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La mobilisation n’est pas la guerre. Vraiment ?

Ukraiński żołnierz

Un soldat ukrainien, le 4 mars 2022.

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Xavier Patier - publié le 15/02/23
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L’histoire enseigne que pour connaître l’avenir, les avis d’experts ne sont pas les plus recommandés. Pour éviter les catastrophes, plaide l’écrivain Xavier Patier, c’est à la volonté politique de prendre le pouvoir.

Il est toujours instructif de lire avec quelques mois de retard la presse quotidienne. Ceux qui se chauffent au bois en ont l’habitude : on relit par curiosité une page ou deux du vieux journal qui nous aide à allumer le feu. L’exercice est toujours édifiant. Il y a un an, en février 2022, les meilleurs spécialistes des relations internationales nous expliquaient dans des éditoriaux en première page que l’invasion de l’Ukraine par la Russie était improbable, et même en réalité impossible, pour de très convaincants motifs géopolitiques : il n’y avait que les faucons américains et leurs obligés pour nous faire croire à une aussi invraisemblable catastrophe. Quelques jours plus tard, la Russie envahissait l’Ukraine.

Avis d’experts

Une fois la surprise passée, les mêmes sources de la même presse quotidienne, nullement découragées de faire entendre leur expertise, nous prédisaient que l’Ukraine ne résisterait que quelques semaines. L’"effondrement de l’armée ukrainienne" fut un titre de début mars. L’armée ukrainienne ne s’effondra pas. Les mêmes journaux changèrent de ton quelques jours plus tard. Ils nous apprirent que la Russie était économiquement morte du fait des sanctions occidentales. Un quotidien économique "de référence" décrivit en détail l’impact de la "cessation de paiement" de la Russie prévu pour fin avril, conséquence des sanctions occidentales, liée à l’effondrement du rouble. Mais il n’y eut pas de cessation de paiement, ni fin avril, ni plus tard. Le rouble ne s’effondra pas. Nouvelle musique à la fin de l’été. L’armée russe avait reculé. L’Ukraine avait tenu. Les experts de la même presse quotidienne nous décrivirent alors, dans un style péremptoire, une armée russe en décomposition. Le thème favori des articles changea : on disserta sur l’imminente chute de la maison Poutine (lui-même malade, impopulaire et discrédité), minée en interne par la contestation. Un général (CR) publia une tribune fort documentée affirmant que l’armée russe était déjà morte et comparant Kherson à Diên Biên Phu.

Dès janvier 2022, poser une question nous exposait à des injures : nous étions soit des suppôts du nouveau Staline, soit les caniches des Yankees.

Je rappelle ces déjà vieux articles parce que les mêmes journaux nous expliquent cette semaine que Vladimir Poutine va bien et que la Russie peut gagner la guerre. La seule vérité, on l’a compris, est que personne, pas même un éditorialiste, ne peut prévoir l’avenir. Nous le savions déjà. Mais ne pas prévoir l’avenir ne nous dispense pas de le penser. Or, dans ce drame, nous avons été interdits de débattre, c'est-à-dire empêchés de penser. Dès janvier 2022, poser une question nous exposait à des injures : nous étions soit des suppôts du nouveau Staline, soit les caniches des Yankees. Le président Macron a tenté de sortir de ce chantage, mais il a dû se ranger. Il n’avait plus entre les mains la force militaire et le crédit politique que le général de Gaulle avait légué à ses successeurs immédiats.

Un embrasement dont personne ne voulait

Ce matin, le journal nous explique que "la fourniture d’armes n’est pas la cobelligérance". Soit. Mais le président de la République Poincaré, dans une déclaration reprise dans Le Figaro du 2 août 1914, expliquait de la même manière que "la mobilisation n’est pas la guerre". Et de préciser : "Elle apparaît au contraire comme le meilleur moyen d’assurer la paix." La Première Guerre mondiale éclatait quelques jours après que ces propos rassurants étaient tenus. Dans un article de la Revue des Deux Mondes publié peu après la victoire de 1918 (celui-là je le garde, je préfère allumer mon feu avec des journaux plus récents), notre ambassadeur à Moscou Maurice Paléologue explique comment, en juillet et août 1914, une mécanique s’est mise en route qui conduisit inéluctablement le monde à un embrasement dont personne ne voulait. L’escalade avait eu lieu à reculons. Les acteurs étaient devenus comme de simples spectateurs d’une force démoniaque. Quoi de neuf ? Nous marchons sans désir vers un monde instable, injuste, misérable et dangereux. Il faut d’urgence que la politique reprenne le pouvoir sur la force mécanique des fatalités. 

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