"Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils intervenir ?" C’est à cette question, posée par la Première ministre Élisabeth Borne, que les quelque 184 citoyens de la Convention citoyenne sur la fin de vie vont répondre ce dimanche 2 avril à l’issue de leur neuvième et dernière session qui démarre dès ce vendredi 31 mars. Le temps d’achever et de voter le contenu du "livrable" qui répond à la question de la Première ministre et présente les différents scénarios retenus avec le vote obtenu au sein de la Convention. Il sera présenté dimanche 2 avril en même temps que la rédaction d’un "manifeste" contenant ce que les membres de la Convention citoyenne ont envie de dire aux Français sur ce sujet.
Une fin de parcours qui laisse peu de place au doute. Lors de la précédente session le 19 mars, une écrasante majorité, 75,6% des membres, a voté oui à l’ouverture de l’accès à l’aide active à mourir (23,2% ont voté contre et 1,2% se sont abstenus). Les membres de la Convention se sont ensuite positionnés sur les différentes modalités d’aide active à mourir. Une majorité (39,9%) a voté pour l’ouverture de l’aide active à mourir sous forme de suicide assisté ou d’euthanasie, au choix. 28,2% ont quant à eux voté pour le suicide assisté avec exception d'euthanasie. Mais que désignent ces deux pratiques ? L’euthanasie désigne le fait d’administrer à une personne en fin de vie qui le demande un produit létal afin de précipiter son décès. Le geste est généralement accompli par un médecin. Dans le cas du suicide assisté, c’est le patient lui-même qui s’administre le produit létal prescrit par un médecin. Le corps médical ne fournit, dans ce cas-là, qu’une "assistance" au patient.
Mise en garde des soignants
Un vote qu’est loin de partager l’ensemble des soignants et du corps médical. Dès février 13 organisations professionnelles et sociétés savantes, qui représentent par moins de 800.000 soignants, ont signé et rendu public un texte qui rejette cette pratique "incompatible" avec le métier du soin. "Une telle légalisation conduirait immanquablement à un glissement éthique majeur", dénoncent-ils.
Qu’en est-il du côté politique ? La mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie a rendu pour sa part ses conclusions mercredi 29 mars. Votée le 2 février 2016, cette loi fixe les droits des personnes en fin de vie. La législation actuelle sur la fin de vie ne répond pas à toutes les situations, ont-ils estimé. Les parlementaires ont travaillé sous l'égide du député Olivier Falorni (Modem), partisan déclaré de rendre possible une "aide active à mourir". Mais la mission parlementaire s'est abstenue de se prononcer sur le sujet, soulignant que ce n'était pas dans son périmètre, et constate d'ailleurs que la plupart des malades ne demandent pas à mourir si leur prise en charge est "adéquate". Son rapport se montre néanmoins critique sur la mise en œuvre de la loi de 2016, en premier lieu le droit à mettre en place une "sédation profonde et continue jusqu'au décès" pour les malades proches de la mort et dans une souffrance intolérable. Le rapport regrette par ailleurs un accès insuffisant aux soins palliatifs, ainsi qu'un recours bien trop rare aux "directives anticipées" qui permettent à chacun de fixer par écrit ses volontés en matière de maintien ou d'interruption des soins.
Un calendrier flou
Plutôt que de tout mettre en œuvre pour développer les soins palliatifs et soulager la souffrance, comme le prévoit la loi Claeys-Leonetti de 2016, et malgré l’opposition d’une grande partie du corps médical et de la société, c’est donc vers une légalisation de l’aide active à mourir que s’oriente le gouvernement. Tandis que les membres de la Convention citoyenne seront reçus lundi 3 avril après-midi à l’Élysée, la suite du calendrier est encore flou. Il devrait poser "les bases d'un calendrier" et déterminer "les conditions d'une modification de la loi", avait expliqué fin février le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. Il avait alors déclaré que ce processus déboucherait "vraisemblablement" sur une nouvelle loi. Fin mai le Cese rendra également un avis sur le sujet.
En attendant, les mises en garde et contestations se multiplient. Plusieurs manifestations sont également prévues comme celle du collectif "Soulager mais pas tuer", qui réunit des professionnels de santé et des citoyens, prévue le 4 avril à Paris. Fin mars les évêques de France ont publié un texte fort dans lequel ils rappellent l’urgence de développer une aide active… à vivre. Et de rappeler : "Ce qui peut unir et apaiser notre société si violemment fracturée, comme le montrent les conflits sociaux de ces jours, c’est la vérité de notre engagement collectif pour la fraternité. Voilà ce que, dans la lumière toute proche de Pâques, nous voulons partager avec toute notre société."