Quelle distance entre la rage et la douceur ! La rage est une forme intense de la colère. Celle-ci se pose sur une blessure, une frustration, une injustice, qui peut être avérée ou pas, mais la rage est la dernière réaction sur une impuissance, un sursaut de violence, plus ou moins consentie, qui envahit le cerveau. C’est une épreuve autant pour ceux qui la subissent que ceux qui s’y abandonnent. On ressent de la rage et on la montre par son comportement physique, l’adrénaline étant à son taux maximal.
Elle est plus grave que la colère qui peut se justifier. On parle alors de colère sainte. Mais parce qu’elle porte à des actes décisifs intenses et ravageurs, on ne peut pas la considérer comme une émotion ordinaire. Aucune qualité ne peut en être tirée. Les possédés sont enragés ! La rage défigure la personne humaine. L’enfant de l’Évangile s’isole, se meurtrit et son pauvre père ne sait plus que faire. On peut subir une colère, mais on se protège d’un enragé. Seul Jésus a pu délivrer le possédé de Gerasa, meurtri et asocial, malheureux et suicidaire.
Avant d’en arriver là, il y a un travail de longue haleine qui combat la rage, en quittant souvent ce qui la motive, chose, situation ou personne. La force mise en œuvre dans la rage est à orienter sur la tendresse, la douceur, qui est la vertu des forts ! Petit à petit, on arrive à vaincre l’irascible par la pratique de la douceur. Tout d’abord en fuyant ce qui la motive, puis en mobilisant la maîtrise de soi qui est l’arme principale de ce combat.
La douceur est un féminin mais elle a une couleur virile. Les non-violents sont des forts, ils associent la douceur à la patience. Ils savent que l’on obtient plus par la douceur que par la force, parce que la douceur est une force plus grande que la violence. "Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage" est la béatitude de ceux qui ont changé leur rage chirurgicale de vaincre ou de vivre en simple homéopathie. Ils ont le courage sans la violence, la force sans la dureté, l’amour sans la colère.