Nous osons la tendresse avec les tout-petits, parce qu’on sait que le bébé ne va pas rejeter notre caresse, on sait qu’il ne se moquera pas de nous, qu’il ne s’écartera pas de la main qui se pose et apaise. On hésite avec l’ado qui esquive : au mieux il approche sa joue tout en claquant une bise dans le vide. La timidité nous gagne évidemment lorsqu’on sort du cadre familial. Et le pire du pire est atteint lorsque les gestes de tendresse se sont désinvités de la vie conjugale. On ose à peine et on souffre de ne pas oser. Ou bien on n’a pas l’habitude, tout simplement, on ne veut pas avoir l’air gnangnan.
Un geste gratuit
Et pourtant… Le geste tendre, la main posée sur l’épaule et qui y reste un instant, le regard qui enveloppe et qu’un sourire accompagne, les bras qui embrassent pour donner de la chaleur : tout cela va directement du corps à l'âme. Parce que le geste de tendresse est un geste gratuit, un geste donné sans attente de retour. Le câlin qui ne prétend pas jouer le préliminaire amoureux et préparer la suite, ancre ceux qui s’aiment dans le présent, dans le moment qui fait du bien, qui est voulu pour lui-même et que l’on savoure.
Le geste de tendresse apprend à celui qui l’accueille qu’aimer, c’est donner.
La douceur du geste tendre parle d'elle-même : elle dit tout le prix qu’a l’autre à nos yeux, puisque nous usons de tant de délicatesse. Cette douceur enracine dans le corps et le cœur, aussi profondément que les mots, la certitude d'être aimé. Parce que le geste est doux, parce qu'il prend son temps, le temps de se poser, le temps de réchauffer le dos, le temps de rafraîchir un front, le geste de tendresse apprend à celui qui l’accueille qu’aimer, c’est donner.
La tendresse réparatrice
Et parce que certaines blessures en chacun de nous tarderons à guérir, le manteau de la tendresse est un baume réparateur : bien souvent le baiser de paix précède le pardon accordé, signe que la tendresse répare ce qui reste en nous d’aigri, de rabougri, de ressassé. Et parce que les cicatrices ne s’envolent pas du jour au lendemain, le geste de tendresse continue de réparer, de rassurer, de consolider.
La tendresse est puissante, car elle est physique, charnelle et enracine le corps dans le moment présent. Elle est puissante, car par sa gratuité elle élève l'âme au sens du don. Elle est puissante car elle tisse un lien profond et durable : celui qui l’accueille comprend sa propre valeur, sent qu’il compte pour l’autre. Elle nourrit l’estime de soi plus directement que les mots qui parfois peinent à convaincre. Étendons ce manteau sur tous ceux que nous sentons cabossés : les ados qui peinent à trouver leur place, les grands-parents âgés qui se sentent inutiles et dont on anticipe la fin, et tous ceux que le réseau social virtuel agresse en continu. Osons le mot, ou la main, ou le regard qui fait du bien.