Mauvaise nouvelle pour les Femen, elles vont désormais passer inaperçues dans les piscines berlinoises ! Suite à la saisine du bureau de lutte contre les discriminations par une nageuse, les seins nus vont être autorisés "aux personnes de sexe féminin ou aux personnes dont la poitrine est de type féminin" (sic). Le règlement, a annoncé le bureau des piscines de Berlin, sera donc modifié pour "respecter l’égalité des sexes". Plus que le fait lui-même, c’est le motif qu’on remarque : l’égalité homme-femme. Nulle raison, disait la plaignante, que les hommes aient le droit de se promener torse-nu et pas moi. L’inventeur du monokini se doutait-il que son invention servirait un jour la cause de l’indifférenciation ?
Violence mystique
On est prié de ne pas dégainer une fois de plus Tartuffe couvrant les seins de Dorine, pour discréditer ceux qui peinent à comprendre la décision berlinoise. Car Molière, plus qu’un autre, savait la différence entre une poitrine de femme et un torse poilu d’homme. Les larges décolletés de ses actrices ne visaient pas à lutter contre les discriminations, mais à réjouir le public masculin du parterre. En cette affaire, plus que d’une supposée pudibonderie, c’est de la manie procédurière qu’il rirait sans doute. Les nageurs berlinois vont-ils en masse porter des maillots deux pièces pour parachever "l’égalité" ? À défaut, on compte sur le chemin synodal allemand, persuadé que l’Évangile appelle à épouser toutes les modes du moment, pour exiger l’ouverture de piscine seins nus au Vatican.
S’il s’agit de bouleverser une vie, la Vierge Marie est mille fois plus dangereuse qu’une paire de seins nus.
À peu près au même moment, on apprend que Reste un peu, le film de Gad Elmaleh, est déconseillé au moins de 16 ans selon une classification des films propre à la Suisse. Est-ce la scène où la mère du comédien découvre une statue de la Vierge dans la valise de son fils qui peut heurter les personnes sensibles ? Corruption de la jeunesse par crypto-catholicisme ? Atteinte à l’innocence d’un public peu habitué à des scènes d’une rare violence mystique ? Manifestement, le monokini est plus "tout public" que le voile marial.
Une vérité explosive
Ceci dit, les Suisses ont parfaitement raison. S’il s’agit de bouleverser une vie, la Vierge Marie est mille fois plus dangereuse qu’une paire de seins nus. C’est une vérité explosive et un outrage aux nouvelles "bonnes" mœurs d’affirmer que la virginité n’est pas une tare, que Lourdes n’est pas une vieillerie commerciale du XIXe siècle, qu’un juif peut être attiré par la foi catholique, qu’un comédien connu peut parler de foi sans être un intégriste.
On se souvient de la formule percutante de Bernanos : "L’heure viendra cependant où dans un monde organisé pour le désespoir, prêcher l’espérance équivaudra tout juste à jeter un charbon enflammé au milieu d’un baril de poudre."
On peut ajouter que, dans ce monde-là, la Vierge Marie provoquera plus d’effroi qu’une Femen et a fortiori, qu’une nageuse réclamant le droit d’avoir un torse nu comme un homme. Le "signe de contradiction", de fait, est plus redoutable pour l’esprit du monde que toutes les luttes contre les discriminations.