Partant d’une étude scientifique isolée parue en novembre 2022, le concept de mères porteuses en état de mort cérébrale a suscité la polémique. Bien que moins récent, un autre "concept" pourrait en faire autant. Dans un article publié dans la revue Bioethics, une chercheuse danoise, Didde B. Andersen, proposait en 2021 le "don d’organe vital de son vivant". Comprenez : après euthanasie dans ce but. Depuis, la formule paraît courante.
Euthanasié par prélèvement d’organe ?
Le don d’organes est déjà pratiqué après une euthanasie dans plusieurs pays. Au Québec en 2022, d’après Transplant Québec, 15% des donneurs ont été euthanasiés au préalable. La bioéthicienne danoise invoque les mêmes "valeurs", autonomie et bienfaisance, pour les pousser à l’extrême. Elle appelle ainsi à une "réglementation plus ambitieuse", à savoir "permettre aux gens de devenir des donneurs d’organes vitaux de leur vivant même s’ils ne sont pas sur le point de mourir". Car n’accepter que les personnes en phase terminale comme donneurs éligibles au don d’organe vital de leur vivant "serait d’un paternalisme contestable", estime Didde Andersen.
"Qu’en est-il des personnes dont la santé décline pendant quelques années ? Au lieu d’être malheureux, elles pourraient aider quelqu’un à vivre une vie saine. Qu’en est-il des personnes qui ont accompli une “vie complète” ? Elles pourraient se retirer tout en aidant quelqu’un." "Bien sûr, il faudrait que ces décisions irréversibles soient entièrement autonomes", tente-t-elle de rassurer, mentionnant la nécessité de "procédures" contre les "pressions" potentielles.
Les convictions à l’épreuve du temps
Après le récit d’une, de deux, ou peut-être davantage d’histoires dramatiques où la vie d’une jeune mère de famille sera mise en balance avec celle d’une femme "fatiguée de vivre" et déjà arrière-grand-mère, nous laisserons-nous convaincre ? Déjà, en 2021, des experts de l’ONU s’inquiétaient de prélèvements d’organes pratiqués sur des prisonniers chinois. En ce début d’année, ce sont des députés du Massachusetts qui ont introduit une proposition de loi visant à réduire la peine des prisonniers qui feraient don de leurs organes. Alors que le chercheur chinois He Jiankui suscitait l’indignation internationale en faisant naître en 2018 deux jumelles éditées génétiquement, une enquête publiée le 9 février par la revue Science indique qu’un tiers des parents seraient prêts à faire éditer génétiquement leurs embryons pour augmenter les chances de leur enfant d’intégrer une université. De la dystopie à la réalité, le fossé n’est pas toujours aussi large que l’on croit.