Il faut laisser le temps au temps, dit le dicton populaire. Mais le temps, s’il apaise, n’enlève pas la douleur. Quand Sylvie évoque "son" Alexandre, aujourd’hui âgé de 28 ans, on sent toute la douceur et la tendresse qu’une mère peut avoir pour son fils. Mais lorsque sa voix s’arrête, que les silences prennent le pas sur les mots, c’est la douleur qui rejaillit, l’angoisse de ces journées sans nouvelle où l’on imagine le pire pour son enfant. C’était il y a huit ans. Quand son fils est tombé dans la drogue. Huit années entrecoupées de périodes d’hospitalisation et de sevrage. Mais depuis un an, Sylvie a quelque chose sur quoi s’appuyer. Alexandre est entré en décembre 2021 dans une maison de Saint Jean Espérance, association qui propose depuis plus de trente-cinq ans une voie différente pour sortir de la drogue.
Un an où il est pris en charge dans l’une des deux maisons de l’association et où il est accompagné par une équipe de religieux et de laïcs engagés pour "s’en sortir". Un an, aussi, au cours duquel Sylvie ne l’a vu qu’une seule fois. "C’est le règlement", indique-t-elle. "Au début on communiquait par courrier et au bout de quelques mois un peu par téléphone mais le choix de nous contacter leur appartient", reprend-t-elle. Avec Saint Jean Espérance, c’est le corps qui est écouté et soigné. Mais c’est l’âme aussi. Et cela fait toute la différence.
C’est un lieu exceptionnel, ils suivent l’emploi du temps des frères, ils réapprennent à vivre en communauté, à être à l’heure, à avoir des activités saines… Ils reprennent vie !
Les jeunes sont au cœur du dispositif, évidemment. Mais les parents et les familles ont aussi leur place. "Saint Jean Espérance m’a personnellement sauvé", reconnaît volontiers Yolande. Son fils Timothée a une dépendance à l’alcool depuis qu’il a 20 ans. Aujourd'hui âgé de 37 ans, il a effectué plusieurs séjours à Saint Jean Espérance. "C’est un lieu exceptionnel, ils suivent l’emploi du temps des frères de Saint-Jean, ils réapprennent à vivre en communauté, à être à l’heure, à avoir des activités saines… Ils reprennent vie !", confie-t-elle. "Et, en un sens, nous aussi."
Des week-ends pour les parents
Saint Jean Espérance organise chaque année un week-end pour les parents des jeunes accueillis. Prévu cette année le 4-5 mars à Pellevoisin, dans l’Indre, il permet aux parents de se retrouver, d’échanger entre eux sur ce qu’ils vivent, sur la manière dont ils se positionnent en tant que parents sur la dépendance de leur enfant etc. "Ces week-ends m’ont sauvé dans mes rapports avec mon fils", reprend Yolande. "Nos amis qui n’ont pas vécu ça dans leur famille ne peuvent pas mesurer à quel point cela affecte toute la famille, toute la vie. Quand on a cette possibilité de partager avec d’autres qui vivent la même réalité… C’est salvateur." Le partage avec les autres parents mais aussi l’échange avec des frères, des psychiatres. "En tant que mère, on veut aider nos enfants, les nourrir, les protéger, les habiller… Nous sommes dans la protection. Mais c’est parfois l’inverse qu’il faut faire." Et de se souvenir de ce jour où, malgré des températures hivernales et la précarité dans laquelle vivait son fils, elle a refusé de le laisser rentrer à la maison. "C’est dur, Dieu que c’est dur. Mais c’est aussi un chemin vrai pour laisser grandir."
Un week-end annuel dédié aux parents mais aussi un groupe WhatsApp de partage et la présence d’une personne référente pour les parents. Elle-même mère d’un enfant addict, Virginie a cette voix des gens qui donnent envie de se reposer sur eux, qui inspirent la confiance. Une confiance qui lui a pourtant parfois manqué dans sa vie face à son fils Jean-Baptiste. Aujourd’hui âgé de 28 ans, il a commencé à se droguer alors qu’il était mineur. Et à 18 ans il "dealait". Un premier séjour à Saint Jean Espérance lui a permis d’être "en transparence et en vérité", assure la mère de famille. Mais des rechutes se produisent. "La toxicomanie est une maladie qui ne guérit pas. C’est une maladie avec laquelle on apprend à vivre."
Récemment nommée responsable du groupe "Parents" qui organise le week-end annuel des parents ainsi que le groupe WhatsApp réunissant les parents, elle a également porté avec Saint Jean Espérance "Parents d’addicts anonymes". Le principe : une soirée en visio par mois de 18h30 à 20h, avec un thème, un témoignage, qui ouvre un débat entre une dizaine de personnes, un modérateur et un médecin psychiatre. "Quand les jeunes sortent des maisons Saint Jean Espérance ils ont un ciment, un socle sur lequel s’appuyer. Désormais les parents aussi."
Saint Jean Espérance
En partenariat avec