand on sait qu’il y a un Créateur aimant derrière tout ça", confie-t-il. Ses rapports aux autres évoluent. Dans ses amitiés, avec le sans-abri qui habite en bas de son immeuble, et même avec les filles, après s’être réapproprié la vertu de chasteté.
Ouvrez la porte et laissez entrer la lumière, parce que croire, c’est la Vie. Les deux pieds ancrés au sol, et les yeux tournés vers le Ciel
"Je repense souvent à l’épisode biblique de David et Goliath. David se souvient de ce que fait Dieu pour lui dans son quotidien et rappelle aux généraux que Dieu l’aide déjà à protéger ses brebis. Dès lors, que ne ferait-Il pas pour son peuple ? Pourquoi l’abandonnerait-il ? C’est la mémoire de ce que Dieu a déjà fait pour lui qui l’aide à avoir confiance en Dieu. Et là, il triomphe. C’était un peu pareil pour moi : j’ai pu mettre ma raison de côté parce que j’ai eu la mémoire de ce que Dieu faisait déjà pour moi dans ma vie. Je n’avais aucune raison de ne pas Lui accorder ma confiance pour la suite. Je n’ai rien perdu, au contraire, j’ai tout gagné."
Juste après son baptême, Lucas se rend à Lourdes, un pèlerinage qu’il décrit comme une lune de miel entre Dieu et lui. Il décide ensuite de faire une pause dans sa carrière pour se retirer dans un monastère et y écrire le récit de son parcours, avant une nouvelle immersion dans le monde. "À ceux qui ne cherchent pas Dieu, je dis : posez-vous la question malgré tout, parce qu’il n’y a rien à perdre. Faites preuve d’ouverture. À ceux qui le cherchent : foncez. Ouvrez la porte et laissez entrer la lumière, parce que croire, c’est la Vie. Les deux pieds ancrés au sol, et les yeux tournés vers le Ciel."
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