"Je ne sais pas comment tu fais." Cette phrase, c'est celle que l'on retrouve sur la plus haute marche du podium des phrases entendues quand je dis que mon mari part en mission pour quatre mois, accompagnée par ses dauphines, la passive agressive "Mais en même temps tu le savais" et l'ignorante-mais-pas-insignifiante "Mais tu vas voir, ça va passer vite". Mathilde, qui nous régale par son humour empreint de bon sens, révèle avec tact et mordant ce qui exaspère toutes celles qui sont confrontées à la séparation géographique et aux longues absences de leur époux. À tous ceux qui, par sincère sollicitude ou par manque de délicatesse, ont déjà prononcé ces mots qui se veulent, au fond, bienveillants quoique maladroits, Mathilde répond : "Moi non plus je ne sais pas comment je fais ; mais la seule option convenable qui m’est proposée, c’est finalement de faire avec. Je fais avec, même si oui, je pourrais faire sans, vu que je le savais, en effet, depuis le début."
On ne vit pas sans risque
Lorsqu’en février 2019, elle rencontre celui qui est devenu son mari, Mathilde connaît son engagement comme médecin militaire qui implique de longues missions, de plusieurs mois, plusieurs fois dans l’année. Comme sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, elle choisit "tout" de celui dont elle tombe amoureuse, puisqu’elle apprend à aimer. "Si dans la vie, à chaque fois qu’un risque se présente, on ne s’engageait pas, poursuit-elle, on ne s’engagerait plus beaucoup. On se priverait d'une bonne baignade à cause des courants, des vagues et des méduses ; d'un voyage à cause d’un potentiel accident d'avion ; d'un métier, par peur d’être licencié ; de la propriété pour échapper à la taxe foncière ; d'une promenade en montagne pour ne pas risquer la chute ; et de l'amour, enfin, parce que la rupture et les déceptions existent. “La vie est une aventure”, affirmait sainte Mère Teresa ; “N'ayez pas peur !”, encourageait saint Jean Paul II : les saints nous invitent à ne pas vivre une vie tiède, sans risque, sans choix et sans difficulté." La jeune épouse poursuit avec ironie : "Et puis, tant qu’on y est, n'accordons qu'aux hommes aux boulot sympas et pas trop casse-pieds le droit de se marier et tant pis pour les pompiers, les boulangers et les saisonniers."
Être l’ami qui console
À ceux qui se risquent d’un banal "Mais tu vas voir ça va passer vite", Mathilde répond encore que "4 mois, quand on aime, ne passe jamais vite. Même si on le voudrait. 10 minutes dans une file d'attente sont déjà trop longues, alors je vous laisse imaginer 175.200 minutes de patience avant de retrouver celui qu’on aime". Pour éviter ces indélicatesses et ces maladresses, une seule solution : garder pour soi ses conseils non sollicités. Pour consoler une amie dans cette situation, suggère Mathilde, "soyez l'ami, l'ami qui est là, qui écoute, qui aide et qui réconforte". Un ami, par sa seule présence, est une consolation, sans chercher à tout prix à savoir quoi dire ou quoi répondre face au chagrin de l’autre.