Chaque jour de l’Avent, Aleteia réserve à ses lecteurs une jolie surprise. Une prière, un conte, un chant et plein d’autres pépites pour égayer votre journée et vous accompagner joyeusement sur le chemin de Noël.
Un amour déçu, une fidélité sans faille, des anges dans le ciel. Voici les ingrédients de ce conte émouvant, écrit par le père Luc de Bellescize et publié dans Le Compagnon de l’Avent 2022 (Magnificat).
Vieux Fusil
Il était un peu bourru. On l’appelait Vieux Fusil. Il habitait une cabane à Mont-Saint-Martin, dans la Grande Chartreuse. Il braconnait un peu, quelques chamois, quelques blanchots, ces lièvres qui prennent la couleur de la neige quand tout se couvre d’un tapis blanc. On ne savait pas grand-chose de lui. Il avait été chasseur alpin dans sa jeunesse. Il avait aimé et il avait souffert, assez pour se cacher dans la pièce la plus retirée du cœur. Il allait mourir avec l’ombre des camarades morts au combat et les blessures qui saignent au profond de l’âme. Dieu seul voit dans le secret. Mais il n’allait pas à la messe, d’autant plus que la neige l’isolait du village la moitié de l’année. Sur la cheminée, il avait accroché sa photo en uniforme avec une jeune femme blottie contre son épaule. Le seul amour de sa vie. Mais elle était entrée au couvent, au monastère de Chalais. Elle avait pris pour nom sœur Alma.
De là venait qu’il était fâché avec Dieu. Alors il était devenu bûcheron. Il se mesurait à la montagne et elle épuisait sa force. Elle avait consolé sa peine et apaisé son cœur, comme une mère berce en ses bras son enfant qui pleure. Une fois par an pourtant, le matin de Noël, il harnachait son cheval bai et descendait vers Chalais. Sur le traîneau, il plaçait un beau sapin et des boules en bois peint qu’il avait sculptées dans son atelier rempli d’odeurs de sève, d’éclats d’écorce et de copeaux blancs.
Mère Pia, la supérieure, l’accueillait avec la bonté discrète de ceux qui connaissent la vie, ses larmes et ses sourires. Vieux Fusil tenait à installer lui-même son sapin devant le porche de l’église. Elle savait bien que ce n’était pas pour l’honneur de Dieu, mais pour raviver quelques braises échappées des cendres de son amour si loin déjà. Alors elle venait toujours avec sœur Alma, qui n’était plus bien jeune, remercier le vieil homme, et elle les laissait parler un peu. Ils ne discutaient pas de grand-chose. Les anges en sont témoins. Sans doute de chamois, de blanchots et d’étoiles. Puis Vieux Fusil repartait le soir même, et cela faisait cinquante ans qu’il en était ainsi.
Le dernier soir de Noël, Vieux Fusil rentra dans l’église et retira son chapeau pour saluer le bon Dieu. Il repartit, habité d’une grande paix. On le trouva endormi par le gel, au pied d’un sapin et sur ses lèvres un beau sourire. Et cette nuit de Noël, sœur Alma dit avoir vu son âme s’envoler comme un enfant vers le ciel. Personne ne la crut trop, parce qu’elle était bien vieille, mais les anges en sont témoins, et le regard des anges voit plus loin que celui des hommes.
De là venait qu’il était fâché avec Dieu. Alors il était devenu bûcheron. Il se mesurait à la montagne et elle épuisait sa force. Elle avait consolé sa peine et apaisé son cœur, comme une mère berce en ses bras son enfant qui pleure. Une fois par an pourtant, le matin de Noël, il harnachait son cheval bai et descendait vers Chalais. Sur le traîneau, il plaçait un beau sapin et des boules en bois peint qu’il avait sculptées dans son atelier rempli d’odeurs de sève, d’éclats d’écorce et de copeaux blancs.
Mère Pia, la supérieure, l’accueillait avec la bonté discrète de ceux qui connaissent la vie, ses larmes et ses sourires. Vieux Fusil tenait à installer lui-même son sapin devant le porche de l’église. Elle savait bien que ce n’était pas pour l’honneur de Dieu, mais pour raviver quelques braises échappées des cendres de son amour si loin déjà. Alors elle venait toujours avec sœur Alma, qui n’était plus bien jeune, remercier le vieil homme, et elle les laissait parler un peu. Ils ne discutaient pas de grand-chose. Les anges en sont témoins. Sans doute de chamois, de blanchots et d’étoiles. Puis Vieux Fusil repartait le soir même, et cela faisait cinquante ans qu’il en était ainsi.
Le dernier soir de Noël, Vieux Fusil rentra dans l’église et retira son chapeau pour saluer le bon Dieu. Il repartit, habité d’une grande paix. On le trouva endormi par le gel, au pied d’un sapin et sur ses lèvres un beau sourire. Et cette nuit de Noël, sœur Alma dit avoir vu son âme s’envoler comme un enfant vers le ciel. Personne ne la crut trop, parce qu’elle était bien vieille, mais les anges en sont témoins, et le regard des anges voit plus loin que celui des hommes.