Il est bien connu que le cœur de la spiritualité de sainte Thérèse de Lisieux est traversé par la dynamique de la confiance. L'amour dans lequel Thérèse de Lisieux a mis toute sa confiance n’est pas un fluide chaleureux : il est une personne qui s’appelle Jésus Christ. La relation de Thérèse avec son Seigneur a servi de tuteur spirituel : elle a guéri la fragilité de la petite Martin que certains ont qualifiée de névrose d’abandon.
Les indices ne manquent pas : elle prend le nom de sa sœur défunte, elle est séparée à la naissance de sa mère qui décèdera quelques années plus tard, ensuite de sa nourrice Rose qui lui a redonné vie et avant ses dix ans de ses deux mères par intérim, Marie et Pauline qui entreront au Carmel. Thérèse est fragilisée par ces séparations brutales. Malgré l'affection familiale, elle sera incapable d’aller seule à l'école alors qu’elle était en tête de classe !
L’ascenseur de l’amour
Le lieu de sa guérison sera celui de l'amour des siens dans la petite maison des Buissonnets, "mon premier noviciat", du "sourire" de la Vierge Marie, mais surtout de la confiance en l'amour de Jésus : "N’arrêtez pas de prier [Jésus], la confiance (en lui) fait des miracles" (LT 129). Thérèse revit grâce à Jésus à partir de Noël 1886. Elle veut lui renouveler son amour à "chaque battement de son cœur" (Pri 6) sur la terre, mais aussi au ciel où elle veut "aimer Jésus et le faire aimer" (LT 220).
Son désir du Christ sera d’ailleurs dans son cœur au moment de mourir, alors qu’elle regardait son crucifix : "Oh ! je l’aime, mon Dieu, je vous aime" (DE, 30.9.26). Elle a tant « confiance en la miséricorde infinie de Jésus" (MsA, 46 r°) qu’elle veut en vivre à chaque occasion : "Jésus m’enseigne à tout faire par amour" (LT 142). Aimer Jésus signifie donc pour elle se laisser aimer par lui, recueillir son amour et tout lui donner.
Jésus est le chemin de la confiance retrouvée, il est l’ascenseur de l’Amour qui donne Vie : "L’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus" (MsC, 3 r°). Jésus est l’ascenseur qui élève "sans fatigue vers les régions infinies de l’amour" (LT 229).
Pour cette raison, Thérèse peut s’exclamer : "Ô Jésus, que ton oiseau est heureux d’être faible et petite" (MsB, 5 r°). S’il n’est pas possible de "grandir" par soi-même, il est toujours par contre possible de grandir "en" Jésus, porté par ses bras : "Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux !" (Pri 9, 4). La pauvreté de la sainte est donc faite de confiance totale en l’action rassurante de Dieu, à la seule condition de demeurer dans une confiance filiale en Jésus malgré sa fragilité.
Un itinéraire unifiant de développement personnel
La petitesse thérésienne n’est pas rabougrie ! Elle n’est pas un infantilisme entretenu, mais bien croissance dans l’amour, dans la Vie : "Ce qui plaît à Jésus, écrit Thérèse à sa sœur Marie du Sacré Cœur, c’est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvreté, c’est l’espérance aveugle que j’ai en sa miséricorde… Voilà mon seul trésor. Marraine chérie, pourquoi ce trésor ne saurait-il pas être le vôtre ?" (LT 197). Thérèse donne elle-même la réponse à sa sœur aînée : "Ah ! Restons donc bien loin de tout ce qui brille, aimons notre petitesse, aimons à ne rien sentir, alors nous serons pauvres d’esprit et Jésus viendra nous chercher, si loin que nous soyons, il nous transformera en flammes d’amour" (LT 197).
L’enfance revisitée de Thérèse de Lisieux est pleine d’espérance. Elle trace un itinéraire unifiant de développement personnel chrétien fait de confiance retrouvée. Au cœur de la fragilité, notre responsabilité consiste à ne pas nous centrer sur nous-même, ni de séparer les besoins de la nature de l’ouverture à la grâce, mais de vivre une dynamique d'unification de soi dans le Christ. Lui seul, pleinement homme et pleinement Dieu, nous assimile à Dieu, sommet du désir humain.
Le chemin du "et"
Centré sur la personne du Christ qui "n’enlève rien mais donne tout" (Benoît XVI), ce chemin est très incarné : toute la fécondité du cheminement à vivre est dans l'importance du "et" : adhésion aux valeurs de la vie chrétienne (selon l'état de vie) "et" satisfaction des besoins immédiats. Identité dans le Christ "et" satisfaction des besoins psychologiques, physiologiques, sociaux. Connaissance de la foi "et" connaissance de soi. Conscience de notre dignité chrétienne de fils de Dieu "et" juste estime de soi. Confiance dans le Christ "et" sentiments de sécurité et de liberté. Joie de la fraternité chrétienne en Église "et" regard positif sur la solitude. Idéal de sainteté "et" satisfaction des besoins supérieurs. Goût de l'action bénéfique de la grâce donnée par l'Esprit saint (paix, confiance, acceptation de la vie) "et" goût de l'identité humaine (unité intérieure). Charité "et" respect de soi.
La dynamique de Vie, de restauration, de "guérison" que nous offre sainte Thérèse de Lisieux puise à l’Amour de Dieu révélé en Jésus. L’amour de Jésus consenti traverse notre fragilité avec comme merveilleux fruit la confiance. "Je m’élève vers le bon Dieu par la confiance et l’amour" (MsC, 37 v°-r°). "J’ai une si grande confiance en lui qu’il ne pourra pas m’abandonner, je remets tout entre ses mains" (LT 32).
Abréviations :
LT : Lettres de Thérèse (266)
Pri : prières
DE : Derniers entretiens
Ms A, B ou C : 1er, 2e ou 3e manuscrit autobiographique
Pratique :